Imaginez un match de foot au cours duquel l'arbitre sort un carton vert lorsqu'un joueur a su faire preuve de fair-play. L'initiative peut vous paraître étonnante, pourtant elle existe ! (le carton vert a notamment été instauré au Brésil et en Italie).
Dans le même genre, supposez que vous soyez au volant de votre véhicule et que vous vous fassiez arrêter par la police non pas pour qu'elle vous verbalise pour une quelconque infraction, mais au contraire pour qu'elle félicite votre bonne conduite. Encore une fois, cette pratique surprenante est actuellement expérimentée par une gendarmerie de l'Oise.
Pour comprendre en quoi ces mesures pourraient être utiles, il est nécessaire de faire un rappel de certains principes d'apprentissage…
L'apprentissage par les conséquences
Tous vos comportements sont soumis à un principe sélectionniste, c'est-à-dire qu'ils sont façonnés par leurs conséquences :
- Lorsqu'ils sont suivis d'une conséquence gratifiante, ils auront tendance à se reproduire dans le futur (exemple : vous retournez volontiers manger dans le restaurant où les plats ont été à votre goût),
- s'ils sont suivis d'une conséquence désagréable, ils auront tendance au contraire à diminuer à l'avenir (l'enfant qui touche une abeille et se fait piquer apprend à ne plus recommencer).
La répression : un moyen de contrôle de vos comportements pas toujours suffisant
Dans l'environnement naturel, vous apprenez donc à ne plus recommencer certaines expériences néfastes. C'est en partie sur ce principe que sont justifiées les sanctions instaurées par une société donnée : le carton rouge, l'amende, le blâme, la fessée, une mauvaise note, la prison, etc. Sans compter que la répression est parfaitement acceptée dans la mesure où et il est culturellement admis que le citoyen doit payer pour ses fautes.
La répression vise donc à éliminer vos conduites indésirables en se fondant sur cette hypothèse qu'après une sanction, vous risquez moins de vous comporter de la même manière (fonction d'apprentissage de la sanction). Malheureusement, les choses ne sont pas si simples. Ce qui semblait radical dans l'exemple de l'enfant qui se fait piquer par une abeille l'est en effet beaucoup moins dès que les contingences sont aménagées intentionnellement. Explications :
- La sanction stoppe rapidement un comportement car elle entraîne des émotions aversives incompatibles avec le comportement sanctionné (le flash d'un radar vous fait lever le pied instantanément),
- l'état aversif qu'introduit la sanction vous amène à vous abstenir à l'avenir des conduites répréhensibles de manière à éviter la sanction. Mais bien souvent, le comportement sanctionné refait son apparition dès que les contingences punitives ont été levées. De plus, l'évitement peut prendre d'autres formes parfois plus problématiques que le comportement sanctionné (délit de fuite, mensonges, corruption, dopage, etc.). Les émotions aversives peuvent également vous rendre agressif (haine de la police, rejet de l'arbitre, de l'enseignant, d'un gouvernement, etc.),
- la sanction alimente le comportement du châtieur qui en vient à plus s'occuper de vos comportements inappropriés que de vos bonnes conduites (la sanction a sur lui un effet bénéfique immédiat qui l'encourage à réprimander à nouveau).
Si la répression s'accompagne de ces effets collatéraux, c'est en raison des conséquences qui motivent le comportement réprimandé : toucher délibérément le ballon de la main, faire un excès de vitesse ou tricher aux examens sont des comportements qui sont aussi maintenus par des conséquences bénéfiques ! Pour le dire autrement, la répression d'un comportement inapproprié est constamment mise en concurrence avec ses conséquences gratifiantes qu'il est important de prendre en compte au risque de limiter les effets des sanctions. Selon le degré de motivation du comportement sanctionné, la sanction sera donc plus ou moins efficace.
Vous comprenez maintenant mieux pourquoi les taux de récidives des condamnés sont si élevés, pourquoi vous continuez à vous faire surprendre par des nouveaux radars, ou encore pourquoi les arbitres de foot continuent à sortir leur carton rouge avec autant de régularité.
Gratifier les bonnes actions : une stratégie alternative pour diminuer les comportements indésirables
Les effets immédiats de la répression peuvent donc facilement être surestimés : un arrêt immédiat d'un comportement ne vous apprend pas forcément à ne plus recommencer vos erreurs. La problématique devient alors la suivante : comment diminuer vos comportements inappropriés tout en vous permettant de continuer à accéder à des conséquences gratifiantes ? Une réponse possible consiste à porter plus d'attention à vos comportements appropriés. Et le carton vert en est un bel exemple.
En mettant plus l'accent sur vos bonnes conduites, on a en effet toutes les chances de les augmenter pour qu'elles deviennent des alternatives à vos mauvaises conduites que la seule répression ne suffit pas toujours à diminuer.
Pour un contrôle de vos comportements favorisant l'amélioration de votre qualité de vie
Nous avons aujourd'hui suffisamment de données de recherche pour affirmer sans trop nous tromper que l'un des plus importants stresseurs pour lequel l’être humain doit faire face concerne les interactions coercitives avec autrui. Les conflits interpersonnels ont en effet des effets physiologiques négatifs importants au point que l’absence de comportements coercitifs entre les personnes serait un facteur de protection contre les réactions de stress chroniques. Les coercitions interindividuelles seraient même le principal élément sous-jacent de nos problèmes de société...
Principales références :
Biglan, A. (2015). The Nurture Effect. How the Science of Human Behavior Can Improve Our Lives and Our World. New Harbinger Publications.
Skinner, B. F. (1972). Par delà la liberté et la dignité. Paris : Robert Laffont.
Wilson, D. S., Hayes, S. C., Biglan, A. et Embry, D. D. (2014). Evolving the future: Toward a science of intentional change. Behavioral and Brain Sciences, 37(4), 395-416.
N. B. Ce post ne cherche pas à faire l'éloge d'une société sans règles. Il invite simplement à mieux distinguer ce qui relève de la législation, de la morale et des apprentissages. L'idée générale est de souligner les effets bénéfiques des gratifications et encouragements.