Psychologie et marketing

"99 francs" Jan Kounen

Les industriels ont à leur disposition différents moyens de vous extorquer des comportements de consommation en toute légalité. Le marketing est un de ces moyens, il se base principalement sur des travaux de recherche en psychologie…

Petite histoire de la psychologie appliquée au marketing

La recherche en psychologie a permis de découvrir les différents facteurs qui influencent vos comportements d’achat. Ce sont d’ailleurs des psychologues qui ont été les premiers à appliquer les résultats de leurs recherches au monde du commerce :

  • Kurt Lewin a mené des études destinées à modifier certaines habitudes de consommation des ménagères dès le début des années 1940.
  • Ogden R. Lindsley (1922-2004) et John B. Watson (1878-1958) utilisaient des procédures issues du conditionnement opérant pour construire des messages publicitaires plus efficaces. Pour faire simple, il leur suffisait d’associer un produit ou une marque à des émotions positives pour augmenter leur attrait auprès du consommateur et donc favoriser les comportements d’achat…

Comment Watson a dopé les ventes de café ?

Watson est un psychologue surtout connu pour le rôle important qu’il a joué dans le développement du courant béhavioriste. Mais peu de gens savent qu’il a consacré la deuxième partie de sa carrière à travailler dans l’industrie publicitaire, en devenant notamment vice-président de la firme Walter-Thomson, l’une des premières transnationales de la publicité à l’époque. Il a par exemple aidé les annonceurs à rendre le café à la mode…

« Give yourself a coffe-break ! »

Au milieu du siècle dernier, le café était considéré comme une boisson ringarde et sans intérêt. Pour la rendre plus populaire, Watson et ses collègues ont commencé par cibler la population des ouvriers d’usine : par le biais d’une campagne d’affichage bien menée, ils ont associé le café aux émotions positives inhérentes à leurs pauses régulières de la journée (« coffee-break » était leur slogan). Petit à petit, cette tendance a gagné les autres secteurs professionnels et voilà comment le café est devenu un breuvage incontournable encore aujourd’hui dans tous les milieux sociaux. Vous pouvez voir ci-dessous un exemple de la campagne d’affichage de l’époque :

Comment les psychologues ont dopé les ventes de cigarettes ?

Watson n’était pas le seul psychologue à aider les publicitaires à influencer le comportement des consommateurs dans le sens voulu. Ainsi, d’autres se sont alliés aux industries du tabac pour les aider à vendre leurs cigarettes. A partir des années 1930, ils ont donc commencé à vous faire croire habilement qu’il était cool et socialement valorisant de fumer (voir plus bas les affiches publicitaires). Résultat : dans les années 1950, la cigarette était devenue un produit incontournable vendu en quantité astronomique dans le monde entier. Bien que les effets nocifs du tabac aient commencé à être connus à partir de la fin des années 1950, il aura fallu attendre encore une dizaine d’années pour que la propagande commence à s’inverser et que l’Etat mette en place les premières mesures pour vous dissuader de fumer. Aujourd’hui, vous êtes donc à peu près tous informés des risques liés au tabagisme et pourtant, vous êtes encore 1 milliard de fumeurs dans le monde. Les psychologues génies du conditionnement avaient donc vraiment fait du bon boulot…

Psychologie et marketing aujourd’hui

Encore aujourd’hui, les connaissances en psychologie continuent d’améliorer les techniques de marketing pour vendre toujours plus efficacement. Dans leur excellent ouvrage « Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens », les psychologues Joule et Beauvois énoncent, entre autres, des théories et techniques issues de la recherche en psychologie sociale et qui constituent l’essence des stratégies marketing : l’amorçage, la théorie de l’engagement ou la stratégie du « pied-dans-la-porte » sont quelques exemples des nombreux pièges à votre activité de décision.

Actuellement, il existe même un champ de recherche assez pointu nommé le neuromarketing qui consiste à appliquer les connaissances en neurosciences aux techniques de communication. Pour le dire autrement, il s’agit d’aller voir directement ce qui se passe dans votre cerveau de consommateur lorsque vous regardez des spots de pub ou quand vous devez choisir entre plusieurs marques ou produits dans le rayon d’un supermarché. Ces données objectives ainsi récoltées permettent aux expérimentateurs d’évaluer encore plus précisément votre niveau d’asservissement…

Principales références :

Packard, V. (1978). L’homme remodelé. Calmann-Lévy.

Joule, R. B. et Beauvois, J. L. (2002). Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens. Presses universitaires de Grenoble.