Les bébés dansant de la nouvelle pub Evian

La nouvelle pub d'Evian vient de sortir et, on vous l'assure, aucun bébé n'a été maltraité dans ce film.

Plus sérieusement, voila bien quinze ans que la marque d'eau minérale exploite le filon "bébé" pour vendre ses bouteilles (bien trop chères). Des fois, je trouve ça plutôt malaise, mais cette fois-ci, c'est assez réussi. Pourtant faire danser les bébés n'a rien d'original, Ally McBeal a exploité l'astuce à l'envi. Mais la superposition de comportements d'adulte à un corps de nourrisson continue de fonctionner. Il y a juste un moment où j'aurais aimé me retourner vers mon lardon en lui lançant : "Dis, baisse la musique et va changer ta couche au lieu de te trémousser."

 

Ça se voit qu'elle est malheureuse, non ? © Emma Defaud

Nos enfants se sentent les plus malheureux d'Europe

Nos gamins ne sont pas tip-top à l'école et ils fument des pétards à l'adolescence. Mais, heureusement, les petits Français sont les rois de la scolarisation en bas âge et les loulous restent assez gâtés et en bonne santé. C'est, en gros, les enseignements que la presse a extraits du rapport de l'Unicef sur le bien-être des enfants (PDF en anglais), paru mercredi 10 avril. En résumé, on est treizièmes sur trente au classement général. Officiellement assez loin de la place de donneur de leçons qui sied à notre grande nation, officieusement assez en phase avec la réalité du terrain.

Jusque-là, rien ne m'étonne. D'ailleurs, ledit rapport avait à peine éveillé ma curiosité quand j'ai découvert, page 38, le chapitre "Ce que les enfants disent". La méthode du "Children’s Life Satisfaction League Table" y montre "ce que ressent l'enfant à propos de sa propre vie, selon ses propres priorités ici et maintenant". Et là, surprise, BIM, on est derniers. Pas treizièmes, hein, derniers. "Pourcentage d'enfants qui trouvent leurs camarades de classe sympas et serviables" (troisièmes en partant de la fin), "pourcentage d'enfants qui trouvent que c'est facile de parler avec maman" (30es), "pourcentage d'enfants qui trouvent que c'est facile de parler avec papa" (30es) et moyenne générale (30es)... Strike.

La déprime.

Evidemment, dans les pages qui suivent, l'Unicef s'interroge sur le fossé qu'il peut y avoir entre la mesure objective du bien-être des enfants et leurs sentiments. Parce que ces ingrats ont quand même des Legos Star Wars, des vacances au soleil et un dessin animé le week-end, mais ils trouvent encore le moyen de se plaindre. Et ce n'est pas faute de leur répéter le matin qu'ils doivent finir leur lait et leur tartine parce qu'il y a "des enfants qui ne mangent pas à leur faim". La fin de la phrase est entre guillemets parce qu'ils sont à deux doigts de la répéter avec moi.

Alors pourquoi ? Pourquoi auraient-ils le sentiment que rien ne va et que le monde est un lieu inamical ? "Ils sont constamment invités à comparer ce qu'ils possèdent et peuvent faire, leur apparence, leur corps et leur style de vie avec ceux de riches et célèbres individus d'une communauté virtuelle et d'une image commerciale véhiculée par les médias", tente l'Unicef.

OK, Clochette a des ailes et Tree Fu Tom peut se miniaturiser pour jouer dans le jardin, mais de là à mal le prendre... Il faut croire que mes enfants sont encore en âge de trouver que "c'est facile de parler avec maman" ou "avec papa" et que ça se gâtera plus tard. Plus crédible, une journaliste d'Europe 1 disait mercredi matin (je n'ai pas réussi à retrouver le son sur leur site) qu'on collait trop la pression aux enfants pour qu'ils réussissent à l'école. Et qu'il fallait leur lâcher un peu les baskets. Arg. Et là, ça devient dur de suivre les conseils alors que je fais déjà les gros yeux quand mon fils ramène un papillon orange.

Extrait du rapport de l'Unicef

Extrait du rapport de l'Unicef

A la manif pour tous du 24 mars 2013

Cette maman enceinte gazée à la "Manif pour tous"

Elle passe la main sur le visage de sa petite fille, comme pour en chasser ce qui resterait de gaz lacrymogène, lui remet quelques cheveux en place. Comme pour effacer de leur esprit cet incident. Un geste que pourrait faire n'importe quel parent. Cette maman enceinte au look BCBG a amené ses filles manifester contre le mariage pour tous ce dimanche. Pourquoi être allé au devant de la manif, au moment où ça dégénérait ? "J'essaie d'avancer moi, je veux aller à l'Elysée", assure la dame. Sa voix saute du grave à l'aigu sous le coup de l'émotion et de l'adrénaline.

Voilà donc à quoi ressemblent les mères qui pensent que deux personnes du même sexe ne peuvent pas élever des enfants ? Evidemment, je ne suis pas d'accord avec elle, et je l'ai déjà écrit ici ou ici. Les petites filles qui l'accompagnent ont les parkas bardées d'un nombre incroyable de stickers anti-mariage pour tous. Elles tiennent des drapeaux militants en attendant sagement derrière leur maman. J'observe cette mère sûre d'être dans son bon droit, sûre de ses valeurs, de son combat. Moi qui doute tout le temps. Je ne peux pas m'empêcher d'avoir des doutes. Peut-être est-ce elle aussi qui vient parfois commenter mon blog, qui me dit qu'il "faut réfléchir avant de faire un enfant" au lieu de se demander comment aller le chercher à l'école ? Qu'un enfant, ça ne se garde pas deux jours par semaine mais sept, quand j'écris que je rentre à 19h30.

Je trouve son assurance et son indignation injustes. Moi aussi je suis indignée. Qu'on qualifie mes amis de "contre nature", qu'on doute de la capacité d'un couple de copines à faire de leur fille un être humain heureux et équilibré, qu'on aille défier les CRS avec des petites filles. Pensait-elle que les enfants sont si purs qu'ils nous permettent de défier la loi ? Dire que moi, je n'ose même pas mettre une photo du visage de mes mômes sur ce blog et qu'elle témoigne avec les siens à la télé.

N.B. : Par ailleurs, la dame n'a pas dû bien voir comment 9 métallos se faisaient recevoir quand ils faisaient du boucan devant Matignon. Elle s'est dit que 300 000 personnes devant l'Elysée en empruntant l'avenue la plus surveillée de France par plan vigipirate écarlate, ce n'était pas un souci.

N.B. 2 : Je me réserve le droit de retirer tout commentaire qui manque de respect aux autres. Sur les autres posts, je donne beaucoup de place à l'expression, mais je ne laisserai pas mes amis subir ici la violence idéologique qu'ils encaissent depuis des mois.

Mise à jour du 28 mars.

Un commentaire qui explique pourquoi on peut être contre l'ouverture de la parentalité aux couples homosexuels m'a paru particulièrement intéressant (celui de Sarah). Je copie donc ma réponse ici.

Je ne doute pas que certaines femmes qui ont participé à cette manifestation travaillent et aient une vie proche de la mienne. Si je me pose la question de savoir quel regard elle aurait eu sur moi, c'est surtout parce que la plupart des personnes que j'ai écoutées s'exprimer contre l'homoparentalité portent un jugement sur la capacité de deux personnes du même sexe (et parfois des autres couples hétéro à éduquer des enfants.

Vous, vous pointez le risque de marchandisation. Je comprends, je crois que vous vous trompez de débat. Les couples homos ont déjà des enfants. Beaucoup de lesbiennes utilisent la PMA autorisée en Espagne et en Belgique, beaucoup d'autres utilisent le sperme d'un proche qui s'implique plus ou moins dans ce projet parental. (je vous conseille ce témoignage là ou celui-ci). Deux femmes ou deux hommes ne peuvent pas faire d'enfants ensemble, mais ressentir le besoin de fonder une famille est quelque chose d'intimement ancré en soi et aucune loi n'empêchera ces couples d'aller au bout de leur projet, l'absence de loi les exclut juste des radars de contrôle (aide sociale à l'enfance, suivi scolaire, etc) et leur complique la tache.

Enfin, concernant la filiation. Je comprends votre appréhension, et c'est selon moi le seul argument qui ne relève pas de l'homophobie. Reconnaître ces enfants d'homo qui existent déjà aiderait peut-être à construire un discours constructif pour eux : "Oui, tu es élevé(e) par deux femmes, ou deux hommes, mais quelqu'un d'autre a contribué à te faire venir au monde, parce que nous voulions avoir un enfant, nous t'aimions déjà très fort. Cette personne a été bienveillante avec toi et reste ton géniteur (ta génitrice), mais l'amour de deux parents se construit autour de leur volonté d'élever leur enfant." Un discours qui ne peut être que mieux formalisé, plus réfléchi, s'il n'est pas ressassé dans son coin mais l'objet d'une réfléxion ouverte dans notre pays.

Quant aux arguments strictement psychologiques, il y a eu des débats en France là-dessus, avec des pro et des anti, mais ce ne sont pas des psy qui ont travaillé directement sur la question. Aux Etats-Unis, une énorme étude vient d'être publiée, qui assure que le l'équilibre d'un enfant dépend bien plus de la force des liens qui unit un enfant à ses parents que de l'altérité sexuelle de ces parents. A lire dans le New York Times et directement sur le site de l'Académie de pédiatrie

Voila, Sarah, pourquoi je pense que cette peur est naturelle (n'avons-nous pas grandi avec Freud ?) et pourquoi il faut dépasser cette crainte et être pragmatique. J'espère que cette argumentation vous donnera matière à réflexion.

Je n'ai pas cherché à être insultante envers un groupe, mais à rendre compte de la façon dont moi aussi je me sentais agressée par ces convictions. Je n'ai pas reproché aux parents d'amener leurs enfants au manif (j'avais moi-même envie d'amener mes enfants à une manif de défense du mariage pour tous, et c'est le papa qui a objecté qu'une manif peut dégénérer, et que je n'avais pas à leur faire porter mes opinions). J'ai dit que je ne voulais pas que mon enfant soit reconnaissable sur ce blog et que j'avais du mal à comprendre qu'on aille fendre la foule pour se retrouver en début de cortège (ce que ne dément pas la dame de la vidéo) puis exposer ses filles aux caméras, quand la défense des droits des enfants est au centre de ses préoccupations.