L’OCDE relève des inégalités entre l’école primaire et le secondaire

L’OCDE a publié la semaine dernière ses « Regards sur l’éducation 2012 », une étude des systèmes éducatifs d’une trentaine de pays. 583 pages pas toujours accessibles, heureusement pour les médias accompagnées d’une note de synthèse d’une douzaine de page. Rien n’empêche bien sûr de se plonger dans l’œuvre originale pour plus d’information : outre la confirmation que l’école française ne se porte pas franchement bien, on s’aperçoit entre autres qu’il existe de réelles inégalités entre l’école primaire et le secondaire.

 

Les moyens financiers

Si la France est dans la moyenne de l’OCDE pour ce qui est du budget alloué à l’éducation (6,3% du PIB contre 6,2% en moyenne dans l’OCDE), la dépense par élève croit beaucoup moins vite que dans les autres pays : moins de 10% d’augmentation depuis 2000 contre 36% en moyenne dans l’OCDE. Autrement dit, l’effort financier fourni par la France pour son éducation, qui la distinguait de la moyenne des pays de l’OCDE, va s’amenuisant. La preuve : l’éducation ne représente que 10,4% des dépenses publiques en France, classée ici 27ème pays sur 32, bien en-dessous de la moyenne de l’OCDE (13%).

Par ailleurs, il existe un gros écart dans les moyens alloués au primaire et au secondaire. On consacre en France 15% de plus pour un élève de secondaire que dans le reste de l’OCDE (10 696 $ contre 9 312 $). Mais on consacre, pour un élève de primaire, 17% de moins en France qu’en moyenne dans les pays de l’OCDE (6 373 $ contre 7 719 $). On investit moins en maternelle que dans l’élémentaire dans tout l’OCDE, mais là encore la France investit moins que les autres pays : 6185 $ pour un élève de maternelle français, contre 6670 $ en moyenne.

 

Le temps de travail des enseignants

Dans la plupart des pays de l’OCDE, les enseignants de primaire donnent plus d’heures de cours que leurs homologues du secondaire. Mais c’est particulièrement vrai en France, où un prof de primaire enseigne plus de 30% d’heures de plus qu’un prof de secondaire.

Un prof de collège français donne 646 heures de cours par an, moins que la moyenne de l’OCDE, 704 heures par an. Un prof de lycée français donne 632 heures de cours par an, moins que la moyenne de l’OCDE, 658 heures par an.

Un instit français donne 918 heures de cours par an, largement plus que la moyenne de l’OCDE, 782 heures. Seuls 4 pays font travailler leurs instits davantage que la France.

 

Le nombre d’élèves par prof

Alors que le nombre d’élèves par prof dans le secondaire est légèrement plus faible en France que la moyenne des pays de l’OCDE (12,3 contre 13,8), c’est l’inverse dans le primaire (primaire = maternelle + élémentaire). En élémentaire, on compte en France 18,7 élèves par prof contre 15,8 en moyenne dans les pays de l’OCDE, et l’écart est encore plus fort en maternelle avec 21,5 élèves par prof contre 14,4 dans l’OCDE.

Autrement dit, un instit français devra travailler avec une classe bien plus chargée que la moyenne de ses collègues de l’OCDE.

On rappellera ici que 21,5 élèves par prof ne signifie pas des classes de 21 ou 22 élèves en moyenne (LOL). Sont en effet comptabilisés les profs n’ayant pas de classe en responsabilité (remplaçants, profs spécialisés, en formation, en disponibilité, en congé maternité, etc.). Dans les faits, de toute façon on supprime une classe dès qu’une école compte 25 élèves par classe, et on n’ouvre une classe que si la moyenne d’élèves par classe dépasse 28.

 

Le salaire des enseignants

Les enseignants sont mal payés ailleurs aussi : dans tout l’OCDE, un enseignant touche 82% du salaire moyen à niveau de qualification égal. En France c’est pire : seulement 79% pour un prof du secondaire, et encore pire en primaire, avec 73% du salaire moyen.

Par ailleurs, la France est un des rares pays qui paie moins bien ses enseignants en 2010 qu’en 2000. Alors qu’en moyenne les enseignants de l’OCDE ont gagné 20% de salaire sur cette période, la France paie ses profs presque 10% de moins qu’en 2000, à prix constants. Autrement dit, les profs français sont les seuls de tout l’OCDE à s’être appauvris durant la dernière décennie (avec les japonais, mais un instit japonais gagne 30% de plus qu'un français...). Partout ailleurs qu'en France, on a compris que de bons salaires attiraient les meilleurs.

Après 15 ans d’exercice, le salaire par heure d’enseignement (une partie seulement du travail de prof, rappelons-le) est pour un prof de l’OCDE de 65€ en moyenne au lycée, contre 57€ pour un prof français. L’écart est un peu moindre pour un prof de collège : 55€ pour un prof français contre 58€ en moyenne dans l’OCDE.

L’écart se creuse en revanche pour les profs de primaire, encore une fois nettement désavantagés : un instit touchera en France 36€ par heure d’enseignement au bout de 15 ans de carrière, contre 49€ en moyenne dans l’OCDE… Seuls la République Slovaque, la Hongrie, l’Estonie, le Chili, le Mexique font pire, avec un niveau de vie bien moindre…

Le salaire annuel d’un instit français est nettement inférieur (entre 13 et 15%) à la moyenne de l’OCDE, que ce soit en début (24 334$ contre 28 623$) de carrière ou au bout de 15 ans (32 733$ contre 37 603$).

 

Etat d’urgence

Ces données confirment que l’école française se porte mal, et que l’école primaire est le parent pauvre de l’école française : moins de moyens, trop d’élèves, profs travaillant plus mais moins payés. La situation est encore pire en maternelle, alors que la France peut s’enorgueillir du meilleur taux de préscolarisation de l’OCDE (mais à quoi sert de préscolariser si c’est dans ces conditions ?). Quant au personnel, ainsi que le montre une étude parue cette semaine, il aime toujours son métier mais est au bord de la rupture.

Et encore, la situation réelle est sans doute pire. Les données des Regards 2012 portent en effet sur 2010. Elles ne prennent pas en compte les deux ans qui viennent de s’écouler, durant lesquels le délabrement s’est poursuivi sous la houlette de Luc Chatel.

Hollande a fait du primaire sa priorité. C’était la moindre des choses. Il n’a pas vraiment le droit à l’erreur, vu d’ici.

 

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