Comment la crise du coronavirus influence vos comportements

The Shining (S. Kubrick)

La crise du coronavirus influence bien évidemment vos comportements. Mais qu'est-ce qui détermine vos réactions en situation de crise ? Pourrait-on prédire vos comportements de solidarité et vos actions raisonnées, ou au contraire vos incivilités et vos mouvements de panique ? C'est le défi que se sont lancés des chercheurs français de plusieurs disciplines, en modélisant les comportements humains en situation de catastrophe. Voici un résumé de leur étude1

On distingue trois grands types de comportements en réaction à un état de stress : 

  • Les comportements réflexes (ou instinctifs). Ces comportements sont régis par votre cerveau reptilien. Ils vous permettent de réagir vite, soit en vous enfuyant, soit en luttant.
  • Les comportements de panique. Ce sont des comportements réflexes particulier qui se déclarent lors d'événements catastrophiques. La panique de groupe est difficile à endiguer une fois déclenchée du fait d'un processus de contagion sociale. D'ailleurs, l’arrêt d’une panique collective est « plus liée à sa dynamique interne qu’à l’éloignement du danger ». 
  • Les comportements contrôlés ou raisonnés. Ils ont pour objectif de vous préparer au danger, d’y faire face (évacuation organisée, confinement, entraide). Ces comportements "intelligents" sont gérés par votre cortex préfrontal.

Dans le cas des catastrophes imprévues, ces comportements s'organisent souvent en séquence : les comportements réflexes se déroulent sur une période courte, puis sont suivis de comportements raisonnés et/ou de comportements donnant lieu à la panique. Les choses se compliquent si l'on considère que cette séquence est un mécanisme en boucle : les individus ayant adopté un comportement « intelligent » peuvent momentanément, confrontés à un nouveau danger, ré-adopter un comportement réflexe. Face à une crise, vos comportements restent donc rarement figés et l'on assiste plutôt à un enchainement de réactions comportementales. 

Les facteurs d'influence de vos comportements en contexte de catastrophe

Vos comportements sont une fonction de l'environnement et des vos caractéristiques individuelles. Ils dépendent à la fois :

  • De l'origine de l'événement : origine naturelle, technologique, sociétale ou biologique. Le coronavirus est d'origine biologique. 
  • Des phases temporelles de la catastrophe : vous réagissez différemment avant, pendant et après la manifestation de la menace. Nous sommes actuellement au cœur de la menace.
  • De la prévisibilité de l'évènement : vos comportements sont différents selon que l’évènement est annoncé ou non. Dans le premier cas, vous agissez préférentiellement de façon raisonnée, tandis que dans le second cas, du fait de l’effet de surprise, vos réactions sont plus instinctives, tout au moins au début. Le coronavirus était relativement imprévisible. Néanmoins, des comportements adaptatifs raisonnés ont pu être mis en place, comme le confinement. 
  • Du zonage de la catastrophe : plus vous êtes proches de l'épicentre de la catastrophe, plus vous risquez de céder à la panique ; plus vous en êtes éloignés plus vous réagirez avec empathie. Entre les deux, vous aurez tendance à vous inhiber, du fait de l'incertitude. Bien que le coronavirus soit présent partout dans le monde, vous ne réagissez pas de la même façon dans les zones géographiques où plus d'individus sont infectés.
  • Des spécificités de la zone impactée (proximité des habitations, ville, campagne). Face au coronavirus, vos comportements ne sont pas les mêmes que vous habitiez à Paris ou à Gerberoy. 
  • De vos conditions physiques, de vos expériences, de vos croyances, de vos motivations, mais aussi de la densité de population, de sa composition. 
  • Des effets de groupe : vous agissez différemment selon que vous êtes seuls, en groupe, ou en famille.

En résumé, les paramètres d'influence de vos réactions sont nombreux : certains sont propres à la nature et aux phases de la catastrophe, d’autres sont propres à vos caractéristiques personnelles et à vos interactions. 

Une modélisation de vos comportements en situation de catastrophe

Pour créer leur modèle de prévision de comportements, les auteurs n'ont retenu que des variables générales. Ils n'ont pas pris en compte les paramètres spécifiques aux caractéristiques sociales, économiques et culturelles des individus. En effet, ces paramètres ne jouent pas un rôle important durant la menace, mais plutôt lors des phases pré et post catastrophe. En d'autres termes, ce n'est pas parce que vous appartenez à une classe privilégiée que vous vous comporterez de façon plus "civilisée" durant le pic de crise du coronavirus. 

Provitolo et al. (2015)

Cette modélisation dynamique prédit qu'en cas de catastrophe soudaine, 50 à 75% d'entre vous développeront dans un premier temps un comportement instinctif. 12 à 25% d'entre vous céderont à la panique, tandis que 12 à 25% d'entre vous manifesteront des comportements raisonnés. Il prédit également qu'il faudrait qu'au moins 55% d'entre vous adoptent des comportements instinctifs pour que vos congénères ayant adopté des comportements raisonnés se mettent à imiter vos réactions réflexes (fuite panique, sidération, etc).

Ces résultats sont plus ou moins cohérents avec ceux de sources antérieures. Néanmoins, tous révèlent une hétérogénéité des réactions, avec une prépondérance des comportements instinctifs. Autrement dit, dans les situations extrêmes non prévisibles, il est probable que ce soit votre cerveau reptilien qui prenne les commandes de vos comportements.

Vers une modélisation de vos comportements en cas de confinement

Malgré l'apparente complexité de leur modèle, les auteurs précisent que des variables supplémentaires pourraient être prises en compte pour prédire vos comportements avec encore plus de précision. Il serait aussi intéressant de modéliser vos comportements dans cette période particulière de confinement. Des données montrent en effet que le confinement peut avoir des effets néfastes sur votre santé mentale. A titre d'exemples, les familles d'enfants en situation de handicap ou les victimes de violences conjugales payent cher cette phase de quarantaine. 

Et si la sélection des plus résistants d'entre vous n'allait pas surtout s'opérer durant ce confinement ?

1. Damienne Provitolo, Edwige Dubos-Paillard, Nathalie Verdière, Valentina Lanza, Rodolphe Charrier, Cyrille Bertelle et M.A. Aziz-Alaoui, « Les comportements humains en situation de catastrophe : de l’observation à la modélisation conceptuelle et mathématique », Cybergeo : European Journal of Geography [En ligne], Systèmes, Modélisation, Géostatistiques, document 735, mis en ligne le 10 septembre 2015, consulté le 12 mars 2020. URL : http://journals.openedition.org/cybergeo/27150 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cybergeo.27150