Samuel Leistedt est un psychiatre belge qui vient de publier, avec Paul Linkowski, une étude1 sur la représentation des « psychopathes » dans les œuvres cinématographiques de fiction.
Pendant 3 ans, les auteurs et leur équipe ont regardé 400 films produits entre 1915 et 2010 et ont observé si les personnages de « psychopathes » y étaient correctement représentés d’un point de vue médical. Sur les 126 films retenus, seuls 10 à 20% représentaient un profil de « psychopathe » crédible (105 hommes et 21 femmes).
Samuel Leistedt est par ailleurs enseignant en psychiatrie légale. À travers cette étude, un de ses objectifs était donc pédagogique : il s’agissait pour lui de construire une base de données, un outil d’enseignement aidant à l’apprentissage du diagnostic de la « psychopathie ». Car ce trouble est en effet difficile à évaluer.
La « psychopathie » n’apparaît pas en tant que diagnostic dans les classifications internationales. Ces dernières ne considèrent pas la « psychopathie » comme une maladie mentale, mais comme un trouble de la personnalité qu’elles nomment personnalité antisociale. Malgré tout, le terme de « psychopathie » reste largement utilisé dans le cadre des œuvres de fiction.
Globalement, la personne atteinte d’un trouble personnalité antisocial éprouve peu d’émotions et ne ressent pas de culpabilité. Sans ce sentiment de culpabilité, des comportements antisociaux émergent plus volontiers : ne pas faire du mal aux autres est en effet largement contrôlé par notre volonté d’éviter l’émotion désagréable liée à la culpabilité. On dit également que ces personnes montrent peu d’empathie vis-à-vis d’autrui.
Psychiatres et neuroscientifiques ont identifié certaines régions du cerveau des personnes atteintes de ce trouble qui semblent fonctionner différemment des autres personnes (dont l’amygdale, complexe impliqué dans l’évaluation des émotions). Cependant, il reste des zones d’ombres et tous les experts ne sont pas d’accord, notamment au sujet des bases génétiques du trouble.
Parmi les « bons psychopathes » au cinéma révélés par l’étude de Samuel Leistedt et Paul Linkowski, on trouve par exemple le personnage joué par Gérard Depardieu dans « 36, quai des Orfèvres » d’Olivier Marchal : ce personnage n’éprouve pas de sentiment de culpabilité, ce qui l’engage dans des comportements inadaptés comme faire condamner ou laisser mourir ses rivaux.
Les auteurs citent également le personnage interprété par Javier Bardem dans No Country for Old Men de Joel Coen, ou encore Hans Beckert dans M le maudit de Fritz Lang.
En comparaison, Hannibal Lecter ne serait pas un « bon » psychopathe de cinéma. L’idée du « psychopathe » qu’il véhicule ne serait pas « juste » : aspect surhumain, ingénieux et maniéré. Lecter représenterait l’élite des psychopathes popularisés dans les années 1980 et 1990.
1. Leistedt, S. et Linkowski, P. (2014). Psychopathy and the Cinema: Fact or Fiction ? Journal of Forensic Sciences, 9, 1, 167-174.