La saison commence officiellement début décembre, mais c’est à partir de mi-janvier que la récolte est à son apogée. Dans la Drôme, le village de Richerenches célébrait dimanche 19 janvier la messe des truffes. Une messe “noire” retransmise sur écran géant…
Richerenches est un lieu vénéré de tous les amateurs de truffes. Chaque samedi, ils arpentent les rues du marché où s’organisent à voix basse les transactions. L’une des allées est réservée aux courtiers. Ils viennent de loin pour acheter la rabasse, le nom provençal de la truffe melanosporum. Ils ont garé tôt le matin leurs véhicules et attendent les trufficulteurs la porte arrière de la camionnette grande ouverte. Le code est simple : porte ouverte veut dire “J’achète !” ; porte fermée : “J’ai fini mon marché”. Les quantités échangées sont considérables. L’atmosphère est saturée de parfums de truffe. Marcher dans Richerenches un samedi matin est une expérience gastronomique de plein air !
Une fois par an, le troisième dimanche de janvier, l’Eglise Saint-Denis accueille la “Confrérie du diamant noir et de la gastronomie” pour une messe en hommage à Saint-Antoine, patron des trufficulteurs. Ce jour-là, l’église déborde de fidèles, qui n’ont d’autre choix que de rester sur le parvis où un écran géant retransmet la célébration. L’homélie est faite en provençal et, au moment de la quête, ce ne sont pas des espèces sonnantes et trébuchantes qui sont déposées dans le panier mais des truffes odorantes et succulentes. Les hosties sont, elles, toujours constituées de pain azyme, pas de lamelles de truffes pour les pauvres pécheurs. Le pain blanc est à l’évidence de meilleur effet pour laver les noirceurs de l’âme…
Dans ce haut pays de Provence, où les champs prennent possession des vallées et des plateaux de moyenne altitude, la culture de la truffe est associée, depuis toujours, à la vigne, à l’olivier et au lavandin. « Les paysans d’ici ont toujours pratiqué cette polyculture, rappelle Jean-Luc Monteillet, viticulteur et trufficulteur, propriétaire, avec son frère Claudy, du domaine de Montine à Grignan. Un troupeau complétait l’activité, nous avions 400 brebis. » Aujourd’hui, les moutons ont disparu du paysage, la rentabilité s’est évaporée avec la mondialisation. Restent le vin et les truffes. « Une truffière commence à produire entre dix et vingt ans après sa plantation, indique Lilian de Zanet, viticulteur à Vinsobres, lui aussi producteur de truffes. Souvent ces truffières sont plantées en prévision de la retraite. Pour beaucoup d’agriculteurs de la région, elle n’est pas importante et les truffes apportent un complément loin d’être négligeable. »
Pas de fantasmes, la vente d’une production truffière ne permet aucune folie, l’âge d’or est loin derrière nous. « Dans les années cinquante, se souvient Lilian de Zanet, les récoltent étaient abondantes. Une parcelle pouvait donner une cinquantaine de kilos sur l’année. Nous sommes très loin de ces rendements. » Cette raréfaction de la ressource est constatée partout : « On ne sait pas très bien pourquoi, reprend Jean-Luc Monteillet, mais le fait est là. Ma grand-mère se rendait au marché de Richerenches avec des paniers de vingt kilos. C’est bien fini, cette époque. » Une bonne parcelle de six hectares peut produire, en moyenne, une vingtaine de kilos à l’année. « C’est très aléatoire, souligne Lilian de Zanet, vous ne savez pas pourquoi un carré de terre donne et pourquoi son voisin ne produit rien. Cette année, on s’attendait à une belle récolte, les conditions climatiques étaient très favorables. Pourtant, nous sommes à des niveaux comparables à ceux de l’année passée. »
Le prix, en revanche, est beaucoup plus bas, entre 600 et 700 euros le kilo sur le marché de Richerenches. « L’explication vient d’une arrivée importante de truffes en provenance d’Espagne, explique Jean-Luc Monteillet. Ces dernières décennies, ils ont plantés de nombreux hectares de truffières, celle-ci arrivent à leur maturité de production. » Comme elles n’ont rien à envier, question goût, aux truffes françaises, les prix baissent.
Actuellement, les cours sont à des niveaux particulièrement intéressants pour les acheteurs. Pour un prix moyen de 650 euros le kilo, il devient abordable de s’offrir une truffe d’une quarantaine de grammes. Elle vous reviendra à 26 euros. Avec ça, il est possible de faire un très joli plat pour quatre personnes, ce qui fait 6,5 euros de truffe par convive... Le luxe n’a plus de prix...
Certes, tout le monde n’habite pas la Drome provençale ou tout autre région de production. Cependant, pourquoi ne pas commander des truffes directement chez le trufficulteur ? Le coût de l’envoi pour 40 grammes n’est pas exorbitant, généralement, une dizaine d’euros par Colissimo.
C’est le moment ou jamais de se laisser tenter, et de se lancer dans une recette qui marquera votre année gourmande. Pourquoi ne pas essayer de marier vos truffes avec des Saint-Jacques, par exemple sur un simple tartare dont voici la recette. La truffe mélanosporum n’a jamais autant de parfum que lorsqu’elle est servie crue, la cuisson casse ses arômes. Pas de cuisine, de la simplicité. La truffe n’est pas la diva que l’on imagine, elle est fille de la terre, une paysanne, jolie certes, mais paysanne… Prenez-la le plus simplement du monde, toute nue, toute crue !
Tartare de Saint-Jacques aux truffes
8 grosses noix de Saint-Jacques
30 g de truffe noire
2 cl de jus de truffe
10 brins de ciboulette
5 cl d’huile d’amandes grillées
Fleur de sel
Poivre blanc
Réalisation
Découper les Saint-Jacques au couteau en cube d’un demi centimètre, pratiquer de même avec la truffe, en réservant 16 belles lamelles. Mélanger avec le jus de truffe, l’huile d’amandes grillées, la ciboulette ciselée, saler, poivrer. Placer le tout dans une assiette creuse, filmer et laisser infuser au moins une heure. Servez en disposant le mélange dans un cercle de montage, et sur le dessus poser en rosace les lamelles de truffes et quelques brins de ciboulettes.
Accords mets et vins
Pourquoi ne pas déguster cette recette avec un vin de la Drôme provençale. Un blanc des Côtes du Rhône produit sur l’aire de production du village de Vinsobres par exemple. Les vins blancs, n’ont pas droit à l’appellation Vinsobres, seuls les rouges peuvent s’en prévaloir. La grande qualité de cette appellation est la fraîcheur de ses crus, les vins des Côtes du Rhône méridionales n’ont pas tous cette chance de croître en altitude et de bénéficier d’un vent frais du matin, le Pontias. Les blancs ont de la puissance mais aussi de l’agilité, pas de lourdeur, ce qui est rare dans cette région de France. Les rouges ont de belles structures charnelles, la réglisse, le zan, le chocolat sont souvent de la partie, ils feront le job sur les viandes rouges accompagnées de truffe…
Quelques bons domaines de l’appellation :
Truffes et vins : Domaine de Montine - La Grande Tuilière - 26230 Grignan – Tél : 04 75 46 54 21
Vins en rouge et en blanc :
Domaine Chaume-Arnaud (byodinamie) - Les Paluds - 26110 Vinsobres - Tél : 04 75 27 66 85
François VALLOT
(biodynamie) - Domaine du Coriançon - 26110 Vinsobres – Tél : 04 75 26 03 24
Domaine Jaume - 24, Rue Reynarde - 26110 Vinsobres – Tél : 04 75 27 61 01
Domaine du Moulin - 26110 Vinsobes – Tél : 04 75 27 65 59