L'entreprise individuelle de terrorisme, un délit à corriger

Le Conseil constitutionnel vient de rappeler les principes du droit pénal au législateur (ce qui est son rôle, on est bien d’accord) dans le cadre de l’examen d’une question prioritaire de constitutionnalité concernant le délit d’entreprise individuelle de terrorisme, prévu par l’article 421-2-6 du code pénal et sanctionné d’une peine de dix années d’emprisonnement et de 150.000 € d’amende.

© Jacques DEMARTHON / AFP

Ce texte est rédigé en ces termes :

« I.- Constitue un acte de terrorisme le fait de préparer la commission d'une des infractions mentionnées au II, dès lors que la préparation de ladite infraction est intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur et qu'elle est caractérisée par :

1° Le fait de détenir, de rechercher, de se procurer ou de fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui ;

2° Et l'un des autres faits matériels suivants :

  1. a) Recueillir des renseignements sur des lieux ou des personnes permettant de mener une action dans ces lieux ou de porter atteinte à ces personnes ou exercer une surveillance sur ces lieux ou ces personnes ;
  2. b) S'entraîner ou se former au maniement des armes ou à toute forme de combat, à la fabrication ou à l'utilisation de substances explosives, incendiaires, nucléaires, radiologiques, biologiques ou chimiques ou au pilotage d'aéronefs ou à la conduite de navires ;
  3. c) Consulter habituellement un ou plusieurs services de communication au public en ligne ou détenir des documents provoquant directement à la commission d'actes de terrorisme ou en faisant l'apologie ;
  4. d) Avoir séjourné à l'étranger sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes.

II.- Le I s'applique à la préparation de la commission des infractions suivantes :

1° Soit un des actes de terrorisme mentionnés au 1° de l'article 421-1 ;

2° Soit un des actes de terrorisme mentionnés au 2° du même article 421-1, lorsque l'acte préparé consiste en des destructions, dégradations ou détériorations par substances explosives ou incendiaires devant être réalisées dans des circonstances de temps ou de lieu susceptibles d'entraîner des atteintes à l'intégrité physique d'une ou plusieurs personnes ;

3° Soit un des actes de terrorisme mentionnés à l'article 421-2, lorsque l'acte préparé est susceptible d'entraîner des atteintes à l'intégrité physique d'une ou plusieurs personnes. »

Il était reproché à ce texte de ne pas respecter deux principes constitutionnels, à savoir celui de légalité des délits et des peines qui impose au législateur de définir précisément les faits sanctionnés par la loi afin d’éviter tout arbitraire, et celui de nécessité des délits et des peines.

C’est sur ce second point que le législateur a été repris.

Ce principe de nécessité des délits et des peines résulte de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen selon lequel « la loi ne doit établir que des peines évidemment et strictement nécessaires ».

Ce texte impose au Conseil constitutionnel de s’assurer de l’absence de disproportion manifeste entre l’infraction en cause et la peine encourue.

En l’occurrence, le Conseil constitutionnel considère qu’il y a violation de cette disposition dans la mesure où l’incrimination du fait de « rechercher … des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui », sans autre précision, est trop large et ne permet pas de matérialiser une  intention de commettre une infraction (élément pourtant essentiel à la mise en œuvre d’une action répressive).

Bon, j'avoue que n'étant pas publiciste mais un humble juge plutôt privatiste, mes vieux souvenirs de fac m'auraient plutôt amenée à considérer qu'une telle motivation se rapporte au principe de légalité des délits et des peines (qui signifie notamment qu'un acte doive être précisément défini pour être pénalement répréhensible) mais après tout, le Conseil sait mieux que moi ce qu'il fait.

Pour le surplus, les Sages ont souligné, par le biais d’une réserve d’interprétation, qu’il serait dans chaque cas nécessaire que les juges déduisent l’intention criminelle d’éléments extérieurs aux seuls actes préparatoires incriminés par le texte.

Le Conseil constitutionnel rappelle donc au législateur le nécessaire respect de la hiérarchie des normes, ce qui devrait normalement interdire de pénaliser tout et n’importe quoi, de façon trop large pour ne pas être attentatoire aux libertés individuelles.