Qui connaissait, hier, la commune de Moirans? Peu d'entre nous, j'imagine! C'est désormais chose faite, depuis qu’une centaine de personnes aient mis fin au calme de cette commune de l'Isère. Carcasses de voitures et palettes en feu, une gare et un restaurant saccagés, un trafic routier interrompu et dévié…
Le motif : le refus, dans l’après-midi, d’un Juge de l’Application des Peines, d’autoriser une permission de sortie (sans escorte), à deux des membres de la communauté des gens du voyage, afin qu’ils puissent assister aux obsèques d’un proche (parmi les décédés survenu lors d'un accident de voiture).
Dans le même temps, des incidents survenaient au sein de la prison d'Aiton; plusieurs détenus refusant de réintégrer leur cellule, et allumant des feux dans l'enceinte pénitentiaire, en solidarité des deux détenus, et de ce qu'il se passait, au même moment, à Moirans.
Un précédent dans la Somme
Il ne s'agit pas là, malheureusement, d'une première. Hasard? Probablement pas. L'on se souvient d'incidents similaires survenus le 29 août dernier, dans la Somme. Une demande de permission refusée (suite à un décès survenu lors d'une fusillade), le blocage d'une route avec incendies de divers objets sur la chaussée, la communauté des gens du voyage. Ce sont là les points communs entre les deux affaires, à cinquante jours d'intervalle. A l'époque, l'autoroute avait été bloquée vingt quatre heures avant que les barrages ne soient levés. Ce jour-là, la Cour d'Appel d'Amiens avait infirmé la décision prise par le Juge d'Application des Peines, autorisant, de fait, la permission de sortie.
Ainsi donc, à deux reprises, par des blocages, et autres incidents, certains tentent de faire pencher une décision de justice. Appelons un chat, un chat. C'est bel et bien une forme de chantage. Quand bien même on peut comprendre la volonté d'une famille de voir les siens dans un moment de deuil.
Nous ne connaissons que peu le dossier de celui qui avait demandé cette permission, dans la Somme. Peut-être avait-il un comportement exemplaire, durant son incarcération. Probablement le magistrat a-t-il rendu une décision en "droit", ne tenant compte que du seul dossier sur lequel il était appelé à statuer. Sans tenir compte des événements alentour. Probablement le magistrat ne s'est-il pas senti objet du chantage, restant hermétique aux événements... Et, reconnaissons-le, cette permission de sortie n'a donnée lieu à aucun incident, le détenu ayant regagné l'établissement pénitentiaire (de ce que l'on sait).
Une impression de faiblesse
Pourtant, même si cette décision est prise selon les formes de droit en vigueur, elle laisse une mauvaise impression. Celle que l'Etat s'est laissé faire, et a cédé au chantage. Au delà d'une décision individuelle qu'a prise le magistrat, il agit, forcément, en représentant de l'Etat.
Comment ne pas se dire que les auteurs des incidents de Moirans n'ont pas pris exemple sur les faits survenus il y a quelques semaines dans la Somme, et pour lesquels, on leur avait, en quelque sorte, donné raison?
D'ores et déjà, Manuel Valls, le chef du Gouvernement s'est exprimé, appelant à "la fermeté, et au rétablissement de l'ordre républicain". L'Etat se doit d'être fort, au risque de voir de telles situations se multiplier. Ceux qui troublent l'ordre public se doivent de comprendre que tous les actes qu'ils pourront commettre pour que l'on intercède en leur faveur, ne pourront qu'avoir une issue négative. Encore la meilleure façon d'agir en prévention, et de faire en sorte que le magistrat puisse statuer comme il se doit, au regard du dossier qui lui est soumis. Sans événement extérieur.
Une nouvelle décision sera rendue aujourd'hui. Soit par le Juge d'Application des Peines, si les des deux détenus ont formulé une nouvelle demande (peut-être pour une autorisation de sortie avec escorte), soit par la Cour d'Appel, au regard de la première décision.
Quoi qu'il advienne, les obsèques ont lieu ce jour, à 14h.
Nous verrons aussi quelles seront les réactions à Moirans, s'il devait y avoir une issue négative.
11h42: Le Juge d'Application des Peines a rejeté la nouvelle demande, faite par le détenu. De son coté, la mère du défunt annonce qu'elle "annule", les obsèques.