Mon déjeuner en forme de cœur

Ça vous a peut-être échappé, mais ceci est une tête de bonhomme. Oui, pas très "mauvaise mère" de faire des dessins dans l'assiette de mes enfants, mais je voulais tester la véracité d'une étude que je viens de lire.

Car vous aussi, vous devez savoir ce que c'est, les petits qui refusent d'ouvrir la bouche devant une tomate cerise, qui boudent pour trois petits pois et font une scène pour goûter des lasagnes maisons qu'on a mis deux heures à préparer. Et que ceux dont les enfants ne chipotent pas à table s'étouffent dans leur purée Mousline.

Mais quand je suis tombée sur cet article du DailyMail, c'est moi qui est avalé mon thé de travers. D'authentiques chercheurs américains vous y expliquent que pour séduire les papilles des enfants, il faut qu'ils aient six couleurs sous les yeux en moyenne, contre trois pour les adultes. Tomate cerise sur le gâteau : faire des dessins dans l'assiette, sourire en bacon, coeur en petits pois...

Autant l'avouer, j'ai éclaté d'un rire gras. D'abord parce que c'est un coup à perdre le seul créneau de la semaine qu'il me reste pour bouquiner. D'ici à ressembler à ces Japonaises qui font des stages pour dessiner Totoro en grains de riz dans la lunchbox de leur tête brune, il n'y a qu'un pas.

Surtout, je n'y croyais pas une seconde. Mais je me suis dit que j'avais des préjugés. Alors j'ai tenté. Des pâtes et de la viande rouge, ils aiment. Un trait de ketchup pour la bouche, ils en raffolent. Deux rondelles de carotte et une tomate cocktail, ça c'est le piège. Un tout petit piège me direz vous.

Résultat : ils ont bien rigolé ("oh, le sourire, il est tout de travers maintenant"), la viande a refroidi, ils n'en ont plus voulu (je n'ai plus qu'à la refourguer dans mes lasagnes maison, qu'ils ne boufferont pas non plus). Sinon, ils ont boulotté les pâtes et dissimulé habilement les carottes. La tomate, ils l'ont posée directement dans mon assiette en m'assurant qu'il n'en était pas question.

Donc, je me suis bien faite avoir. Ils ont moins bien mangé que d'habitude. Et j'en reste à ma solution : les menacer d'être privés de dessert.

Mise à jour Le pire, c'est quand j'ai mixé le steak, deux jours plus tard. Ulysse s'est approché de moi d'un air désolé. J'ai cru qu'il allait s'excuser, mais il a dit : "Oh, pauvre viande rouge."

La rareté des choses

A quoi rêve un petit garçon de 5 ans ? Aux avions en papier et à la crème de caramel au beurre salé.

Les avions en papier d'abord. En quelques mois, Ulysse a appris une quinzaine de pliages différents et se targue d'avoir répandu la mode dans sa classe. Pas une pièce de la maison où l'on aperçoive un super-sonique format A4. A tel point que le jour où je n'avais plus de quoi imprimer un document, j'ai dû expliquer à mon fils qu'il allait porter la responsabilité de la disparition de la forêt amazonienne et de couche d'ozone sans parler de la colère de sa maman.

J'ai bien essayé de ramener du papier brouillon du boulot, mais il m'assure que, quand la feuille est imprimée d'un côté, ça ne vole pas pareil. De toute façon, depuis que je bosse pour internet et la télévision, il n'y a plus de papier au boulot, on fait tout sur écran. Mes réserves continuent donc de maigrir à la vitesse d'un A380 et le gaspillage ne semble pas beaucoup émouvoir un petit garçon de 5 ans.

La crème caramel ensuite. A chaque fois que son grand-père rentre de Bretagne, mon fils saute de joie. Parce qu'il aime mon paternel bien sûr, mais aussi parce que "Dadou" a le bon goût de lui rapporter du grand ouest un pot de crème de caramel au beurre salé. Une douceur pour laquelle je me damnerais si mes grossesses ne m'avaient pas rendue diabétique, bordel. Et que ceux qui n'ont jamais craquer pour une crêpe au caramel s'étouffent avec leur banana split (so 80's).

A chaque petit déjeuner, Ulysse se goinfre donc de tartines de caramel, il en demande sur ses madeleines au goûter et dans son yaourt le soir. Puis un jour, je découvre qu'il fait l'impasse sur son péché mignon. Le beurre de cacahouète sur les tartines, les madeleines natures, le yaourt au sucre roux...  L'envie de caramel lui est passée ? Non, mais le niveau du pot baisse dangereusement. Il trouve alors tout un tas de parades pour faire durer le plaisir. Les réserves ne maigrissent pas plus vite que Beth Ditto et la notion d'économie entre dans la petite tête d'un petit garçon de 5 ans.

Je comprends maintenant pourquoi on leur apprend à calculer en additionnant des bonbons, et pas des haricots.

Le caprice de nuit

Tous les parents, et quelques héros, le savent : le manque de sommeil est une des tortures les plus folles. J'avais connu les nuits hachées, les réveils affamées au petit matin, la dépression des nuits de maladie. Je pensais donc avoir faire le tour et être limite en mesure d'ouvrir un cabinet de conseils, histoire de faire du fric. J'avais oublié ma fille.

Il faut l'avouer, puisqu'on en parle, ça fait un moment qu'elle est pénible. Elle est même incroyablement reloute, à faire des caprices, se rouler par terre et poursuivre sa dictature du rose. Mais c'est toujours au moment où on pense sérieusement à la perdre dans un supermarché qu'elle lève vers nous ses grands yeux bleus pour devenir pendant cinq minutes la merveille la plus délicate que la Terre ait portée.

Depuis quelques semaines, ma gorgone a trouvé un nouveau supplice. Entre 5 et 6 heures, elle se met à hurler en boucle la même phrase, mue par un désespoir impressionnant. Quand je me précipite vers son lit, j'entends distinctement sa litanie. Au choix : "Je veux des pâtes", "J'ai pas déchiré la feuille", "Je veux une glace à la fraise". Voila. Ma fille est tellement colérique qu'elle fait même des caprices dans son sommeil.

Evidemment, je ne me rendors pas. Evidemment, j'ai envie de la perdre dans une forêt sombre et profonde. Et en même temps, non, elle me fait trop marrer.