La cantine 100% bio, écolo, (presque) sans déchet, où des élèves responsables mangent équilibré en choisissant leurs portions

Crédit : restauration-bio-durable-mouans-sartoux.fr

Vous avez peut-être vu passer cette vidéo de Nice-Matin, ces derniers jours sur les réseaux sociaux (1.300.000 vues sur Facebook !). En observant le fonctionnement de la cantine de Mouans-Sartoux, vous vous êtes peut-être dit, comme moi : « Wouah, si seulement les cantines de mon école et de l’école de mes enfants faisaient pareil ! ».

Un résultat impressionnant

Cela fait un moment que la démarche de Mouans-Sartoux suscite l’intérêt des médias. L’écolo-sphère se penche sur elle depuis plusieurs années et, il y a un an déjà, France 3 y avait tourné un reportage.

De fait, les chiffres présentés impressionnent :

- la cantine scolaire génère 80% de déchets en moins qu’en 2010 : triés et pesés, les déchets ne pèsent plus que 3 à 5 kg par repas (contre 25 kg avant) ; la moyenne française, en restauration collective, est de 150 g de déchets par assiette, à Mouans-Sartoux, 30 g.

- la réduction des déchets représente un gain de 20 centimes par plateau : 150.000 repas étant servis chaque année, c’est une économie de 30.000 € annuels qui a permis de financer le tout-bio.

- les repas sont passés de 20 % bio en 2008 (1,90 € de coût aliments par repas), à 100 % bio en 2012 (1,86 € par repas) ; le prix moyen de participation pour les familles est de 3,13 €, ce qui n’est pas plus cher qu’ailleurs. Sauf que, depuis 2012, les élèves de Mouans-Sartoux mangent 100% bio toute l’année.

Et puis, il y a la méthode, qui donne à réfléchir : les menus sont établis chaque semaine, en fonction de la maturité des légumes, locaux et de saison ; une partie des repas est cuisinée au fur et à mesure ; les enfants, responsabilisés, choisissent la taille des portions et peuvent se resservir à volonté ; les oranges et les pommes sont présentés en quartiers afin de limiter le gaspillage…

Une réflexion riche, globale, rationnelle

SI la vidéo de Nice-Matin constitue une parfaite plaquette, comme on dit en marketing, elle ne rend pas compte du plus intéressant : le cheminement de toute une municipalité, depuis presque une décennie. Une autre vidéo, signée azur-tv, éclaire les différentes étapes du projet.

Gilles Pérole, adjoint à la mairie chargé de l’enfance et de l’éducation : « Dans un premier temps, on a travaillé l’équilibre alimentaire dans le cadre du Plan National Nutrition Santé : plus de fruits, plus de légumes, moins de sel, moins de graisses. Et puis on s’est rendu compte qu’en donnant plus de fruits, plus de céréales complètes on donnait plus de pesticides aux enfants. Donc pour respecter leur santé et l’environnement on est allés plus loin, on a voulu passer au bio. On a commencé en 2008 à introduire des produits bio, et en 4 ans on a réussi à passer à 100% de produits bio. Au-delà du bio, on souhaitait un approvisionnement de proximité, en limitant les transports, pour respecter le climat et l’aménagement du territoire ».

La mairie cherche donc à se fournir en produits bio chez les agriculteurs du département, mais dans les Alpes-Maritimes l’agriculture n’est pas en grande forme, les terrains agricoles ont petit à petit cédé la place aux maisons secondaires de citadins aisés. La municipalité décide alors de reconquérir le foncier agricole, rend inconstructible des zones du Plan Local d’Urbanisme (PLU), triple les surfaces agricoles et crée une régie agricole municipale. Elle investit 35.000 € en matériel, finance un emploi d’insertion de 20 h pour compléter l’équipe. Depuis 2014, 80% des légumes sont fournis par les 20 tonnes bio issues de l’agriculture communale.

Mais la municipalité veut également montrer qu’il est possible de passer en 100% bio sans surcoût. Elle décide de travailler sur le gaspillage alimentaire et la diminution des déchets. « On a voulu regarder où on en était. Alors en 2010 on a mis en place la pesée en fin de service, chaque jour. On s'est rendu compte qu'on jetait 147 grammes par repas. On était aussi mauvais que les autres. Cela nous a effarés ». C’est le début des pesées et de la responsabilisation des enfants sur les portions, avec le résultat que l’on sait : 5 ans plus tard, un repas ne génère plus que 30 grammes de déchets.

Education à tous les étages

Au cœur du projet, il y a la sensibilisation des élèves à une alimentation de qualité. « On a des animateurs qui accompagnent les enfants au cours du repas, il y a un gros projet à l’alimentation durable, à l’alimentation de qualité. Les enfants savent que les produits viennent majoritairement de Haute Combe [la régie agricole], mangent volontiers les légumes : depuis 2006 on a augmenté la part des légumes, ils s’y sont habitué ». Dans le cadre des nouveaux rythmes scolaires, un atelier cuisine et nutrition, un atelier jardin voient le jour : les élèves cultivent des légumes dans les potagers de l’école, apprennent à les cuisiner travaillent à des menus avec les chefs de cuisine. Ils sont également associés aux récoltes, visitent régulièrement la régie agricole municipale.récolte-courges-régie

Education au goût, éducation à la responsabilité, éducation à l’environnement, éducation à la citoyenneté, éducation à la nutrition, à la santé… « C’est un projet global. Les enfants apprécient, sont sensibles et savent pourquoi ils mangent bio, que c’est pour éviter les pesticides ».

Prises dans ce cercle vertueux, les familles se mettent aussi à changer leurs habitudes : 66% des parents d’élèves déclarent avoir changé leurs pratiques personnelles dans la famille, plus de bio, plus de produits locaux, plus de légumes, moins de sel… « On montre aussi qu’en étant exemplaire au niveau d’une collectivité, on peut faire du bien en direct sur le temps de midi mais aussi faire évoluer les pratiques de manière positive à domicile ».

Un modèle à suivre ?

Bien sûr, on entend déjà les sceptiques : « mouais, c’est bien beau en théorie, mais en pratique… », « bof, nous on est dans une trop grosse ville ». De fait, l’expérience Mouans-Sartoux (10.450 habitants) n’est pas reproductible à l’envie, et on ne sait pas jusqu’où ni dans quelles proportions le modèle peut être adapté. Quoiqu’il en soit, il montre la voie à suivre : une pensée globale (économique, sanitaire, agricole, éducative), une action locale concertée (enfance, éducation, espaces verts, agriculture, action sociale…), une avancée graduelle et rationnelle, une évolution progressive des mentalités, un accompagnement des enfants à travers des actions de sensibilisation et d’éducation… Une cinquantaine de "fiches actions" sont téléchargeables sur le site de ville pour les collectivités intéressées.

Mouans-Sartoux n’est pas un cas isolé : plusieurs dizaines de collectivités se sont déjà regroupées au sein de l’association « unplusbio » et ont signé le manifeste « Quand les cantines se rebellent » en faveur d’une restauration collective bio, locale, saine et juste.

 

TROIS QUESTIONS à Gilles Pérole, adjoint au maire de Mouans-Sartoux délégué à l’enfance et à l’éducation et Président de "Un plus bio".

Que diriez-vous à ceux qui pensent que le travail fait à Mouans-Sartoux ne peut pas être reproduit ailleurs ?

Qu’ils se trompent. Le principe n’est pas de caler le projet de Mouans-Sartoux sur chaque territoire mais d’en comprendre l’essence et l’appliquer, en le personnalisant à son territoire. L’important est d’avoir un objectif clair : pour nous, respecter la santé des enfants et respecter l’environnement. A partir de là, toutes nos actions sont analysées et modifiées pour répondre à ce double objectif. Bref, du bon sens pour faire bien, pas cher. Les contraintes rendent intelligent !

Pensez-vous qu'il existe une limite de taille pour une ville qui voudrait mettre en place une restauration scolaire comme celle de Mouans-Sartoux ? 

Non, j’ai l’habitude d’entendre les grandes villes dire que pour eux ce n’est pas possible. Pourtant ils ont des budgets plus importants et plus de personnels : il faut l'utiliser intelligemment. Pour le 100% bio, petite ou grande cuisine, c’est l’achat qui détermine et tout le monde peut décider (Paris a bien pour objectif 50% de bio local en 2020, ils en sont à 30%) ; pour le travail sur les déchets, la liaison froide ne facilite pas la diminution mais une marge de progrès est possible. Sans atteindre 30 g comme nous, si déjà ils diminuaient leurs déchets de 50% ce serait une première étape et là il y a beaucoup de pistes.

Quels sont les conseils que vous donneriez à une collectivité qui souhaiterait se lancer dans l'aventure ? Quels sont les écueils à éviter ?

Ils n’y a pas d'écueil, juste des obstacles à dépasser, comme en apprentissage, pas de recette mais des situations problèmes qui permettent d’avancer. Un objectif clair, une volonté de l’atteindre et surtout d'associer les équipes à la recherche des solutions, vous verrez il y aura de bonnes surprises ! Et surtout se rapprocher d’autres collectivités qui avancent pour échanger les idées et les pratiques.

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Nota : on pourra aussi relire ce post qui raconte la cantine de tous les jours avec un peu d'humour et pas mal de dépit !