La grande évasion ?

L’actualité judiciaire de la semaine a été dominée par l'épique retour sur le sol français des deux pilotes condamnés par la justice dominicaine à une peine de 20 ans d'emprisonnement pour trafic de drogue, suite à la découverte dans l’avion qu’ils pilotaient de plus de 600 kg de drogue.

Réfugiés en France, MM. Pascal Fauret et Bruno Odos sont-ils désormais à l’abri de toute incarcération, tant en République dominicaine qu’en France ?

Le pilote Pascal Fauret et son copilote Bruno Odos, le 4 février 2014, devant le tribunal de Higuey (République dominicaine).

Concernant la République dominicaine, il est vrai que les autorités de ce pays, à juste titre agacées (pour parler par euphémisme), ont indiqué avoir l'intention de lancer à leur encontre un mandat d’arrêt international.

Il existe toutefois en droit français un principe ancien selon lequel la France n’extrade pas ses nationaux. Ce principe a été repris par l’article 696-2 du code de procédure pénale qui énonce clairement que la France peut extrader “toute personne n'ayant pas la nationalité française (...)”. Dans ces conditions toute demande d’extradition présentée par Saint Domingue sera nécessairement écartée.

Dans l’hypothèse en revanche où les deux pilotes quitteraient un jour la France, ils pourraient dès lors faire l’objet d’une interpellation en vertu d'un tel mandat et être réclamés par les autorités dominicaines dans le cadre d’une procédure d’extradition. N’ayant pas par hypothèse la nationalité du pays d'interpellation, ils pourraient être transférés en République dominicaine et y être jugés en appel.

Concernant une éventuelle incarcération en France, on peut rappeler que la justice française est saisie depuis 2013 des infractions de trafic de stupéfiants qui leur ont valu une condamnation à Saint Domingue.

Dans ces conditions, ils seront vraisemblablement convoqués en temps utile par la juge d’instruction chargée de ce dossier qui, en fonction des éléments du dossier et de leurs déclarations, pourra si elle l’estime nécessaire les mettre en examen et saisir le juge des libertés et de la détention pour leur placement en détention provisoire.

Ce magistrat se prononcerait sur cette demande après un débat contradictoire en présence du parquet, en fonction des conditions posées par l’article 144 du code de procédure pénale, la détention ne pouvant être décidée que si ce magistrat considère qu’un contrôle judiciaire est insuffisant pour atteindre un certain nombre d’objectifs visés par la loi (concertation entre mis en examens, risque de dépérissement des preuves, risque de fuite…).

Dans l’absolu, le risque de fuite pourrait constituer un élément important dans l’appréciation du juge des libertés, compte tenu de la façon qu’ont eu les deux intéressés de fausser compagnie aux autorités judiciaires dominicaines.

Toutefois, compte tenu des risques de retour contraint en République dominicaine en cas de fuite vers l’étranger (un autre pays que la France pouvant les extrader sans difficulté), cet élément pourrait paradoxalement être considéré comme garant du maintien de MM. Fauret et Odos à la disposition de la justice française.