Si ta femme gagne plus, tu bandes moins?

Les études se succèdent et leur traitement médiatique se ressemble.

En septembre dernier, on apprenait que partager les tâches à la maison était facteur de mésentente conjugale et annonciateur de divorce. Oui, enfin, c'était pas tout à fait ça, mais c'est comme ça qu'on nous l'avait présenté.

Il y a un mois, le scoop, c'était que les hommes qui passent le balai font ceinture. Une certaine presse s'était régalée de cette excellente nouvelle qui venait confirmer que les féministes étaient des mal-baisées, voire des pas-baisées du tout. Joies de la caricature.

Aujourd'hui, c'est une étude américano-danoise que l'on relaie et qui dit que quand Madame gagne plus que Monsieur, c'est consommation de viagra à gogo pour assurer au pieu. L'étude, plutôt sérieuse, porte sur une population de 200 000 couples mariés danois dont les comportements ont été observés pendant une dizaine d'années. On y apprend que l'équation croissance du salaire féminin = décroissance du pénis du conjoint s'applique plutôt dans les cas où Madame progresse professionnellement au cours de sa vie de couple mais joue à la marge quand elle gagnait déjà plus que Monsieur dès le début de la relation.

Sans mauvais jeu de mots, voilà qui en dit long.

Ah! Boooon? L'argent représenterait autre chose que du pouvoir d'achat?

Voilà qui fait sauter de joie, pour commencer, les psychanalystes : une démonstration aussi éclatante de la dimension intrinsèquement sexuelle de l'argent, c'est du pain bénit pour les adeptes des théories freudiennes et post-freudiennes. Ah! Booooon? Le pognon ne serait pas qu'une affaire de pouvoir d'achat?

Voilà qui pose aussi le débat de l'égalité hommes/femmes et du leadership au féminin dans des termes on ne peut plus clairs : l'enjeu est bien celui de la puissance.

D'Aristote aux RH, la puissance est une promesse

 

url-2Chez Aristote, la puissance est une matière une devenir, une sorte de promesse de l'acte, une annonce de l'œuvre. Dans le langage RH, ça donne le potentiel d'un individu, à développer et à entraîner vers le dépassement de soi. Dans le langage politique, c'est, selon une interprétation discutable de la maturité et de la virilité, François Hollande qui devient aux yeux des Français un chef, un vrai, le jour où il part en guerre (en témoignent tous les commentaires qui ont interprété l'intervention au Mali comme une concrétisation - enfin - de la puissance en sommeil de Flamby). Dans tous les cas, ce qui se joue, c'est la possibilité de se révéler et de se dépasser.

Offrir cette possibilité à tous et à toutes est une question de justice. Rien ne justifie qu'un individu, homme ou femme, soit empêché de monter en puissance, de faire de sa vie une oeuvre, de soi une matière noble à sculpter, à travailler, à sublimer.

La puissance des femmes est une chance, reste à en faire un droit

C'est aussi une question de progrès. Se priver de la puissance, au sens plein (au-delà d'une opération militaire, hein), de certain-es, c'est un gâchis sans nom, c'est autant d'occasions ratées de construire, d'innover, de croître. Ça vaut dans le monde économique, où l'on a assurément besoin de talents et d'ambitions ; dans la sphère intellectuelle où l'on a besoin de sens ; dans l'univers politique, où l'on a besoin de leaders, d'acteurs, de transformateurs ; dans la société, où l'on a besoin de toutes les volontés. La puissance des hommes est un droit incontesté, celle des femmes est une chance, il serait désolant de la laisser passer. Pour la saisir, il faut en faire aussi un droit.

Et les troubles du kiki, dans tout ça?

Mais puisque toute l'existence ne se résume pas au travail et à la vie sociale, reste la question de l'efficacité du membre de ces messieurs et du plaisir partagé au lit.

Sans nier que le trouble érectile puisse être une cause de souffrance avérée pour les individus qui en souffrent, les paragraphes de l'étude de l'Université de Washington-Saint Louis consacré aux couples qui ont démarré leur vie amoureuse avec un décalage de revenus à la faveur de la femme sont plus qu'instructifs. Ils disent que d'autres bases des relations hommes/femmes sont possibles, que la dialectique de la domination n'est pas une forme incontournable de la séduction et de la vie amoureuse. C'est un bel espoir pour celles et ceux qui, par amour pour l'autre, sont prêt-es à ré-envisager les fondements du rapport (!) de couple. Car, c'est aussi ça l'amour, non? N'est-ce pas considérer que la personne que l'on a choisie mérite qu'on fasse évoluer ses perceptions et ses façons de faire pour aller plus loin à deux, et précisément gagner en puissance ensemble?