Tonneau ou copeaux ?

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Le vin et le bois c'est une très longue histoire de plus d'un millénaire. Après les amphores chez les Grecs puis chez les Romains, les Celtes vont utiliser le tonneau en bois car ils estimaient qu'il était plus pratique pour le transport du vin et plus facile à empiler. Pour sa fabrication plusieurs essences de bois étaient utilisées : l’acacia, le frène, le châtaignier et bien entendu le chêne.

Ainsi jusqu'au 19ème siècle les fûts, de différentes contenances selon les régions, n'étaient utilisés que pour le stockage et le transport du vin. Au 20ème siècle, le vin se transportant de plus en plus en bouteilles, les cuves vont petit à petit remplacer les fûts pour le stockage, à tel point que dans les années 60 le métier de tonnelier va être menacé. Il sera sauvé car en même temps l'oenologie va observer et étudier les influences du bois de chêne sur le vin en cours d'élevage. Très vite les effets positifs sur la structure, la couleur et la composition aromatique des vins vont être révélés. L'élevage en fûts de chêne, une pratique traditionnelle depuis longtemps en Bourgogne et dans le Bordelais, va ainsi séduire une clientèle de plus en plus internationale.

Dans le même temps la production de vin se développe dans différents pays (Etats-Unis, Chili, Australie, Nouvelle-Zélande, Argentine, etc....) qui vont prendre en exemple les techniques françaises mais sans en avoir les contraintes réglementaires. De ce fait l'emploi de copeaux de bois dans les cuves pour remplacer l'élevage en barrique va se banaliser. L'utilisation de copeaux donne au vin, à moindre coût, le goût de fût de chêne.

Dès les années 90, en France, les producteurs et exportateurs, notamment de Vins de Pays, vont faire pression pour obtenir l'autorisation d'utiliser les copeaux pour boiser le vin. Nous voilà donc au cœur du sujet. Pourquoi les copeaux et pas la barrique ? Pour une simple raison de coût de revient. En effet, aujourd'hui, une barrique neuve coûte, en moyenne, 500 Euros hors taxes, ce qui représente, en comptant un amortissement sur trois ans, un coût de 0,66 Euros T.T.C. par bouteille. Les copeaux, utilisés à 500 grammes par hectolitre (100 litres) au prix moyen de 10 Euros hors taxes le kilo, représentent un coût de 0,045 Euros T.T.C. par bouteille, donc 15 fois moins cher que la barrique. Les Vins de Table et les Vins de Pays, élevés en fûts de chêne ne peuvent donc pas être compétitifs sur le marché international.

Un règlement CEE du 20 décembre 2005 autorise l'utilisation des copeaux pour l'élevage des vins et un autre du 10 juillet 2009 étend cette autorisation à la vinification, c'est-à-dire déjà pendant la fermentation. Chaque pays membre a la possibilité de prendre des mesures plus restrictives. Ainsi en France, en 2006, l'INAO (Institut National des Appellations d'Origine) ne va autoriser l'emploi des copeaux que dans les Vins de Table et les Vins de Pays. Pour les AO-VDQS et AOC, devenus AOP (Appellation d'Origine Protégée) il ne va autoriser que des expérimentations pour ceux qui le souhaitent. Les copeaux ou éclats de chêne autorisés doivent avoir une taille égale ou supérieure à deux millimètres et provenir des mêmes chênes que ceux utilisés pour la fabrication des barriques.

Dès lors trois questions se posent :

1. Décèle-t-on une différence qualitative entre l'élevage en barrique et l'utilisation des copeaux de chêne ? Non répondent certains spécialistes qui ont réalisé les tests, en tous cas en ce qui concerne le « boisé » recherché à la dégustation et à condition d'utiliser les copeaux de façon judicieuse. À l’inverse, certains producteurs pensent que mettre des copeaux dans du vin, ce n'est plus du vin, c'est de la tisane. Entre 2006 et 2009, comme le permet l'INAO, des expériences ont été conduites sur des vins en appellation Bordeaux et Médoc. Il a été conclu que les copeaux ne sont qu'un outil, comme toute technique oenologique, servant à révéler les qualités de la vendange. En d'autres termes, on ne peut pas faire d'un vin de mauvaise qualité un bon vin en y ajoutant des copeaux.

2. Pourquoi mettre des copeaux plutôt que rien ? Il semblerait que les utilisateurs de copeaux cherchent à satisfaire des consommateurs recherchant le goût boisé dans le vin, et il y en a beaucoup dans le monde, d'autant que Monsieur Parker, critique bien connu et lui-même amateur de ce type de vin, en fait la promotion auprès des consommateurs américains.

3. Comment informer le consommateur ? Celui-ci doit pouvoir, au moment d'acheter le vin, faire la distinction entre un vin élevé en barrique et un vin « copeauté » (terme maintenant utilisé). Pour l'instant la réglementation ne fait qu'interdire à l'étiquetage toute mention « élevé ou vieilli en fût de chêne ou barrique » pour la désignation d'un vin élevé à l'aide de copeaux de chêne.

Alors à quand une indication précise pour ce type de vin ? Peut-être lorsque le consommateur sera prêt, psychologiquement, à acheter un vin avec la mention « vin copeauté ou élevé avec des copeaux ».