La petite tuerie du dimanche : entremet, noix, miel et agrumes de Pascal Auriat

Entremet, dacquoise aux noix, mousse de miel, gelée d'agrumes, de Pascal Auriat.

Faire selon ses idées et ses envies, se dire que la qualité finit toujours par être reconnue, marcher parfois à contre-sens pour mieux retrouver le sens des choses, c’est ce que Pascal et Anne Auriat font chaque jour dans leur boulangerie-pâtisserie de Laguiole. Pour le plus grand plaisir des amoureux du pain au levain naturel et des pâtisseries de saison…

Pascal Auriat est artisan boulanger-pâtissier en Aubrac, à Laguiole exactement. Quand il s’est installé en 2003, il a peint la devanture de sa boutique en orange. Les habitants du bourg commençaient à se dire que quelque chose changeait dans le paysage quotidien. Ils ne savaient pas encore combien Pascal et Anne Auriat allaient bousculer – gentiment - leurs habitudes. Mais n’allons pas trop vite…
Pascal Auriat se dit avant tout cuisinier, et c’est bien ce qu’il fut pendant près de quatre années, de son apprentissage dans sa Corrèze natale à sa première saison, en 1993, chez Michel Bras à Laguiole. “Je travaillais au restaurant “La truffe noire” de Brive-la-Gaillarde, et j’avais lu le premier livre de Michel Bras. J’étais sous le charme du personnage, de sa démarche. Quelque temps plus tard, avec mes parents, nous sommes en balade en Aveyron, nous passons par Laguiole et, comme par hasard, Michel Bras est là, sur le pas de la porte de son restaurant. J’étais saisi, je découvrais l’homme, le village, cette ambiance, et ce fut une sorte de coup de foudre, si l’on peut dire… De retour à la maison, je me mets à écrire un CV. Cela me prend quinze jours, tellement je voulais qu’il soit parfait, et pourtant, à l’époque, il n’était pas bien épais. Une semaine plus tard, Michel Bras en personne me contacte pour me proposer de faire un essai pour la saison prochaine, qui devait se dérouler dans son nouvel établissement sur les hauteurs de Laguiole, au Suquet. ” L’essai est concluant !
Pour la première saison, Pascal Auriat est aux légumes : “Il y a toujours eu trois postes de travail chez Michel Bras : les légumes, les viandes et poissons, et les entremets. Au bout de la deuxième année, Michel Bras me dit qu’il serait bon que je change, que je découvre d’autres aspects du métier. Je fais mes premiers pas en pâtisserie-boulangerie, en autodidacte complet. C’est là que ma passion pour le pain a commencé, avec une approche du métier mise en scène par un cuisinier : le choix de farines du terroir, de fermentation à base de yaourt, une cuisson trois fois par jour pour les clients de l’hôtel et du restaurant. C’était en fait une micro-boulangerie artisanale. ”
Le restaurant de Michel Bras ferme chaque année de la fin octobre à début avril. Pendant cinq mois, pour les saisonniers, il est nécessaire de trouver un autre emploi. Pascal ira approfondir ses connaissances pâtissières en Uruguay, au restaurant “La Bourgogne”, le Relais et châteaux de Punta del Este. Il accompagne un autre pâtissier de la brigade de Michel Bras, Philippe Andrieux. C’est également ce dernier qui l’entraînera chez Ladurée en 1998. “Je sortais d’un an et demi de service militaire, reprend Pascal Auriat, et Philippe Andrieux venait d’entrer dans la prestigieuse maison parisienne placée alors sous la houlette de Pierre Hermé. Là, j’ai appris les techniques de mon métier, avec une démarche qui va entièrement dans le sens du produit, sans artifices. Pierre Hermé reste un maître pour moi.”
Alors qu’il est chez Ladurée depuis trois ans, comme responsable du four (5 000 mini viennoiseries cuites chaque jour, entre autres délices…), Michel Bras obtient sa troisième étoile et demande à Pascal de revenir à Laguiole en tant que chef pâtissier et responsable de la boulangerie. Pas d’hésitation, il accepte immédiatement, comment refuser une telle proposition ? D’ailleurs, il n’aime pas Paris et ne rêve que de grands espaces, montagnards de préférence. Bon choix, car dans la foulée, il rencontre au Suquet sa future femme, Anne, une aveyronnaise pure souche, employée à l’accueil du restaurant pour sa parfaite connaissance de l’anglais, elle revenait de Londres …
Pendant quatre années, il accompagnera l’aventure gastronomique que Michel Bras, et aujourd’hui Sébastien Bras, proposent dans cette Aubrac à la fois élémentaire et universelle, certainement universelle par le fait qu’elle est élémentaire.
Au cours d’un voyage au Japon, dans la salle d’attente de l’aérogare d’Osaka, Michel Bras demande à Pascal s’il ne serait pas temps pour lui de s’établir. Il se trouve qu’une boulangerie pâtisserie est en vente au village. “Au retour, je rencontre le propriétaire, l’affaire peut se faire, mais je n’ai aucun apport. Je vais donc à la succursale locale du Crédit Agricole, avec le livre de Ladurée “Instants Gourmands”, où l’on me voit sur deux photographies. La responsable de l’agence me dit : “Vous allez faire à Laguiole, ce que vous faisiez à Paris ?” Oui, que faire d’autre, que ce que je sais faire ?”
Pascal et Anne Auriat ouvrent leur boutique le 15 novembre 2003, avec des idées bien claires. “Nous voulions faire une pâtisserie de saison. Ce n’est pas toujours facile à faire admettre, mais il n’est pas question pour moi de proposer des tartes à la myrtille en dehors du mois d’août. » En hiver, Pascal Auriat joue sur les agrumes, sur les pommes, les poires et les coings qui conservent en eux la mémoire de l’automne et qu’il prend soin de mettre en bocaux. “J’ai une approche de cuisinier, j’ai un réseau de fournisseurs, je ne veux que des coins sauvages, non greffés car plus parfumés, même chose pour les reines-claudes. Mon chocolat vient de chez Weiss, je prends ma vanille chez Roellinger, mes fruits confits sont ceux de la très belle et ancienne maison Lilamand de Saint-Rémy de Provence, la crème est d’Isigny.”
Dans sa vitrine, les pommes et les poires convolent sur une pâte sablée pur beurre, dorlotées par une crème au pain d’épices. On soupire devant d’autres pommes, cette fois sans les poires, mises en compagnie d’une crème d’amande et de pralines concassées. Le saint-honoré, le mille-feuille à la crème vanille, le Paris-Brest, tous grands classiques de la pâtisserie, sont ici de pures damnations. A Noël, ce sont 4 500 bûches que l’équipe de Pascal Auriat doit préparer. “Quand je suis arrivé, mon aide pâtissier, qui était déjà présent dans la maison, m’a confié que les bûches ne marchaient pas bien forts. Effectivement, nous en avons vendus 200, en proposant les classiques chocolat, café, etc... L’année suivante, j’ai décidé de faire des bûches à ma façon, notamment une à la noix de coco, ananas frais, poivre du Sarawak, et citron vert. Tout le monde m’a regardé ahuri, personne ne pensait que ça plairait ici, en Aubrac. Total, aujourd’hui, je ne peux plus la retirer de la vente, tout le monde en veut. » 4 500 buches, cette année… Pour 900 habitants à Laguiole…
On vient de loin pour la pâtisserie de Pascal Auriat. Ses kouglofs sont célèbres dans tout le département et bien au-delà. Des kouglofs alsaciens en Aveyron, pays de la fouace, un brin étrange, non ? Sans doute, mais Pascal fait selon ses envies, un point c’est tout ! Et quand un gâteau est bon, on ne demande pas son extrait de naissance ! On le mange !
Et c’est ce que font les heureux gourmands de l’Aubrac et d’ailleurs : « Moi je n’aime pas Paris, mais les parisiens viennent à moi, sourit Pascal Auriat.” Et c’est parfaitement vrai !

La recette

Entremet, noix, miel et agrumes

Ingrédients pour huit personnes

Mousse miel
75 gr d’œufs entiers
70 gr de jaunes d’œufs
100 gr de miel (toutes fleurs)
200 gr de crème d’Isigny
8 gr de feuille de gélatine

Gelée d’agrumes
300 gr de suprêmes de pamplemousse (les quartiers pelés à cru)
100 gr de suprêmes d’orange
190 gr de jus de pamplemousse
120 gr de sucre semoule
9,5 gr de feuille de gélatine

Dacquoise à la noix
54 gr de poudre de noix
54 gr de poudre d’amandes brutes
120 gr de sucre glace
40 gr de sucre semoule
20 gr de farine type 65
120 gr de blancs d’œufs

Réalisation

Mousse de miel
Faire chauffer le miel sans ébullition, verser sur les jaunes et les œufs entiers, fouetter jusqu’à refroidissement, incorporer la gélatine fondue, puis la crème. Couler l’ensemble dans un plat en obtenant une épaisseur d’un centimètre.

Gelée d'agrumes
Peler les quartiers d’agrumes à cru, faire fondre la gelée dans de l’eau, l’essorer puis mélanger la gelée avec les tranches d’agrumes dans leur jus.

Dacquoise aux noix
Mélanger la poudre de noix, le sucre glace, monter les blancs en neige, les serrer avec le sucre semoule. Incorporer le mélange poudre de noix, sucre glace, farine. Couler sur une plaque à pâtisserie sur une épaisseur de deux centimètres. Cuire à 180° pendant 40 minutes.
Laisser refroidir.

Dressage
Avec un emporte pièce rectangulaire, détailler quatre portions de dacquoise, sur lesquels vous poserez des cerneaux de noix concassés. Puis, toujours avec le même emporte, détailler quatre portions de mousse de miel. Déposer la mousse sur les dacquoises. Enfin, recouvrer la mousse avec les agrumes et leur gelée.

Adresse : Maison Auriat - 1, place Auguste Prat, 12210 Laguiole. Tél : 05 65 44 31 09.