Les huîtres plates sauvages se font rares. Les grands bancs régressent, s’étiolent, se diluent dans les océans. Surpêche, épidémies, pollution, changement climatique, rien ne tourne plus rond sur l’estran. Reste la vigilance, l’observation, le retour à la raison. Cette recette a permis la reprise d’une pêche mesurée en baie du Mont Saint-Michel. Au Danemark, dans le Nord Jutland, à Limfjorden, les bancs sont sous contrôle depuis le 18ème siècle. A quelques mètres du rivage, il est encore possible pour les pêcheurs à pied de remplir de grands paniers, sous l’œil des éco-gardes…
La côte nord du Danemark est une lande de bruyère, de chênes et de marronniers aux branches infiniment tortueuses, élégantes enluminures de l’entrelac végétal. Les vents portent en eux un froid tranchant de glace, dans le Limfjorden les oies sauvages prennent leurs quartiers d’hiver.
C’est ici que se trouve le plus grand banc d’huîtres plates du Danemark. Il ne doit sa survie qu’à une haute surveillance appliquée à l’observation du renouvellement de la ressource. Très peu de licences professionnelles sont accordées, moins de dix bateaux sont habilités à draguer les fonds et parfois ceux-ci doivent rester à quai quand la reproduction n’a pas été bonne. Le Limfjorden se situe à la limite nord de la zone de peuplement de l’huître plate (Ostrea Edulis). Si les eaux de printemps sont encore trop froides, la ponte ne se déclenche pas. Pire, les huîtres sont si proches du rivages, quelques mètres à peine, que par les hivers les plus rigoureux, elles meurent alors par milliers, prisonnières des glaces.
En 2013, seulement 130 tonnes d’huîtres ont été prélevées sur le banc, alors qu’en 2010, 600 tonnes avaient été récoltées.
Les meilleures huîtres du monde…
Mais en marge de cette pêche professionnelle, des “Oysters safaris” sont organisés par les autorités locales. Dans le Limfjorden et dans la Wadden Sea, il est possible de s’inscrire pour une après-midi de pêche à pied. Elle se déroule sous l’œil des éco-gardes qui indiquent les lieux de récolte. Dans à peine un mètre d’eau, armés d’un manche de balais au bout duquel une sorte de passoire a été fixée, les pêcheurs arpentent le rivage à la recherche des précieuses Oestra Edulis. En moins d’une heure, une personne moyennement expérimentée peut espérer recueillir une bonne dizaine de kilos. Les prises sont seulement limitées au poids d’huîtres que l’ont peut porter. Et il n’en coûte que 26 € par personne pour ces heures passées au milieu d’une nature inoubliable, suivies d’une dégustation organisée autour d’un feu de bois.
La qualité des spécimens est exceptionnelle. Les huîtres plates du Limfjorden sont souvent considérées comme les meilleures du monde. Et cela s’explique par la lenteur de leur croissance. Plus les eaux sont froides et moins le développement de l’animal est rapide. La chair à tout le temps de s’imprégner des saveurs de son environnement. Charnues, finement iodées, salées sans excès, les huîtres du Jutland sont d’un magnifique équilibre gustatif. Leur rareté et la beauté des saveurs en font un met très recherché et leur prix flambe sur le marché européen, très loin haut dessus des huîtres sauvages d’Irlande ou de France.
Plates du Mont Saint-Michel
Car sur nos côtes aussi, des huîtres sauvages subsistent. Si les bancs ne sont pas aussi facilement accessibles pour le pêcheur à pied que celui du Limfjorden, les bateaux approvisionnent les étals en saison. L’an passé, du 12 au 29 novembre, de 8h du matin à 15 h, dans la baie du Mont Saint-Michel, cinquante unités de pêche ont disposé de l’agrément préfectoral. C’est toujours mieux que dans les années 90 où la récolte était interdite. Le gisement se reconstitue, la maladie qui a décimé les bancs depuis les années soixante-dix, semble laisser un peu de répit aux coquillages. Ouf, voilà les plates regonflées !
Pour plus d'information sur les safaris d'huîtres au Danemark : www.vadehavscentret.dk