Sous la Rome antique le pouvoir politique offrait au peuple des combats de gladiateurs pour montrer sa puissance et conforter sa crédibilité politique.
Les jeux seraient-ils ainsi un instrument politique comme un autre ? Ils permettraient surtout de détourner l’attention du « bon peuple » des affaires pour lesquelles il ne montre parfois que peu d’intérêt, comme semblent le confirmer les sondages sur les européennes par exemple.
La générosité témoignée au peuple, parfois qualifiée d’évergétisme (faire du bien) peut aussi conduire à un certain clientélisme et à ses excès. Gouvernerait-on les hommes en faisant appel à leurs vices plus qu’à leurs vertus s’interrogent certains ?
Du pain et des jeux pour le peuple
Les satires du poète Juvenal qui ont vulgarisé l’expression Panem et circenses permettent un parallèle frappant entre les amphithéâtres romains où se massait la foule et nos stades, parfois construits dans les banlieues dites « défavorisées ». Souvenons-nous aussi de la récente sortie d’un Platini énervé réclamant que la population des favelas ne « gâche pas » la grande fête du foot.
Les jeux sont aussi enjeux, enjeux financiers, enjeux politiques. Vitrine mondiale, ils exposent un pays tout entier. Les bénéficies de tous ordres pour les organisateurs sont indéniables, et à l'instar de l'Argentine en 1978, qu’en est-il pour les pays participants ?
Une équipe nationale en compétition : un atout politique ?
Si l’on démontre à chaque coupe du monde l’impact positif sur les ventes de téléviseurs dans les pays participants ; c’est devenu un véritable marronnier ! La question des autres incidences est moins largement investie. On peut pourtant se demander –au regard des pratiques antiques- s’il n’y a pas là une occasion à saisir pour le politique. Occasion d’autant plus opportune que le politique en question souffrirait d’un manque de popularité. François Hollande en est une illustration incontestable, lui qui vient d’être désigné « pire Président » de la V° (sondage BVA 15-16 mai 2014) et qui semble aussi s’installer dans l’image du plus malaimé des Présidents, atteignant désormais moins de 20% de satisfaits. Plus les bleus passeront de tours et plus cela pourrait colmater, voire conforter, la popularité présidentielle. Une véritable aubaine, mais peut-on y croire ? Oui, si l’on regarde dans le rétroviseur .
Victoire à la coupe du monde 1998 et sursaut de popularité pour Jacques Chirac
On a en ce domaine un exemple de choix :"l’effet coupe du monde 1998", lorsque Jacques Chirac bénéficiera d’un rebond spectaculaire de sa popularité suite à la victoire de l’équipe de France . En fin stratège politique, il avait su montrer un intérêt (soudain diront les mauvaises langues) pour le foot, assistant aux matchs de l’équipe de France, soutenant les joueurs, allant jusque dans les vestiaires pour les encourager et les féliciter. C’était Chirac Président-Supporter. Et cela a payé : un hasard direz-vous, pas sûr !
Analysant les données empiriques passées, Electionscope est en mesure de montrer l’existence, depuis 1986, d’un lien positif entre classement à la coupe du monde de foot et, évolution de la popularité présidentielle (avant/après l’évènement).
1986 : date charnière et passage d’un foot spectacle-plaisir à l’industrie du foot fondée sur le principe du retour sur investissement.
De 1958 à 1986 c’est la période du foot spectacle et plaisir, et l’on ne trouve pas de lien globalement significatif entre résultats à la coupe du monde et popularité de l’exécutif (figure 1).
A partir de 1986, le foot n’est plus seulement un sport. Ce ne sont plus 16, mais 24 pays, puis 32 (à partir de 1998) qui participent à la coupe du monde. Le joueur devient "facteur de production", et la starisation peut commencer. Et c’est justement à partir de cette date, que l’on observe une relation statistique positive et significative à 95% (représentée par un modèle exponentiel) entre place obtenue par l’équipe nationale à la coupe du monde et, évolution de la popularité du Président de la République française (figure 2).
A titre d’exemple, François Mitterrand gagnera 7 points de popularité suite –entre autres- à la troisième place de la France en demi finale au Mexique. Mais le Premier ministre, Jacques Chirac, aussi (+ 5 points)!
Plus 15 points de popularité pour Jacques Chirac en 1998
Jacques Chirac, en 1998, verra sa popularité bondir de 15 points grâce –entre autres- à la victoire française (Lionel Jospin gagnera de son côté 8 points). En 2006, la France en finale correspondra à 9 points de popularité supplémentaires au Président Chirac (+ 5 points pour Jean-Pierre Raffarin).
Ceci n’est qu’une simple observation empirique qu’il faudrait bien sûre compléter, par une analyse discriminant entre facteurs purement politiques (comme la cohabitation démarrant en 1986 et boostant le Président le Premier ministre) et facteurs purement sportifs.
Et si les Bleus pouvaient booster la croissance ?
En reprenant les données rétrospectives, Electionscope n’a pas trouvé de lien significatif entre place au mondial de foot et évolution de la croissance en France avant 1986 (figure 3). Mais à partir de cette date, il semblerait qu’un lien existe –toute chose étant égale par ailleurs comme disent les économistes pour isoler le phénomène- figure 4). Ainsi, meilleur est le classement et plus l’effet est, à la marge, bénéfique sur la croissance. Certes, il convient ici de s’interroger : cause ou conséquence ? La croissance est bien orientée, le moral est bon, les résultats de l’équipe de France suivent. Ou bien, les Bleus sont performants, et plus ils passent de tours, plus l’euphorie s’exprime, l’économie est alors dopée par une consommation accrue de produits dérivés, de billets d’avion…
François Hollande et les Bleus: leurs sorts seraient-ils liés?
A titre d’exemple, en 1986, 1998 et 2006, la croissance est supérieure ou égale à 2,5 points et les Bleus ont performés en étant respectivement 3°, 2° et vainqueurs.
En 2002 la croissance est de 1 point seulement lorsque l’équipe de France termine 28° de la coupe du monde de foot.
Pour François Hollande, la victoire des Bleus n'est plus seulement un souhait de supporter, elle deviendrait presque -vu sous cet angle- une des conditions nécessaires à la restauration de son stock de crédibilité en vue des échéances de 2017.