Chic! Une instance paritaire vient d'être créée, conformément aux dispositifs du plan gouvernemental pour une "troisième génération des droits des femmes" : c'est le Haut Conseil à l'égalité Femmes/Hommes. Il aura "vocation à animer le débat politique sur la question de l'égalité notamment pour évaluer l'impact des politiques publiques". On espère que la question de la visibilité des femmes expertes sur les plateaux de télévision des chaînes publiques sera au menu des discussions.
On annonce d'ailleurs ce matin que le journaliste Frédéric Taddéï sera membre de ce Haut Conseil au titre de "personnalité qualifiée choisie en raison de ses compétences et de son expérience dans le domaine des droits des femmes." Il est vrai que comme de nombreux journalistes et animateurs d'émissions de débat, Frédéric Taddéï aura toujours veillé à équilibrer la présence d'experts masculins et d'expertes féminines sur le plateau de "Ce soir ou Jamais". Hum... hum... Pourtant le collectif de la Barbe s'était invité dans l'émission il y a quelques mois pour signaler la rareté des interlocutrices parmi les experts choisis par la production. Taddéï avait alors été salué par ses confrères de la presse pour le sang-froid et le fair-play avec lequel il avait réagi lors de ce "coup d'état" féministe (non, non, le rédacteur du Post qui employait ce terme n'exagérait pas du tout!) en expliquant calmement que son émission est "une émission de débat" et qu'il regrettait bien sincèrement que la plupart des femmes qu'il contactait rechignait à débattre justement, au prétexte que ce n'était pas trop leur truc. Quant à interroger les conditions du débat et la culture d'agressivité virile qui imprègne le dialogue télévisuellement vendeur, ce n'était semble-t-il pas une question si pertinente, ou en tout cas "trop longue" et trop vaste, pour qu'on y apporte une réponse satisfaisante à une heure déjà bien avancée de la soirée.
Par ailleurs, l'accusation de ne pas laisser suffisamment de place aux femmes sur son plateau était d'autant plus malvenue qu'en 2010, la personnalité la plus souvent invitée à "Ce soir ou jamais" avait justement été une femme, et pas n'importe laquelle : nous avons nommé la délicate et bienveillante Natacha Polony. Une vraie bonne nouvelle pour l'égalité femmes/hommes que l'omniprésence médiatique de la plus tendre des "expertes" des questions de genre qui n'a de cesse de renvoyer les féministes au caractère dérisoire, voire "ridicule" (sic) de leurs combats et qui comparait, sans rougir de son excessif et peut être indécent contre-sens, les sessions de sensibilisation des membres du gouvernement aux problématiques sexistes à des "camps de rééducation polpotiens". Non, mais c'est vrai, c'est super important, quand on convie des femmes à débattre, de de privilégier celles qui ne tiennent pas le fameux discours du (ah ah ah) "politiquement correct" et osent (whaha! quelle audace!) s'attaquer à cette inévitable (ah ah ah) "bien-pensance" stérile qui consiste à rabâcher que l'égalité femmes/hommes n'est pas tout à fait une réalité dans notre belle démocratie progressiste. Et puis, ça donne plus de saveur au spectacle de voir une femme taper allègrement sur d'autres femmes.
Libéré de la pression de l'audimat dans ses fonctions au Haut Conseil à l'Egalité Femmes/Hommes, Frédéric Taddéï se passera-t-il des avis de Polony dans ce cadre précis? Trouvera-t-il davantage d'expertes prêtes à débattre dans un contexte qu'on souhaite plus serein et plus accueillant pour le dialogue femmes/hommes qu'un plateau de télé? Prouvera-t-il qu'il est véritablement la "personnalité qualifiée en raison de ses compétences et de son expérience dans le domaine des droits des femmes" que sa nomination veut bien dire? Saisira-t-il l'occasion de repenser la question des formats du débat sur les chaînes publiques pour le rendre plus accueillant aux expertes? On ne peut que l'encourager dans ce sens...