Le mois sans tabac a commencé le 1er novembre. C’est l’occasion de faire un rappel sur les mécanismes de votre dépendance au tabac…
Vous êtes 1 milliard de fumeurs dans le monde, 16 millions en France. Si vous êtes âgés entre 12 et 75 ans, alors un tiers d’entre vous fume, ne serait-ce que de temps en temps. Et si vous avez entre 18 et 35 ans, alors le tabagisme concerne presque la moitié d’entre vous (chiffres Inpes 2014).
Le tabac tue la moitié de ses consommateurs. En France, une personne meurt toutes les 7 minutes à cause du tabac, avec environ 66 000 décès par an. Dans le monde, c’est 6 millions de décès chaque année. Durant le 20ème siècle, le tabac a causé 100 millions de morts dans le monde entier et si rien ne change, ce nombre risque de s’élever à 1 milliard pour le 21ème siècle. Résultat : vous êtes maintenant 60% de fumeurs à vouloir arrêter la cigarette. Et il existe pour vous aider différentes stratégies…
- Tout d’abord, on essaye de vous faire peur en illustrant vos paquets de cigarettes avec des images d’horreur.
- Ensuite, on augmente régulièrement le prix de vos paquets de cigarettes.
- On vous interdit également de fumer dans les lieux publics.
- Enfin, on essaie de vous sevrer en vous proposant d’utiliser des patchs ou des chewing gum à la nicotine.
La 1ère question à laquelle va tenter de répondre ce post est la suivante : toutes ces mesures sont-elles vraiment efficaces ?
Plus précisément, ces mesures permettent-elles de diminuer votre consommation de cigarettes de façon significative et à long terme ? Pour le savoir, tentons d’analyser les quelques données disponibles…
Entre 2005 et 2010, on observe une hausse de la consommation de tabac, la tendance s’est ensuite stabilisée entre 2010 et 2014. En 2015, les ventes de tabac en France métropolitaine ont augmenté de 1,6 % par rapport à 2014. Pour la première fois depuis 2010, les ventes de tabac au sein du réseau buraliste français connaissent donc une augmentation sensible, avec un essor important du tabac à rouler, financièrement plus intéressant que les cigarettes (source OFDT février 2016). Cette augmentation intervient en l’absence de revalorisation des prix du tabac depuis janvier 2014.
Si l’on se réfère aux chiffres des ventes de paquets de cigarettes manufacturés, on constate que celui-ci a diminué à chaque fois que le gouvernement a pratiqué une forte hausse des prix du tabac, mais cette diminution n’a été que temporaire. De plus, ces chiffres sont difficilement interprétables dans la mesure où l’augmentation du prix des cigarettes encourage le développement d’achats de tabac en dehors du réseau. On constate d’ailleurs une augmentation du tabagisme dès que l’on se réfère aux résultats d’enquêtes menées directement auprès de la population.
Pour résumer, même s’il est difficile d’évaluer avec précision l’évolution de la consommation de tabac, il semblerait que celle-ci reste à peu près stable : vous continuez à fumer malgré que vous soyez parfaitement informés que le tabac peut vous tuer, que fumer ne vous a jamais coûté aussi cher, et que l’on met à votre disposition des alternatives chimiques pour vous sevrer. Et même si vous êtes motivés à vous arrêter de fumer, il vous faudra souvent plusieurs essais avant de pouvoir définitivement y arriver.
Se pose alors une 2ème question à laquelle va tenter de répondre ce post : comment peut-on expliquer l’échec de ces différentes mesures pour stopper votre consommation de cigarette ?
Pour répondre à cette question, il est nécessaire de faire un petit rappel des principes fondamentaux qui gouvernent vos comportements…
Si l’on met vos comportements en perspective, on constate qu’ils sont toujours précédés et suivis par un évènement. L’évènement qui précède vos comportements s’appelle un antécédent (A) et l’évènement qui les suit s’appelle une conséquence (C). Appliqué à la consommation de tabac, voici schématiquement ce que ça donne : juste avant de fumer une cigarette, vous en éprouvez l’envie, vous voyez votre paquet sur la table du salon, c’est l’antécédent (A). Et juste après avoir tiré une bouffée, vous éprouvez une sensation de plaisir : c’est la conséquence (C).
En science du comportement, on s’intéresse depuis presque 100 ans à comprendre comment apparaissent vos comportements, comment il augmentent ou diminuent. On sait notamment que vos comportements sont déterminés à la fois par leurs conséquences et leurs antécédents. Pour être bien compris, vos comportements doivent donc être appréhendés comme le résultat d’une interaction avec cet antécédent et cette conséquence (on dit que le comportement est une « propriété relationnelle »). Ce principe est notamment utilisé en psychothérapie : dans le traitement des phobies par exemple, les stratégies thérapeutiques consistent à intervenir à la fois sur les antécédents et sur les conséquences des comportements d’évitement de l’objet phobique.
Des stratégies basées sur les antécédents de vos comportements
Si vous voulez diminuer votre consommation de cigarette, vous comprenez maintenant qu’il faut agir sur ces deux évènements (A et C). Actuellement, les stratégies que l’on vous propose pour vous aider à arrêter de fumer ne sont principalement que des stratégies basées sur les antécédents. On vous interdit par exemple de fumer dans les lieux publics. D’emblée, cette stratégie ne peut pas fonctionner car cela ne vous empêche pas de fumer dans des contextes où le tabac est autorisé (dehors, chez vous, etc.). Ensuite, on vous informe des risques liés à votre consommation de tabac, on modifie aussi le packaging et le prix des paquets de cigarettes. A priori, il peut paraître en effet logique que prendre une cigarette dans un paquet illustré par des images qui évoquent la mort est moins motivant que si vos cigarettes sont présentées dans une jolie boite, qu’il peut être décourageant de fumer des cigarettes en sachant que cela peut vous tuer, et qu’acheter un paquet à 8 euros au lieu de 4 peut vous faire passer l’envie de fumer.
Le problème, c’est que les stratégies basées sur les antécédents n’ont qu’un impact limité sur vos apprentissages : elles changent vos comportements à court terme. Plus précisément, en intervenant sur les antécédents, on va simplement agir sur la valeur de la conséquence et donc sur votre motivation à fumer. Il y aura bien une diminution momentanée de votre consommation, mais pas de réel apprentissage à long terme.
C’est pour cela que les mesures d’interdiction, les illustrations d’horreurs, tout comme l’information ou le prix du tabac, même si ceux-ci vous dissuade un peu, n’ont sur vos comportements qu’un effet dissuasif provisoire. Bon oui, d'accord, de telles mesures vont peut-être permettre à certains d’entre vous de se dire « et si j'essayais d'arrêter ? c'est vrai quoi, ça commence à me couter cher !… ». Certains d’entre vous essaieront donc d'arrêter... Mais vous serez nombreux à vous remettre à fumer, alors que d’autres trouveront des comportements alternatifs (comme la cigarette électronique), tandis que seule une minorité d’entre vous réussira vraiment à décrocher.
Des stratégies basées sur les conséquences de vos comportements
Par contre, il a été démontré que ce sont plutôt les stratégies basées sur les conséquences de vos comportements qui permettent de les modifier à long terme, de façon plus permanente. Ce sont donc les conséquences de vos comportements et non leurs antécédents qui permettent réellement un apprentissage : tant que la conséquence reste inchangée, c’est-à-dire que vous obtenez toujours les mêmes bénéfices en fumant, vous y reviendrez presque immanquablement. Rappelez-vous toutes les fois où vous avez fait 10 km en voiture simplement pour trouver un bar ouvert vendant les cigarettes à plus de 7 euros le paquet : votre dépendance aux conséquences est telle que vous êtes prêts à faire beaucoup d’efforts pour les obtenir. Alors ce n'est pas une augmentation du prix du paquet de 20 centimes qui aura un effet significatif. Et même si le gouvernement fixait le prix du paquet à 30 euros, vous arrêteriez de fumer un temps... puis d'autres comportements finiraient par émerger : contrebande, braquage des buralistes, etc. Bref, vous continuerez à fumer justement parce que l’on agit pas assez sur les conséquences de votre consommation de tabac.
Vous comprenez donc maintenant qu’il va falloir que vous agissiez aussi sur les conséquences de votre consommation pour pouvoir apprendre à ne plus fumer. Et c’est là où les choses se compliquent. Car ces fameuses conséquences peuvent être très variées et sont surtout individuelles. Par exemple, quels sont chez vous les plaisirs liés à votre consommation : l’arôme du tabac, la sensation de la fumée qui passe dans votre gorge, la décharge de nicotine, le fait d’être plus à l’aise dans les situations sociales, l’impression qu’une cigarette vous aide à mieux dormir ou vous détresse, la possibilité de vous occuper et de combler un ennui, voire un peu tout cela à la fois etc. ? Tant que l’on aura pas identifié les conséquences bénéfiques sur lesquels agir, vous continuerez à fumer.
En admettant maintenant que vous ayez réussi à identifier ces fameuses conséquences, il faudra ensuite choisir quelle stratégie utiliser. Car globalement, il existe trois façon d’agir sur les conséquences de vos comportements…
Suite et fin de ce post à lire sur ce blog la semaine prochaine…