Limiter la primaire aux seuls adhérents serait une stratégie perdante pour l'UMP.

Christophe Ena/Pool/AFP

 

L’histoire du parti gaulliste sous la V° nous enseigne que ses candidats ne sont jamais aussi « forts » électoralement que lorsque la base militante est paradoxalement plus faible. Ce qui tend à prouver que le soutien électoral dont bénéficie le candidat est très majoritairement- alimenté par les sympathisants que complète le soutien de la « clientèle captive » des militants. Ainsi, ne compter que sur le choix des militants de l’UMP pour désigner le candidat à la présidentielle de 2017 ne serait pas la meilleure stratégie. Il apparaît comme une nécessité de laisser les sympathisants participer à la désignation du candidat de l’UMP dans le cadre de primaires ouvertes.

 De Gaulle, Pompidou et Sarkozy : un fort soutien électoral et une base militante « plus faible »

Ainsi, c’est lors des présidentielles de 1965, 1969, puis dans une moindre mesure de 2007 et 2012 que le scenario évoqué se vérifie. Le candidat gaulliste a bénéficié du plus fort soutien électoral (voix au premier tour) et simultanément le poids des adhérents rapporté aux suffrages exprimés a été relativement plus faible. Charles De Gaulle ou Georges Pompidou ont fait un peu moins de 45% des voix (1er tour) avec un très faible poids des adhérents (de l’ordre de 1,14% pour le premier et 1,49% pour Georges Pompidou). Nicolas Sarkozy recevra (au 1er tour) un peu plus de 31% des voix en 2007 (contre un peu plus de 27% en 2012), pour un poids des adhérents de 3,23% (3,33% en 2012). Ce cas est typique de « l’appel au peuple » autour d’un homme de la tradition gaulliste.

Jacques Chirac : un fort taux d’adhérents mais des scores électoraux « limités »

C’est en 1981, 1988 et 1995 que le poids des adhérents a été le plus fort (respectivement 10,99% 12,54% et 7,16%) mais sur ces trois élections le candidat Jacques Chirac n’a réalisé que 20 à 21% des suffrages (1er tour).

Chaban et Chirac (2002) : de faibles résultats électoraux doublés d’un poids limité des militants.

Reste les deux élections de 1974 et de 2002 où Jacques Chaban Delmas a à peine dépassé les 15% des voix contre moins de 20% pour Jacques Chirac (1er tour) pour un poids des adhérents tournant autour de 3% dans les deux cas.

 

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Que conclure ? Que les militants sont inutiles ? certainement pas !

La présidentielle est un scrutin emblématique et l’aura, l’image, la stature d’homme d’Etat du candidat présentant un bilan / ou un programme attrayants sont des éléments si forts qu’ils débordent le cercle des adhérents. Celui qui est capable de récolter de nombreux suffrages dès le premier tour démontre qu’il a su convaincre le plus grand nombre. Il est allé au-delà de l’électorat captif des adhérents (ceux qui votent pour quels que soient le bilan ou le programme). Dans une telle configuration le poids des adhérents apparaît relativement faible eu égard au fort score électoral.

A l’inverse, on a observé sous la V°, que lorsque les scores de premier tour ne dépassaient plus les 21%, le poids des adhérents redevenait plus fort. Cela semble logique, et c’est particulièrement saisissant en 1981 et 1988 années où le RPR déclarait de 670 000 à 762 000 adhérents soit cinq fois plus qu’en 1965 et 1969. Mais c’est aussi une époque où le RPR peinait à sortir de ses bases tant il était refermé sur lui-même.

 

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 « Logique de l’action collective » en écho

Le constat d’un faible poids -relatif et absolu- des militants, mis en perspective avec de bons scores électoraux peut aussi s’expliquer à l’aide de la vision développée par Mancur Olson (l’économiste des Choix Publics) dans la « logique de l’action collective ». Il démontre que –paradoxalement- les petits groupes seraient plus efficaces et mieux organisés que les grands. Ceci s’explique par la dilution des résultats de l’action collective qui va croissant avec la taille du groupe et qui ouvre la porte à des comportements dits de free rider (opportunistes qui veulent bien profiter du résultat de l’action collective mais cherchent à éviter d’en supporter le coût).

Perspectives pour 2016 et 2017

Avec un peu plus de 250000 adhérents en 2014 l'UMP va devoir compter sur le soutien électoral des sympathisants certes, mais c'est dès la primaire que l'UMP devra  leur donner la parole afin de rester connecté aux caractéristiques profondes de son électorat.

A droite, par tradition on soutient sans adhérer (au parti)

A droite, force est de constater que très souvent le peuple fait le résultat. La démarche de l’adhésion au parti ne semble ni naturelle, ni nécessaire pour exprimer un soutien électoral.

Cependant, le militant reste la cheville ouvrière des campagnes électorales. C‘est sur cette force que le candidat s’appuie pour une action efficace sur le terrain et sur la toile. Paul Valery faisait observer fort justement qu’« un chef est un homme qui a besoin des autres ».