Le « Bib » peut-il remplacer les bouteilles ?

Niklas Morberg

Les origines du "Bag-in-Box" 

Il y a un demi-siècle, est né un contenant pour liquides qui sera utilisé pour le vin quelques années plus tard. Il s’agit de la « caisse-outre », inventée en 1955 par William R. Scholle. D’une contenance allant de 1,5 à 1 000 litres, elle sera utilisée pour le stockage et le transport de produits liquides non alimentaires.

La caisse-outre est constituée d'un carton ondulé dans lequel se trouve une poche étanche composée d'un film alimentaire avec une couche qui fait barrière à l'oxygène.

Les États-Unis vont rapidement l'utiliser pour le conditionnement du lait alors qu'elle servait déjà à conserver l'eau, les jus de fruits, l'huile, le vinaigre, etc. L'Australie est le premier pays à conditionner le vin en caisse-outre dès les années 1960.

Dans les années 1970 et 1980, son utilisation pour le vin va se développer, y compris en France, où les utilisateurs vont l'appeler « cubitainer » ou tout simplement « cubi ». C'est le modèle d'une contenance de 30 à 33 litres qui va se généraliser. Longtemps, sa réputation ne va pas être très bonne, car le conditionnement et l'emballage sont de qualité moyenne, ne permettant pas de conserver le vin très longtemps et son utilisation reste attachée à l'image du vin de table de qualité, elle aussi, plutôt moyenne. Par ailleurs, les acheteurs de vin en cubitainer étaient intéressés par le prix et également par le plaisir de mettre eux-mêmes le vin ensuite en bouteilles. Il est vrai qu'à l'époque le fabricant du cubitainer ne communiquait pas sur l'avantage de ce contenant qui évitait justement l'obligation de la mise en bouteilles.

L’arrivée et le développement du « Bag-in-Box »

À la même époque, en 1977, est déposée la marque d'un contenant appelé « Bag-in-Box », ou « Bib », dont les contenances les plus répandues sont de 3 litres, 5 litres et 10 litres. C'est un emballage à usage unique composé d'un carton dans lequel se trouve une poche en plastique très souple avec un robinet simple à utiliser. Le remplissage se fait après vide d'air de la poche, donc aucune oxydation du vin. Au fur et à mesure du tirage du vin, la poche se rétracte, l'air ne pouvant pas y pénétrer et le vin garde ainsi toutes ses qualités organoleptiques pendant plusieurs semaines (6 à 8), voire jusqu'à quatre mois.

Le Bib mettra près de quinze ans avant d'être adopté. Dans les premières années, il était surtout destiné au marché de la restauration qui proposait sur table du vin au pichet ou au verre. C'est au début des années 1990 que son utilisation va vraiment se développer. On peut acheter son vin en Bib chez le caviste, en grande distribution et plus tard également chez les producteurs. Le Bib est adapté à la tendance nouvelle de la consommation occasionnelle du vin au verre. Il est facile à transporter, à ouvrir (sans tire-bouchon) et à ranger, les blancs et rosés se mettent directement au réfrigérateur. Il s'adapte parfaitement aux repas pique-nique ou barbecue. De plus, le vin est garanti sans goût de bouchon.

Aujourd'hui on trouve toutes les catégories de vins conditionnées en Bib, pas seulement les vins de table comme au temps du cubitainer. Même les producteurs de vins AOC en proposent, à tel point qu'à présent les AOC représentent 1/3 des vins vendus en Bib. En 2011, 28 % du volume de vins vendus en grande distribution l'étaient en Bib. Cet engouement peut s'expliquer par un prix plus bas (25 à 30 %) par rapport au même volume en bouteilles et par un design attractif proposé sur le carton.

Le volume de vin vendu en Bib augmente d'année en année, en France comme en Europe, où les pays scandinaves, et notamment la Suède, sont particulièrement demandeurs. Le marché est en pleine expansion, il représente aujourd'hui 30 % du marché français. Certains l'ont compris et ont créé, en 2013, BIBOVINO. C'est un concept de caviste en franchise qui vend exclusivement du vin en Bag-in-Box. Il existe déjà plusieurs magasins à Paris et dans d'autres villes, comme Limoges et Colmar. Le vin en Bib existe également dans d'autres pays producteurs, ce qui explique l'organisation, le 20 mars 2015 à Toulouse, de la première édition du concours international « Wine in Box ». Soixante-quatorze vins ont été médaillés à ce concours : 56 pour la France, 10 pour l'Espagne, 3 pour l'Italie, 1 pour la Grèce, 1 pour les USA, 1 pour la Suisse, 1 pour le Luxembourg et 1 pour la Nouvelle-Zélande.

« Bag-in-Box » ou bouteille ?

Certains pensent déjà que le Bib marque la fin de la bouteille. Je ne suis pas de cet avis. Nous avons vu les avantages du Bib, mais il a un grand inconvénient : le vin en Bib ne vieillit pas, on ne peut pas le garder plus d'un an. Le consommateur français reste majoritairement attaché au vieillissement du vin, il continuera donc à acheter du vin en bouteille pour le laisser évoluer tranquillement dans sa cave. Lors de repas de fête ou de repas gastronomiques entre amis, le Bib ne remplacera pas la « bonne » bouteille de 5 ou 10 ans d'âge que l’on est fier de déboucher.

En conclusion, on peut dire que la Romanée Conti ou Château Pétrus en Bib, ce n'est pas pour demain.