Si tout le monde s’accorde à penser que le résultat risque de surprendre, comme c’est souvent le cas lors des européennes, le fond de la question est surtout de chercher à savoir d’où pourrait venir cette surprise que nous promet l’issue du scrutin.
On peut d’emblée poser pour acquis, qu’elle ne viendra pas d’une figure politique emblématique. Il n’y a pas au sein des grandes formations en présence, un Cohn-Bendit ou un Tapie pour rafler nombre d’électeurs au PS. D’ailleurs, à en croire les sondages, le « siphonage » du parti aurait déjà commencé. Mais au profit de qui ? Pas des verts qui semblent bien mal partis pour reproduire leur score de 2009 à plus de 16%. Le FN alors ?
Effet de surprise n°1 : Le FN rate la première marche car les électeurs ont « manipulé » les sondages
Le FN en embuscade, se préparerait à devenir le grand gagnant du scrutin, créant la surprise en arrivant en tête après avoir rallié les déçus du socialisme et de l’UMP. C’est une possibilité à laquelle Manuel Valls refuse de croire. C’est pourquoi il a plusieurs fois assoupli ses pactes afin de les rendre plus « sociaux » et moins rigoureux, essentiellement à destination des plus défavorisés. Si le gouvernement se défend d’adopter un comportement électoraliste, il ne peut éviter que l’on souligne l’opportunisme électoral de ses décisions. On voit bien qu’il cherche à retenir les classes populaires qui seraient tentées de voter FN.
Y parviendra-t-il ? Manuel Valls lui-même ne semble pas vraiment convaincu car il a déjà prévenu : en cas de défaite de son camp, il n’y aura pas de remaniement ministériel. Il resterait alors l’UMP pour faire barrage au FN. Il lui suffirait de reproduire son score de 2009 (hors Nouveau Centre) pour espérer passer devant le FN, qui pourrait aussi faire moins que prévu.
Les électeurs manipulent les sondages qui surestiment le vote FN
On pourrait avoir affaire à un électeur stratège, qui manipule les sondages et les politiques. Electeur fidèle du PS, issu de la classe moyenne, il traduit son insatisfaction et dit vouloir voter FN. Il a le sentiment d’avoir été oublié lors des aménagements fiscaux, mais ira-t-il au bout de son signal? Pourrait-il voter FN ? Car c’est là le sens à donner à l’effet « vase communicant » que l’on peut lire dans les sondages, avec un FN très fort et un PS très faible.
Pour (presque) doubler son score record de 1989 (12%) ou quasiment quadrupler son résultat de 2009 (et faire en moyenne 22,1% comme l’annoncent toujours les derniers sondages) le FN devra « ratisser large » et convaincre au-delà de sa « clientèle captive ». Or, la récente « sortie » de Jean-Marie Le Pen (erreur ? stratégie ? déformation médiatique ?) pourrait bien créer le trouble chez les nouveaux électeurs potentiels du parti. En contrariant le processus de « dédiabolisation », il pourrait ainsi ruiner les chances du FN d’arriver en tête du scrutin.
Les jeux ne sont pas faits semblent dire les sondeurs
Certains instituts soulignent en effet qu’un tiers des électeurs peuvent encore modifier leur intentions de vote. Ce qui confirmerait l’hypothèse d’un électeur stratège ou d’un électeur indécis. Dans ce dernier cas, il pourrait finir par se réfugier dans l’abstention.
Effet de surprise n°2 : L’abstention devrait être forte … sauf cas de vote sanction fort
C’est une tendance de plus en plus confirmée à mesure que passent les élections européennes. De 40% en 1979 l’abstention a rapidement dépassé les 50% (sauf en 1994), pour atteindre près de 60% en 2009.
Cependant, en cas de fort vote sanction, on pourrait aussi observer la manifestation d’une asymétrie du blâme qui ferait monter la participation. L’asymétrie du blâme est une hypothèse avérée qui peut se résumer dans l’idée que l’on est plus motivé à revendiquer lorsque « les trains n’arrivent pas à l’heure ». Dit autrement, -comparé à la satisfaction- le mécontentement alimente plus intensément la participation électorale.
Effet de surprise n°3 : pas de vote sanction ?
Le déficit de crédibilité dont souffre le Président de la République ne pourra pas, ne pas avoir d’incidence sur le vote. Les électeurs PS n’affichent d’ailleurs que timidement leur intention de soutenir le gouvernement à l’occasion de ces élections. Ils sont plus nombreux à se réfugier dans le « ni, ni » ni sanction, ni récompense. C’est un signe qui peut expliquer la faiblesse du score attendu pour le PS par les derniers sondages publiés. Ils sont en moyenne à plus de 5% en-deçà du socle électoral du PS estimé par le modèle ElectionScope (16,4% contre 22% pour le modèle).
Les sondages annoncent aussi une plus forte pondération des critères européens sur les critères nationaux. Ce qui ferait reculer l’hypothèse d’un vote sanction. Notons, que ce constat ne vaut pas pour les électeurs du FN. On peut souligner un paradoxe, car c’est plutôt l’UMP qui recommande la sanction et le FN qui fait campagne contre l’Europe.
En conclusion
Si l’abstention devait être forte, elle pourrait garantir une certaine atténuation du vote sanction. Ce qui permettrait au PS de « limiter la casse » en étant plus fort qu’attendu par les sondages. Et, en raison de l’effet « vase communicant » avec le FN, cela réduirait d’autant la progression de ce dernier, qui serait alors moins fort qu’attendu par les sondages.
Une inconnue clé du scrutin, le sens à donner à l'abstention
La nature de la participation conditionne l’issue de l’élection. Si la participation s’avérait finalement faible, jouerait-elle en faveur du FN, dont les électeurs plus motivés à sanctionner se seraient déplacés, tandis que nombre d’électeurs PS – pour beaucoup dans le ni-ni- seraient restés à la maison ? A moins que les abstentionnistes ne soient à chercher du côté des ouvriers de plus en plus électeurs FN et des jeunes qui se partagent entre vote PS et vote FN.
Au final, l’UMP pourrait – pour une fois- tirer avantage de cet affrontement PS- FN, … une autre surprise !
Nous suivre sur Twitter @VeroniqueJEROME