4 raisons de ne pas s'inquiéter après l'élection italienne

Vous n'avez pas pu le manquer : tout le monde s'inquiète des résultats de l'élection italienne, le succès en pratique de Grillo et Berlusconi, la paralysie politique qui en découle. Les marchés s'inquiètent; les taux sur la dette italienne se sont tendus et la bourse de Milan a plongé le lendemain de l'élection, entraînant avec elle de nombreuses bourses européennes. Pour les lecteurs de ce blog, ce résultat italien n'est pas franchement une surprise; Et dès lors que vous ne manquerez pas de sources alarmistes et catastrophistes sur le résultat de cette élection, voici quatre raisons de ne pas trop s'en faire.

1 Les alternatives n'étaient pas réjouissantes

Tout le monde vous dira que le résultat de l'élection italienne est une (mauvaise) surprise. Mais quelle aurait été l'issue non surprenante? Les sondages prévoyaient une avance maigre des socio-démocrates de Bersani, qu'ils pourraient faire une alliance avec le centre-droit de Monti pour obtenir une maigre majorité à l'assemblée et au sénat, conduisant à un gouvernement de coalition Monti-Bersani. Cette coalition aurait-elle été stable? Même si cela laissait tous les pro-européens en charge, il y a peu d'atomes crochus entre la gauche du parti démocrate italien et les options politiques de Monti. Il est donc probable que les tendances observées sous le gouvernement Monti se seraient maintenues : impossible d'arriver à des réformes structurelles susceptibles d'accroître la croissance, seul consensus possible pour l'austérité budgétaire. Et assez vite des blocages, nécessitant une nouvelle élection. En bref, même le résultat "normal" n'était pas terrible.

2 La paralysie n'est pas un drame

En pratique, l'Italie se trouve dans une situation de paralysie politique : le gouvernement de Monti reste en place sans légitimité pour entreprendre quoi que ce soit. On peut s'attendre donc à une période durant laquelle il ne va rien se passer. Cela énerve toujours les commentateurs qui déplorent de ne rien avoir à raconter sur un pays dont le gouvernement expédie les affaires courantes et ne se lance pas dans de grandes réformes, mais en pratique, ce n'est pas toujours un mal. Agir peut être efficace, n'avoir aucun effet, ou avoir un effet néfaste. Ne rien faire est donc préférable au fait d'entreprendre des actions nuisibles. Or, comme l'ont montré trois graphiques postés aujourd'hui par l'économiste Philippe Waechter, si l'on voit bien l'effet négatif des politiques menées sous Monti, on en voit plus difficilement les effets positifs.

La Belgique a fonctionné sans gouvernement, ou plutôt, avec un gouvernement expédiant les affaires courantes. Comme l'avait remarqué non sans ironie le Financial Times, la paralysie politique a bénéficié à la croissance belge, le pays ne se livrant pas au concours d'austérité des autres pays européens.

L'Italie a un excédent primaire et a placé une bonne partie de ses besoins de refinancement de dette publique pour l'année sur les marchés. Si une hausse des taux qu'elle paie impose des coûts, elle peut tolérer une période raisonnable de paralysie politique.

3 Cela peut secouer favorablement la classe politique italienne

Si le blocage se maintient, ou aboutit à une coalition instable et rapidement à de nouvelles élections, Cela peut avoir plusieurs effets positifs. Premièrement, avant une nouvelle élection, le changement d'une loi électorale et d'un système qui ne favorisent guère le renouvellement d'un personnel politique bien usé. Deuxièmement, une campagne offensive des socio-démocrates et du centre-droit contre Berlusconi et Grillo, ne leur laissant pas le monopole de la critique des politiques européennes lorsque celles-ci sont nuisibles à l'Italie; Ou éventuellement une grande coalition, une prise de conscience de la nécessité de réformes. Ce n'est bien sûr pas certain, mais ces possibilités sont ouvertes : elles auraient été impossibles si un succès de Monti-Bersani avait entretenu l'illusion.

4 L'Europe peut en bénéficier

L'un des premiers effets de ce résultat électoral italien a été la baisse de l'euro: cela tombe bien, même si ce n'est pas une panacée, cela peut apporter un peu de soutien à certains pays, dont la France. La pérennité de la zone euro ne dépend pas du résultat italien, mais de la continuité de la politique de la banque centrale européenne; mais surtout, c'est peut-être le moment idéal pour changer la course des politiques européennes.

A part quelques jusqu'au boutistes, vous ne trouverez plus grand monde pour admettre que les politiques d'austérité ont été un grand succès; les arguments dans le sens inverse font de plus en plus consensus. Mais une réorientation des politiques, trouver ce qui pourrait se substituer aux politiques d'austérité, exigerait un changement de personnel politique, parce qu'il est difficile d'admettre que l'on a eu tort. En délégitimant Monti et Bersani, la crise politique italienne ouvre la possibilité à l'arrivée de nouvelles personnes, qui ne seront pas encombrées par les politiques passées et pourront tenir un discours différent. Au moins, une nouvelle campagne conduira les candidats à ne pas laisser les bons arguments critiques à leurs adversaires populistes; et aller taper du poing sur la table lors des sommets européens pour exiger une réorientation sous peine de déferlante Berlusconi-Grillo aura du poids. Le contexte n'a jamais été meilleur pour proposer des alternatives.

 Bien sûr, tout cela n'exclut pas des scénarios plus inquiétants. Mais le pire n'est pas du tout certain.