Les personnages les plus terrifiants au cinéma sont certainement ceux qui méprisent le droit d’autrui, ceux qui ne tiennent pas compte des normes et des obligations sociales. On a beau les sanctionner, ils reviennent à la charge, comme si la sanction n’avait aucun effet sur eux. Ce sont d’excellents manipulateurs. Intolérants à la frustration, ils ont un seuil très bas de décharge d’agressivité. Ces personnages, on les appelle couramment des « psychopathes ». Actuellement à l’affiche, il y en a un « très bon », interprété par Jack Gyllenhaal dans le film Night call de Dan Gilroy.
C’est l’occasion de faire un rappel sur ce qu’est (et ce que n’est pas) la psychopathie. J’ai n’ai pas pu résister non plus à vous donner mon top five des « psychopathes » au cinéma :
5. John Doe (Kevin Spacey) dans Seven (David Fincher,1995)
Dans les classifications internationales, le terme de « psychopathie » n’existe pas. Le Manuel Diagnostique et statistique des troubles Mentaux (DSM-V), ainsi que la Classification internationale des Maladies (CIM-10) utilisent le terme de personnalité dyssociale ou antisociale pour y faire référence comme trouble de la personnalité.
Malgré tout, le terme de « psychopathe » reste largement utilisé dans la vie quotidienne et dans le cadre des œuvres de fiction.
4. Annie Wilkes (Kathy Bates) dans Misery (Rob Reiner, 1990)
« La caractéristique essentielle de la Personnalité antisociale est un mode général de mépris et de transgression des droits d'autrui qui apparaît dans l'enfance ou au début de l'adolescence et qui se poursuit à l'âge adulte. Ces individus ne parviennent pas à se conformer aux normes sociales qui déterminent les comportements légaux (…) Ils ne tiennent pas compte des souhaits, des droits ou des sentiments d'autrui. Ils trompent et manipulent facilement pour leur profit ou leur plaisir… » (selon l’American Psychiatric Association, APA).
3. Alex (Malcolm McDowell) dans Orange mécanique (Stanley Kubrick, 1971)
« Ils peuvent, de manière répétée, mentir, utiliser de fausses identités, faire des escroqueries ou simuler des maladies. L'impulsivité peut se manifester par une incapacité à planifier à l'avance. Les décisions sont prises sur le moment, sans réfléchir et sans considérer les conséquences pour soi-même ou pour autrui. Cela peut aboutir à des changements soudains de travail, d'habitation ou de relations… » (APA).
2. Paul (Michael Pitt) dans Funny Games US (Michael Haneke, 2007)
« Les individus qui ont une Personnalité antisociale manquent souvent d'empathie et tendent à être immoraux, cyniques et à mépriser les sentiments, les droits et la souffrance des autres » (…) La prévalence globale de la Personnalité antisociale clans la population générale est de l'ordre de 3 % chez l'homme et de 1 % chez la femme » (APA).
1. Ben (Benoit Poelvoorde) dans C’est arrivé près de chez vous (Rémy Belvaux, André Bonzel et Benoit Poelvoorde, 1992)
L’inconvénient de tous ces personnages de fiction, c’est qu’ils véhiculent une image souvent faussée de la réalité du trouble (notamment le fait qu’ils soient presque tous des assassins). Une étude1 réalisée cette année par un psychiatre belge montre ainsi que sur 126 films passés à la loupe, moins de 20% représentent un profil de « psychopathe » crédible. Ainsi, Hannibal Lecter ne serait pas un « bon » psychopathe de cinéma. L’idée du « psychopathe » qu’il véhicule ne serait pas « juste » : aspect surhumain, ingénieux et maniéré.
Le terme de « psychopathe », chargé de références négatives, appartient donc bien plus à la culture populaire qu’au domaine de la santé mentale. Utilisé au cinéma, il renvoie à un imaginaire effrayant, l’ingrédient idéal pour attirer les spectateurs en salle.
- Leistedt, S. et Linkowski, P. (2014). Psychopathy and the Cinema: Fact or Fiction ?Journal of Forensic Sciences, 9, 1, 167-174.