C'est une première. L'Etat français vient d'être sanctionné pour préjudice moral envers des personnes autistes. Le 15 juillet dernier, le tribunal administratif de Paris a en effet condamné l'Etat à verser environ 240 000 euros à 7 familles pour carences de prise en charge adaptée. Le gouvernement ne fera d'ailleurs pas appel de cette décision.
Etat des lieux
En France, très peu d'institutions proposent une prise en charge de l'autisme qui respecte les dernières recommandations sanitaires. Par manque de places dans les structures, beaucoup de familles sont donc obligées de faire appel à des professionnels indépendants pour un coût estimé entre 2000 et 3000 euros par mois, ou bien de se tourner vers des établissements à l’étranger (la Belgique notamment). Même si certaines prises en charges spécifiques sont remboursées, les aides financières accordées par les Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) restent très insuffisantes pour couvrir les frais engagés par les familles.
En France, trop peu de professionnels sont formés pour accompagner correctement les personnes atteintes d’autisme. De plus, ce pays a encore du mal à dépister l'autisme de façon précoce et nous manquons de moyens pour pouvoir établir rapidement des diagnostics (les centres de diagnostics de qualité sont peu nombreux, il n'est pas rare d'avoir des listes d'attente de plus d’un an). Ceci est tout à fait problématique lorsque l'on connaît les enjeux d'une prise en charge précoce.
Quelles conséquences d'une telle condamnation ?
Avec cette décision de justice, on reconnaît donc un droit à l'éducation des personnes atteintes d’autisme. Il est donc probable que d'autres familles, à leur tour, décident de faire valoir leurs droits et de faire reconnaître leurs préjudices.
Familles et professionnels pourraient alors espérer que l’Etat se retrouve contraint à prendre rapidement des mesures afin d’améliorer la situation des familles. Mais rien n’est moins sûr : déjà à deux reprises (en 2003 et 2014), la France avait été condamnée par le Conseil de l'Europe pour ne pas avoir respecté le droit à la scolarisation des enfants autistes, sans pour autant proposer de solutions adaptées (en France, seulement 20 % des enfants autistes sont scolarisés en milieu ordinaire).
Des solutions ?
Les actions menées par le gouvernement au travers du 3ème plan autisme vont dans le bon sens : le plan prévoit notamment la création d'environ 3000 places d'accueil d'ici 2017 (enfants et adultes), une amélioration du dépistage et des diagnostics précoces, la formation des professionnels du secteur médico-social, le développement des unités d’enseignement maternelle, l’application des recommandations de la Haute Autorité de Santé.
Mais en réalité, il est difficile de changer d'emblée des pratiques sanitaires et médico-sociales déjà bien ancrées depuis des décennies.
Intervenir en amont…
Le 3ème plan autisme prévoit également de faire évoluer les programmes d’enseignement universitaires. En discutant avec certains de mes collègues, nous avons fait ce constat : entre 3000 et 4000 psychologues arrivent chaque année sur le marché du travail. En fonction des spécialités, il leur est très difficile de trouver du travail. Ils sont souvent obligés de cumuler des temps partiels, ou d’accepter des postes à durée déterminée. L’Université forme donc aujourd’hui beaucoup trop de psychologues pour des spécialités ou des fonctions déjà saturées sur le marché du travail.
Pourtant, les psychologues formés correctement à la prise en charge de l’autisme sont aujourd’hui submergés par les demandes d’aide de familles. Il y a donc aujourd’hui une mauvaise adéquation entre la formation universitaire et les besoins sur le terrain.
C’est d’ailleurs aussi le cas pour d’autres professionnels comme les éducateurs spécialisés, les orthophonistes, les médecins, les psychomotriciens, etc.
Pour changer durablement les pratiques en matière de prise en charge de l’autisme, il faudra donc certainement en passer par le développement des formations universitaires (en psychologie ou en médecine), la réforme des formations dans les écoles d’éducateurs, la révision des formations des auxiliaires de vie scolaire, etc.
De tels changements prendront du temps. C’est un défi pour notre pays que de faire évoluer la prise en charge de l’autisme dans le sens des recommandations de bonne pratique.