3 idées reçues sur l’éducation française démontées par l’OCDE

(Crédit AFP / Martin Bureau)

Cette semaine, les médias se sont emparés de la dernière publication de l’OCDE, « Regards sur l’éducation 2014 », redécouvrant pour l’occasion que les instits français sont sous-payés (alors qu’on n’arrête pas de le dire). Du coup, ils ont presque oublié de parler du reste : c’est dommage, il y avait quelques clichés à déconstruire…

Salaires des instits, l’OCDE confirme

On le crie sur tous les toits depuis des années : les instits français sont sous-payés. Sous-payés par rapport à leurs collègues étrangers (17% en-dessous de la moyenne, 54% de moins que les allemands…) mais aussi par rapport à leurs collègues du secondaire : c’est une constante dans tous les pays de l’OCDE, mais jamais en de telles proportions qu’en France, où les instits touchent 30% de moins que les profs de collège et de lycée, alors qu’ils ont le même niveau de diplôme (bac+5), ce qui n’est pas le cas dans tous les pays. Rien de neuf, cependant : toutes les études, ces dernières années, tirent régulièrement la sonnette d’alarme (voir ci-dessous). Ce n’est pas seulement le niveau de vie des instits qui est en jeu ici, mais l’avenir même d’une profession qui n’attire plus, puisqu’à niveau de diplôme équivalent, on peut gagner près de 40% de plus ailleurs…

Tout ceci, on le sait, on le répète sur ce blog depuis des années, mais rien ne change. Les médias s’émeuvent un peu puis oublient et retrouvent vite leur plume acérée envers une profession qu’elle méconnaît. Le grand public, lui, ne s’émeut plus depuis longtemps pour si peu, chacun aujourd’hui a ses problèmes de sous, et les profs restent avant tout des privilégiés corporatistes gonflés aux congés payés et qui ne font rien qu’à se plaindre, quand c’est pas la grève.

Cette semaine, France Tv Info a demandé à ses lecteurs de se prononcer sur l’opportunité d’une augmentation du salaire des instits. Malgré les chiffres-clé donnés dans l’article, qui sont autant d’arguments de plein sens en faveur d’une augmentation, malgré le lien fait entre le niveau de rémunération des profs et le niveau des élèves, les internautes qui disent « oui » sont minoritaires, avec 43,9% des 15 000 votes (« non » 41,6%, NSP 14,5%)… CQFD.

Le gouvernement, qui a compris qu’il y avait malaise, et pas qu’un peu, a créé l’an dernier pour les instits une prime (l’ISAE) sensée rattraper le décalage avec les profs de secondaire. Une initiative louable de Vincent Peillon, on ne crache pas sur 400€ (bruts) annuels, mais d’un autre côté ce geste n’a fait qu’entériner l’inégalité avec le secondaire, où la prime équivalente vaut 1200 €…

A part cette partie, minoritaire, sur les salaires, « Regards sur l’éducation 2014 » (qui fait tout de même 590 pages sur lesquelles on reviendra), vaut également pour d’autres informations qui battent en brèche les idées reçues sur l’éducation française.

1. Non, la France ne dépense pas beaucoup pour l’éducation (encore moins pour le primaire)

En ces temps de crise où les butors crient plus forts qu’à l’accoutumée, où l’on ressort volontiers des solutions de fausse évidence à des problèmes complexes et où l’on sert des clichés en guise d’analyse, le rapport de l’OCDE a le mérite de mettre les choses au clair. Vous pensiez que l’on dépense bien trop d’argent pour l’éducation, premier poste budgétaire de la nation ? Détrompez-vous. La France est en-dessous de la moyenne pour la part consacrée à l’éducation, qui représente 6% du PIB contre 6,1% en moyenne dans les pays de la l’OCDE. Pour des pays comme Israël, la Norvége ou les Etats-Unis, c'est 7% du PIB. Et, dans ce domaine aussi, la France se distingue par l’inégalité de traitement entre le primaire (le budget alloué est 20% moins important qu’ailleurs) et le secondaire (budget 20% supérieur aux autres pays pour le collège et le lycée)…

2. Oui, le temps accordé aux fondamentaux est parmi les plus élevés

En France, le temps consacré à l’enseignement du français et des maths est parmi les plus élevé de tout l’OCDE : près de 60% du temps de classe. Seuls les élèves portugais et mexicains y consacrent plus de temps. Un pays souvent vanté pour ses excellents résultats comme la Finlande n’y consacre que 40%, seulement 22% au collège (40% en France). Considérant les résultats respectifs de ces pays aux évaluations internationales, on est bien obligé de considérer que « le retour aux fondamentaux » n’est pas la solution aux difficultés rencontrées par le système éducatif français, comme on l’entend souvent. « Faire plus de français et de maths pour améliorer le niveau » n’est pas la solution, le problème est autrement plus complexe, il doit être question ici de pédagogie, de programmes, de taille des classes, de moyens, bref, il faut penser global.

3. Oui, le niveau des jeunes français est supérieur à celui de leurs aînés

Si l’on considère le taux de diplômés du supérieur, comme le fait l’OCDE, on constate que la France est de plus en plus diplômée. 43% des 25-34 ans ont un diplôme post-bac, contre seulement 20% des 55-64 ans. Bien sûr, d’aucuns diront que les diplômes ne valent plus ce qu’ils valaient, que le bac est dévalorisé donc les diplômes suivants aussi, mais il n’en reste pas moins que 40% des 25-34 ans ont un niveau de formation supérieur à celui de leurs parents, ce qui est nettement supérieur à la moyenne de l’OCDE (32%).

Mieux, l’OCDE a soumis les différentes générations aux mêmes épreuves et le verdict est sans appel : les jeunes obtiennent des résultats bien meilleurs que les anciens. Sur l’épreuve de littéracie (capacité à comprendre un texte écrit et à en analyser les informations), les 25-34 ans sont 14% à obtenir le score maximal, contre seulement 3% des 55-64 ans. Si les premiers sont presque dans la moyenne des autres pays de l'OCDE, les seconds sont nettement en dessous.

On en vient à se demander quel aurait été le classement de la France si des évaluations internationales comme PISA avaient existé il y a quelques décennies…

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Nota : si on veut se remémorer les précédentes alertes sur le salaire des instits, il suffit de parcourir le blog :

Mars 2014 : quelques calculs établissent qu’un instit a perdu jusqu’à 1350 € de salaire depuis 2010.

Juillet 2013 : deux études, une de la DEPP et une de l’OCDE, disent déjà que les instits travaillent beaucoup et gagnent peu.

Février 2013 : un graphique américain (peut-être que le regard extérieur sera plus recevable) confirme la situation salariale des instits français (et le nombre d'heure élevé d'enseignement...).

Septembre 2012 : Regards sur l'éducation relève déjà des inégalités entre primaire et secondaire.