Mais à quoi jouent donc "Les amis de Nicolas Sarkozy" ? Réunis dans une association entièrement vouée au culte de l'ancien président de la République, "Les amis de Nicolas Sarkozy" sont dirigés par un président dévoué, Brice Hortefeux, un tout proche, flanqué de six vice-président-e-s, d'un secrétaire général, Christian Estrosi, autre tout proche, et de trois secrétaires généraux adjoints dont la très combative Nadine Morano.
De loin en loin, le bureau de l'association fait savoir à la presse qu'il déjeune dans un restaurant parisien pour entretenir la flamme. Mercredi 20 février, l'association a organisé un colloque ou plutôt une auto-célébration à la Maison de la chimie, à Paris. Au programme : les hauts faits diplomatiques de l'ancien chef de l'Etat.
Il fallait montrer combien c'était mieux avant - avant le 6 mai 2012, s'entend -, combien la France était respectée sur la scène internationale, combien sa voix s'élevait au-dessus des autres dans le concert des nations, combien la relation franco-allemande avait atteint un horizon indépassable, combien, combien, combien... Tout cela au moment où la France est engagée militairement au Mali, évidemment.
C'était donc le nec plus ultra sur le terrain de la politique étrangère. Il est probable que dans les prochains mois, voire les prochaines semaines, la "bande à Sarko" rejouera la même partition dans le champ de la politique intérieure, ou bien dans celui de l'économie. L'avantage de ce genre d'exercice est qu'il peut être décliné dans tous les domaines de la gouvernance étatique. C'est inépuisable !
En apparence, ce petit jeu ressemble furieusement à une sorte de culte de la personnalité. Jusqu'à présent, contrairement à d'autres précédents historiques, ce cérémonial n'a pas encore dépassé les frontières de l'UMP. Mais s'il ne s'agissait que de cela, la dévotion serait plutôt risible. En réalité, ce culte a pour vocation d'empêcher toute réflexion politique à droite et de contrecarrer l'émergence de nouvelles têtes.
1 Empêcher le renouvellement de la pensée de droite
Avec "Les amis de Nicolas Sarkozy", la pensée politique de la droite semble s'être figée le 5 mai 2012, la veille de la défaite de leur chef. Sarkozy a tellement renouvelé la droite française entre 2007 et 2012, ont-ils l'air de dire, que plus rien n'est à inventer pour les cinq années suivantes.
En effet, on a beau écouter, analyser, décortiquer les déclarations des dirigeants les plus en vue de l'association, on ne décèle aucune proposition, aucun projet, aucune vision pour l'avenir. Rien. Le désert de la pensée politique. Ils font tourner en boucle les douze travaux d'Hercule qui, d'après eux, auraient magnifié le dernier quinquennat.
2 Empêcher le moindre inventaire du quinquennat
Et quel est le meilleur moyen de bloquer une remise à niveau de la réflexion à droite ? Eh bien, c'est d'empêcher la moindre analyse des choix politiques, du déroulement du quinquennat et de l'échec de Sarkozy à la présidentielle. Cet exercice ridicule est poussé à son comble par Guillaume Peltier, "jeune turc" de l'UMP, expliquant que la campagne sarkozyste a été "une réussite aux multiples visages" ("L'état de l'opinion 2013", TNS Sofres-Seuil).
Puisque tout à été au top, il n'y aucun inventaire à faire : CQFD. Circulez, il n'y a rien à critiquer chez Sarkozy : tel est le mot d'ordre explicite de ses amis.
"Nous ne laisserons personne dénigrer ou abimer injustement son bilan ou sa personne", écrit, du reste, le vigilant président Hortefeux dans son mot de bienvenue aux nouveaux fidèles sur le site de l'association. Pas question de mettre en doute le bien fondé des choix de l'ex-président ou de s'interroger sur son comportement, voire ses emportements et ses déclarations définitives.
3 Empêcher l'émergence d'éventuels concurrents
Quand l'inventaire et la réflexion ont été mis sous l'éteignoir, il est inévitable d'en arriver à un blocage de la machine. C'est ce qui arrive aujourd'hui à l'UMP et, au delà à la droite. L'une et l'autre donnent l'impression d'être tétanisées. Sous la direction de Copé, en attente d'un signal tangible du père putatif, le premier parti de la droite tourne à vide.
Tous les bébés Sarko sont l'arme au pied... quand l'arme en question n'est pas utilisée pour donner l'estoc à un voisin encombrant. Tous se regardent en chiens de faïence, en se demandant qui, le premier ou la première, brisera l'embargo imposé par la confrérie des amis de l'Ex.
Refusant de se laisser enfermer dans le congélateur à initiatives, Fillon a décidé de s'affranchir de l'omerta. Après un petit tour sur le plateau du 20heures de TF1, dimanche 24 février, l'ancien premier ministre tiendra meeting, le 26, à la Mutualité, à Paris. C'est là qu'il pourrait annoncer sa candidature à la primaire UMP... pour la présidentielle de 2017. Pas pour la présidence du parti qu'il laissera à Copé.
4 ... Et tout ça empêche aussi Sarkozy de choisir
Cette stratégie d'empêchements tous azimuts a un revers. Que ses promoteurs le veuillent ou non, en entretenant la flamme d'un hypothétique retour à coups de sondages savamment distillés, ils empêchent Sarkozy de choisir définitivement entre ses différentes casquettes : membre du Conseil constitutionnel, conférencier international ou futur candidat à l'Elysée.
La situation est d'autant moins tenable sur la longueur que Fillon, justement, va faire sauter le cadre imposé par les amis de Sarkozy. Et par contrecoup, selon la théorie de la tectonique des plaques politiques, l'annonce de l'ancien premier ministre va libérer des énergies au sein de l'UMP. Sur la droite et vers le centre.
A ce moment là, Sarkozy devra choisir : se lancer ou disparaître.