Anthony Bonnet est un jeune chef élevé à la campagne, comme les poulets de grains, les veaux sous la mère, les agneaux allaitons ou les carottes des sables. Il a grandi dans une ferme des monts du Forez où l’on consommait tout ce que le domaine pouvait offrir, cochons, volailles, légumes et fruits du jardin. Il en a gardé un émerveillement virgilien, une sensibilité à fleur de saison.
Aujourd’hui, chef étoilé à Lyon, il reçoit chaque jour une brassée de nature livrée par ses fournisseurs : « Ce qui me réjouit toujours, c’est la rencontre avec ces nouveaux produits. Je tâte, je renifle, je soupèse, je croque… L’émotion première vient de là. L’inspiration est en prise directe avec la saison. On ne peut rien décider sans observer ce que nous offre le moment, l’instant présent. Cette année, nous avons eu un printemps bizarre, les fruits ont longtemps gardé de l’acidité. Il fallait en tenir compte, cela m’a ouvert sur des directions nouvelles, par exemple sur la façon de préparer un melon. Quand le taux de sucre baisse, il faut trouver de nouveaux accords. »
Anthony Bonnet est un immense travailleur. A l’heure où sa profession s’interroge sur les cuisiniers qui ne font plus qu’assembler une nourriture préparée en amont par les grands noms de l’industrie alimentaire, lui ne conçoit même pas que l’on puisse lui livrer des pièces de viandes prédécoupées : « Je veux avoir une carcasse entière. C’est en détaillant les morceaux que l’on peut avoir un contact intime, juger de la texture de la viande, humer son odeur. Si l’on me donnait des entrecôtes, des filets, des noix, déjà préparées, j’aurais du mal à imaginer une suite, un accompagnement, un accord, une recette… Si je n’ai pas mes rognures à la fin de la découpe, comment puis-je faire mes jus, mes fonds ? »
Anthony se donne à 100% pour sa cuisine, aussi quand on lui demande si le travail d’autres chefs l’inspire, il est bien en peine de répondre : « Je n’ai pas le temps d’aller voir ce que font les autres. » Plus encore, il avoue qu’il ne possède que très peu de livres de cuisine. Alors, l’air du temps, les tendances, la mode, qu’en fait-il ? “ Ah, la mode… Il n’y a pas que le regard porté sur la cuisine des autres qui compte. J’observe mon époque, le design automobile, mobilier, vestimentaire. Tout ça est source d’inspiration. La vie de tous les jours porte suffisamment de sens en elle pour que je ne me sente pas à l’écart des tendances.”
Le design de ses assiettes est toujours remarquable, il y attache une importance qui va au-delà de l’esthétique : « Le dressage de l’assiette est aussi un message caché à l’intention de la personne qui va goûter le plat. Il indique un sens de dégustation. Le dressage donne de la lisibilité à un plat. D’ailleurs, il m’est arrivé de renoncer à des recettes car, au moment du dressage, les différents éléments ne trouvaient pas leur place naturellement les uns à côtés des autres. Dans ces cas là, quelque chose ne va pas. Il faut recommencer à travailler, à réfléchir.»
Anthony Bonnet est toujours à la recherche d’une perfection à venir : « Je ne suis jamais satisfait de ce que je fais. Je sais que ma cuisine s’est simplifiée ces dernières années. Pas techniquement, mais dans ses accords. Rien n’était mauvais avant, mais il y avait certaines choses qui n’étaient peut-être pas toujours justifiées. » La cuisine d’Anthony va aujourd’hui à l’essentiel : le goût ! Ces plats sont des bombes, quand il le faut, où des édredons de plumes, quand il le faut aussi, l’expressivité de ses plats est plus nette. Il sait nous parler directement et communiquer son intention : nous régaler ! Tout simplement.
Restaurant : La cour des loges 2-8 Rue du Bœuf - 69005 Lyon - Tél : 04 72 77 44 44
La recette d’Anthony Bonnet : “Queue de bœuf braisée”
Ingrédients pour 4 personnes
5 kg de queue de bœuf
10 cl de jus de bœuf
60 gr de moelle de bœuf
100 g de truffes noires (facultatif, mais évidemment c’est mieux avec)
2 l de fond blanc de volaille
3 oignons
4 échalotes
3 carottes
1 poireaux
1 bouquet garni
sel en quantité suffisante
Quelques légumes de saison à votre choix (courge, betterave, topinambour, pois gourmands, haricots verts)…qui seront poêlés et qui serviront d’accompagnement.
¼ l de pâte à crêpes
0,10 g de graisse de bœuf (on peut en demander à son boucher)
Porto rouge en quantité suffisante
1 l de vin rouge
Réalisation
Emincer la garniture de légumes (oignons, échalotes, carottes, poireaux). Dans une cocotte, colorer la queue de bœuf en tronçons, retirer et réserver. Faire revenir la garniture de légumes émincée. Une fois cuite, remettre la queue de bœuf. Déglacer avec le porto et le vin rouge. Verser le jus de bœuf, mouiller à hauteur avec le fond de volaille et mettre le bouquet garni. Couvrir et laisser cuire 8 à 10 heures à feu doux. Retirer la queue, réduire le jus de cuisson à consistance sirupeuse. Emietter la queue de bœuf à chaud avec sa garniture. Une fois le jus réduit, assaisonner avec la truffe hachée et le jus de bœuf réduit. Confectionner la pâte à crêpes traditionnelle mais en remplaçant le lait par du bouillon de bœuf. Faire fondre la graisse de bœuf dans une poêle et cuire les crêpes. Ensuite, placer la queue de bœuf hachée au centre de la crêpe et rouler. Faire la poêlée de légumes de saison, les cuire à feu doux avec une louche de jus de bœuf.
Dressage
Poser la crêpe roulée au centre de l’assiette, napper avec le jus réduit et disposer des petits cubes de moelle de bœuf ainsi que des lamelles de truffe.