La peur peut-elle influencer vos comportements d’achat ?

ginoroberto

Les consommateurs effrayés devant leur téléviseur éprouvent un attachement plus important envers une marque présente dans l'environnement que s’ils regardaient un programme joyeux ou triste. Par rapport à d’autres émotions, la peur conduirait donc plus facilement le consommateur à aimer des marques comme McDonald’s, Perrier ou Moltonel .

Voilà l’une des hypothèses de travail d’une nouvelle étude1 qui sera prochainement publiée dans le Journal of Consumer Research.

Une telle hypothèse paraissait a priori peu envisageable. Jusqu’ici, la majorité des études sur le sujet indiquaient en effet que les émotions négatives, comme la tristesse, avaient plutôt des implications négatives sur l'évaluation d’une marque : dans l'ensemble, une humeur positive tendrait à évaluer plus positivement une marque, alors qu'une humeur négative tendrait au contraire à la percevoir de façon moins favorable.

On pouvait donc raisonnablement faire l'hypothèse qu'une expérience de peur durant l'exposition à une marque aurait des implications négatives similaires vis-à-vis de la marque.

C’est pourtant l’effet inverse que les auteurs ont observé à travers leur recherche…

Explications

Pour faire face à des émotions déplaisantes comme la tristesse, l’individu met en place des stratégies qui l’aident à retrouver un état d'équilibre émotionnel, bref qui le rassurent. Ces stratégies consistent à échapper aux causes apparentes de sa tristesse et diffèrent selon chacun : rationaliser la situation, écouter de la musique, manger du chocolat, boire de l’alcool, fumer une cigarette, faire du sport, etc.

Bien que de nombreuses recherches aient examiné la régulation des émotions déplaisantes, l'émotion spécifique de peur a été peu étudiée. Or, il apparaît que les personnes qui vivent une expérience de peur ont tendance à mettre en place une stratégie qui consiste à s'engager dans des relations interpersonnelles. Partager son expérience de peur avec autrui permettrait en effet de réduire la perception de menace. On a pu ainsi observer qu’en temps de guerre, la peur avait un impact positif sur la perception que l'on a des autres. Des données neurobiologiques vont dans ce sens : les mammifères apeurés se rapprochent les uns des autres ; le contact libère alors une hormone, l'ocytocine qui module la réaction de stress.

La motivation à interagir socialement augmenterait donc en cas de peur. Alors que la tristesse conduirait au contraire à l'isolement social.

De plus, les travaux sur l'attachement montrent que l’affiliation à un simple objet peut suffire pour nous rassurer en cas de peur. Le doudou des enfants est un bon exemple d’objet d’attachement non vivant : par l’intermédiaire d’objets physiques de notre environnement, nous créons l’illusion d’un attachement interpersonnel (plus un objet à été associé à une personne qui nous est chère, plus cet objet nous est précieux).

Ainsi, les consommateurs peuvent créer des relations avec des marques d’une manière similaire à celle qu’ils créent avec d’autres êtres humains.

L'attachement au produit est une expression marketing qui décrit la force du lien entre le consommateur et la marque

L’attachement aux marques décrit dans cette étude ne vaudrait donc pas seulement pour les marques, mais pour tous les éléments de l’environnement qui pourraient potentiellement nous rassurer. Sauf que dans notre environnement, les marques sont omniprésentes : entre sa naissance et l'âge de 18 ans, toute personne est exposée en moyenne à 350 000 publicités (99 francs, Jan Kounen, 2007). On comprend donc que le besoin d'affiliation peut facilement nous amener à rechercher une marque disponible dans l’environnement pour nous aider à gérer nos peurs. Une telle affiliation est d’autant plus facilitée lorsque personne n’est disponible dans l’environnement du consommateur à ce moment. C’est donc spécialement les personnes seules qui seraient sujettes à l’attachement aux marques.

À partir de ces données théoriques, les auteurs ont donc cherché à vérifier si les produits de marque présents dans l’environnement du consommateur pendant qu’il regarde un film d’horreur pouvaient réellement l’aider à mieux gérer sa peur et ainsi permettre d'augmenter son attachement au produit.

Les auteurs arrivent à la conclusion que contrairement à d'autres émotions, la peur faciliterait effectivement le développement d'un attachement à la marque. De plus, le consommateur n’aurait pas besoin de toucher ou de consommer le produit pour s’attacher à la marque après une expérience de peur. Il suffirait simplement que la marque soit visible dans son environnement.

D’après les auteurs, la présence d’une marque serait donc suffisante pour aider les personnes à gérer leur sentiment de peur. Selon eux, les publicitaires devraient même considérer l’exposition de leur marque comme un soutien dans les moments de frayeur télévisuelle !

Cependant, il s’agit d’une étude corrélationnelle qui présente de nombreux biais méthodologiques. De plus, la généralité des résultats statistiques masque les données individuelles et facilite les raccourcis, qui sont d’ailleurs souvent exploités par les médias. Cette étude ne permet donc en aucun cas de prédire des comportements d’achat.

1. Dunn, L. et Hoegg, J. A. (2014). The Impact of Fear on Emotional Brand Attachment. Journal of Consumer Research.