Les vétérans d'Aulnay, on en parle beaucoup ces jours-ci, alors que les négociations ont débuté entre les syndicats et la direction PSA sur la question des seniors. 3 000 emplois doivent être supprimés à l'usine PSA d'Aulnay-sous-Bois, parmi eux 640 ouvriers ont plus de 55 ans. Lhoussain Boujioui, est l'un d'entre eux. Ils ne sont plus qu'une poignée à porter ainsi la mémoire de l'histoire d'Aulnay. Alors, nous l'avons rencontré cet homme discret. A la descente du bus venant de l'usine dans un café à Saint Ouen.
Avant 1982 "il fallait prendre la carte de la tranquilité"
Lousshain est entré à 23 ans à l'usine d'Aulnay comme cariste, c'était en 1976. Il était arrivé du Maroc quelques années plutôt pour travailler en France. A l'époque il y avait du travail et 10 000 salariés travaillaient à l'usine. En 2013 cela fera 40 ans que Citroën a installé son usine sur le site d'Aulnay-sous-Bois avant d'intégrer le groupe PSA Peugeot Citroën en 1976.
Rien ne prédisposait Lhoussain Boujioui à un engagement particulier. Le 23 avril1982, c'était un vendredi, il ne l'oubliera pas, "la ceinture a explosé" explique Lhoussain. Un débrayage d'une heure, c'était la première fois qu'il se mettait en grève, et c'était parti pour 5 mois de blocage de l'usine.
A Aulnay il y a l'avant et l'après 82 : "A la sortie de la grève nous avions gagné la dignité" nous explique Lhoussain Boujioui. Il nous raconte volontiers. Comme tous les magrébins et les africains qui voulaient rentrer à l'usine, pour se faire embaucher en 1976 il avait du en 1976 prendre la carte du syndicat maison qui a plusieurs fois changé de nom CFT puis CSL. Le sésame indispensable si l'on voulait avoir la paix.
L'année suivante Lhoussain n'a pas renouvelé sa cotisation et sa vie d'ouvrier est devenue encore plus dure : "Il y avait deux politiques, une spécialement pour les maghrebins et les africains, une autre pour les européens, on n'était pas traité de la même façon ." Les chefs étaient souvent d'anciens militaires qui revenaient de la guerre d'Algérie : "Ils nous parlaient d'une façon agressive. On n'avait pas le droit de s'exprimer, ni de se regrouper, ils avaient toujours peur qu'on aille dans un autre syndicat." se souvient Lhoussaine Boujioui.
Sans "la carte de tranquillité" les ouvriers africains n'avaient droit à rien.
"Pour les jeunes ça fait mal"
En 1983 Lhoussain Boujioui a pris sa carte de la CGT il a été élu délégué au CHST (comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail). 30 ans plus tard il est encore là fidèle au poste. C'est un crève-coeur pour Lhoussain de penser qu'après lui l'usine n'existera plus. Il ne croit pas à l'argument économique avancé par PSA pour justifier la fermeture : "On ne ferme pas comme ça l'usine la plus moderne d'Europe, il voulait en finir avec Aulnay parce que depuis 82 on ne se laisse plus faire."