Tout d'abord qu'est-ce-que le bouchon ? C'est un accessoire essentiel et pourtant toujours ignoré. C'est vrai que le souvenir du vin reste, l'étiquette et la bouteille sont souvent collectionnées, mais le bouchon est jeté.
Même si dans l'histoire le mot « bouchon » a eu d'autres significations, il est aujourd'hui devenu synonyme de liège. Lorsqu'on parle de bouchon on pense donc tout de suite au liège.
D'où vient le liège et quelle est son histoire ?
Il vient de l'écorce du chêne-liège (« Quercus Suber » pour les puristes) et cette écorce était déjà connue des Égyptiens qui en faisaient des flotteurs pour leurs filets de pêche. Ce sont les Grecs qui, les premiers, vont boucher leurs amphores remplies de vin avec du liège. La plus ancienne amphore bouchée avec du liège a été trouvée lors de fouilles autour d'Athènes et date du 5ème siècle avant J.C. Les Romains, plus tard, continueront d'utiliser le liège pour boucher leurs amphores. Plus de 7.000 de celles-ci ont été découvertes en 1952 par le commandant Cousteau dans une épave qui gisait au fond de la mer depuis plus de 2.000 ans. Certaines contenaient encore du vin ce qui montre la parfaite imperméabilité du liège. L'ouest de la Méditerranée avait des conditions de sol et de climat propices au chêne-liège, Grecs et Romains venaient s'y approvisionner.
Au début de l'ère chrétienne l'utilisation du liège va régresser puis disparaître en même temps que le tonneau va remplacer l'amphore. Pour boucher les tonneaux le liège sera remplacé par des bondes en bois et un morceau de toile pour faire le joint, ce qui est encore pratiqué de nos jours. On pense que l'abandon du liège est peut-être du à des difficultés d'approvisionnement à partir de l'occupation de la péninsule Ibérique par les arabes, le liège provenant essentiellement du Portugal et de l'Espagne.
Cette situation va durer 1.200 ans. Le liège réapparaîtra dans la deuxième moitié du 16ème siècle avec la fabrication des bouteilles. Pendant longtemps le liège et le verre dépoli vont se concurrencer pour le bouchage des bouteilles (les bouteilles des vins de 1820 et 1825 du château Lafite Rothschild ont été bouchées avec du verre dépoli). Le bouchon de verre est encore utilisé de nos jours pour les carafes. Le bouchon de liège s'améliorant, il finit par s'imposer.
Quelles sont les qualités du liège ?
Il est souple, élastique, adhérent (à la paroi du verre), neutre, imputrescible et de plus assure une parfaite étanchéité. Il joue également un grand rôle dans le vieillissement du vin. En effet, il permet un échange modéré entre le vin dans la bouteille et l'oxygène de l'air extérieur. Cette micro oxygénation fait qu'il reste vivant, et va ainsi pouvoir vieillir longtemps, s'il en a les capacités.
Quel est son principal défaut ?
Tout le monde a déjà observé, au restaurant, que le serveur ou le sommelier lorsqu'il débouche une bouteille de vin, sent la partie du bouchon qui était au contact du vin avant de le servir. Il fait cela pour vérifier que le vin n'a pas de goût de bouchon. En effet, si le bouchon a une bonne odeur d'arômes du vin, celui-ci ne présente pas de défaut lié au bouchon et peut être servi. Par contre, s'il a une odeur prononcée de liège, voire de moisi, il y a de fortes probabilités que le vin soit « bouchonné ».
Vous l'aurez compris, le grand inconvénient du liège est le « goût de bouchon » qui en réalité n'est pas un goût mais une odeur.
Alors d'où vient cette odeur ?
Deux origines possibles :
La première :
Elle vient du bouchon lui-même. C'est un Suisse, Henri Tanner, qui en 1980 identifie la molécule responsable de cette odeur. Il s'agit du trichloroanisole (TCA) qui est détectable à l'odorat à des doses très faibles, de l'ordre de 5 nanogrammes par litre (le nanogramme est le milliardième du gramme). Il faut savoir que les bouchons une fois découpés à l'emporte-pièce dans l'écorce sont lavés, désinfectés la plupart du temps avec des produits chlorés, puis rincés et séchés. Si le séchage est mal réalisé, l'humidité latente favorise la formation de moisissures qui transforment certaines molécules provenant du chlore en TCA qui lui va migrer dans le vin à partir du bouchon.
La deuxième :
Le bouchon a longtemps été le seul coupable désigné jusqu'à ce que de nombreux cas aient été signalés, fin des années 80, sur des vins n'ayant pas eu de contact avec le liège des bouchons (des vins en cuve). Les analyses ont révélé la présence de deux autres molécules, le tétrachloroanisole (TeCA) et le pentachloroanisole (PCA). Les odeurs provoquées par celles-ci et perceptibles à partir de 25 nanogrammes par litre sont indissociables du « goût de bouchon ». Ces molécules se forment par la conjonction entre des produits à base de chlorophénols utilisés dans le traitement des bois (palettes, caisse palettes, poutres, caisses d'expédition des bouteilles et autres) et la présence naturelle de moisissures dans les chais. Elles se déplacent dans l'air et contaminent le vin à chaque fois qu'il est manipulé à l'air ou conservé dans des récipients poreux (barriques). La contamination peut également venir des bouchons si ceux-ci sont stockés sur des palettes traitées.
On considère que ce phénomène concerne 3 à 5% de la production vinicole. Pour réduire, voire éliminer les risques de contamination deux possibilités :
- Continuer dans la fabrication des bouchons en liège mais en investissant dans la recherche pour améliorer le processus en essayant d'empêcher la formation de ces molécules odorantes (déjà en éliminant les produits chlorés dans les traitements du liège et du bois). C'est ce que font quelques grands fabricants comme Sabaté, Diam et Amorim le plus grand groupe mondial de l'industrie du liège.
- Ou alors abandonner le liège pour le bouchon synthétique qui séduit de plus en plus et gagne des parts de marché, ou pour la capsule à vis, très répandue dans certains pays comme l'Australie. Dans ces deux cas, on évite le « goût de bouchon », mais le bon vieillissement du vin n'est, pour l'instant, garanti que sur 6 à 10 ans car nous manquons encore de recul dans les observations. Par ailleurs, on ne trouve à l'heure actuelle ce type de bouchage que sur les vins destinés à être consommés rapidement.
De toute manière je pense que le consommateur français n'est pas encore prêt à une substitution du bouchon en liège, surtout pour les vins de haut de gamme.