"Air Cocaïne" : cette affaire, baptisée ainsi par les médias, n'en finit plus de rebondir. Et, au vu des derniers événements, ce n'est forcément pas terminé.
Au début de cette affaire, l'interpellation de quatre français, le 19 Mars 2013, à Punta Cana (République Dominicaine), alors qu'ils allaient embarquer pour la France, à bord d'un Falcon. A l’intérieur de l'appareil, 700kg de cocaïne. Affaire pour le moins rocambolesque; le jet appartient à Alain Afflelou, il a été utilisé, entre autre, par Nicolas Sarkozy pour quelques uns de ses déplacements.
Parmi les quatre Français, se trouvent les deux pilotes (retraités de l'aéronavale), qui ont toujours nié leur participation à quelque trafic que ce soit. Au mois d’août dernier, ils étaient condamné à 20 ans de prison; mais, en l'attente du procès d'appel, ils étaient sous contrôle judiciaire, avec interdiction de quitter la République Dominicaine. Ce qu'ils ont pourtant fait, dans un scénario qui, s'il se dessine, reste encore flou.
J'éviterai, d'ores et déjà, de me prononcer sur le rôle de ces deux pilotes, ne connaissant pas le dossier. Pourtant, je n'en reste pas moins intrigué par tout ce qui entoure ce que j'appelle une évasion; quand bien même, techniquement, si l'on veut être juridiquement précis, l'on ne peut utiliser ce terme.
Quoi qu'il en soit, ce matin, des gendarmes procédaient à leur interpellation, à domicile, afin de les conduire devant le juge d'instruction marseillais, en charge des investigations relatives aux infractions en lien avec le territoire français. Interpellation qui a eu don de faire "hurler", maitre Dupond-Moretti, nouvel avocat de l'un des deux pilotes
Un avocat, un député
Ma première interrogation trouve son origine dans les commentaires faits par Me Dupond-Moretti, lorsqu'il s'est agi de commenter l'évasion:
"Ils ont eu l'opportunité de s'évader, ils ont bien fait de le faire; c'est ce qu'on fait quand on est innocent"
Je ne cherche pas, de mon coté, à convaincre, sur le fait de savoir si les deux pilotes ont eu raison ou non de quitter l'île. Chacun est libre en sa conscience d'agir comme il l'entend, le tout étant d'assumer ensuite ses actes. Ce sont bien les propos de Maitre Dupond-Moretti qui me gênent. Arguant de la piètre qualité de la justice dominicaine, et de l'innocence de son client, il aurait donc "bien fait" de s'évader. Donc, pour résumer, quand on est innocent, on a le droit de s'évader. Ce conseil aura-t-il la parole aussi légère lorsqu'un de ses clients, jugé en France, se dira lui aussi innocent? Y aurait-t-il des hommes, se disant innocents, jugés coupables, qui sont meilleurs que d'autres, qui méritent plus de s'évader? Eric Dupond-Moretti ne fait que défendre son client, ai-je pu entendre. Je n'ai aucun problème là-dessus, c'est tout à fait normal. J'aurais attendu de ce conseil, simplement, qu'il prenne acte des faits, et qu'il se tienne prêt à répondre, avec son client, devant la justice française. Tout simplement, en toute discrétion.
Mais lorsque je vous dis que l'on est dans le rocambolesque, cela ne s'arrête pas là. Voilà que Aymeric Chauprade, député européen représentant la France, reconnait avoir participé à cette exfiltration. Alors là, pardonnez-moi, mais c'est le pompon! Un élu! Là encore, qui parade devant la presse.
Quelle image est encore donnée de la France à l'étranger, cette France qui est déjà montrée du doigt pour son arrogance! Qui sommes-nous pour juger de la qualité de la justice dominicaine? Et si demain, un étranger vient à s'évader d'une prison française, au même motif, de qualité médiocre de notre justice, quelle sera notre réaction?
Et, plus directement encore, quel sera le sort réservé aux deux autres Français, restés sur place, dont l'un a d'ailleurs de graves problèmes médicaux? Quelle incidence cette évasion aura-t-elle, sur leur procès en appel?
Plus largement, quid de l'aide judiciaire existante entre les deux pays, au travers de demandes d'aides qu'ont pu faire (ou feront à l'avenir) des juges installés aux Antilles ?
Placé dans une situation similaire, à la place des pilotes français, se disant innocents, difficile de savoir ce que nous aurions fait. Et, encore une fois, ce n'est pas tant les faits en eux-mêmes que je déplore. Mais plutôt la communication, et le parti pris, publiquement affiché, de certains, ayant des fonctions officielles en France, qui risquera de poser problème. Que ce soit à titre individuel pour ceux qui sont restés (ou qui seront amenés, dans les prochains mois, à être jugé là-bas), ou de l'intérêt général, par le biais de la diplomatie française.
Air Cocaïne. Affaire à suivre.
A lire, également, les suites judiciaires envisageables, pour les deux pilotes, sur le blog de Judge marie.