Trump n’est président que depuis un mois et l’électorat américain a rarement été aussi polarisé

Donald J. Trump a réuni la presse jeudi 16 février afin d’annoncer la nomination de son nouveau ministre du travail, Alexander Costa. En réalité, l'exercice ressemblait d'avantage à une attaque envers la presse. Une attaque qui en dit long sur les frustrations de premières semaines plutôt décevantes. Les débuts sont difficiles pour le milliardaire, et la publication d’une enquête du Pew Research Center ne va pas le rassurer.

 

Hasard du calendrier, le Pew Research Center avait choisi le 16 février pour publier une étude sur la popularité du président après quatre semaines à la tête du pays. Conduite par des chercheurs de l’Université de Princeton, cette étude se fonde sur les réponses de 1503 adultes américains interrogés entre le 7 et le 12 février. C’est avant tout la polarisation de l’électorat qui en ressort, puisqu’elle atteint des niveaux rarement égalés lors des précédentes administrations.

 

Mécontentement et avis tranchés

Les premières impressions sur le président et son début de mandat sont majoritairement négatives. Seulement 39% des personnes interrogées approuvent l’action de Donald J. Trump à la tête de l'Etat, quand elles sont 56% à la désapprouver et 6% à ne pas se prononcer.

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Seulement 39% des individus interrogés approuvent l'action de Trump. Un taux historiquement bas. Pew Research Center. 

Mais c’est un autre aspect des résultats qui caractérise encore mieux l’état d’esprit des américains : l’intensité de l'opinion des individus interrogés. Ils ne sont ainsi pas moins de 75% à exprimer un avis tranché, qu’il soit positif ou pas, sur Trump, démontrant ainsi sa capacité à ne laisser personne, ou presque, indifférent.

Le nombre d’opinions très négatives atteint des records pour un début de présidence. Le taux de « désapprobation forte » – strong disapproval – dépasse celui atteint par Obama durant l’ensemble sa présidence. Même George W. Bush a dû attendre la fin de son mandat, en décembre 2008, pour atteindre ce niveau.

 

Une polarisation jamais vue depuis 30 ans

Seulement 8% des américains démocrates ou à tendance démocrate approuvent l’action de Donald J. Trump durant ce premier mois. Selon le Pew Research Center, il s’agit ainsi du « taux d’approbation de l’opposition le plus bas pour un nouveau président en trois décennies, et de loin ».

Du côté des républicains et assimilés, 84% se disent satisfaits de la performance de leur nouveau président. Ce chiffre, en plus d’être, lui, dans les normes, témoigne de la polarisation des citoyens américains. C’est l’ensemble de la société américaine qui se fracture profondément autour d’un Donald Trump qui cristallise les tensions entre les deux camps.

Le principal intéressé se défend d’alimenter les divisions, « ce n’est pas Donald Trump qui a divisé le pays, nous vivions déjà dans un pays divisé », a-t-il déclaré hier lors de sa fameuse conférence de presse. Les chiffres de cette enquête sont cependant loin de lui donner raison. Les décrets signés à la hâte et les positions de la nouvelle Administration n’ont pas permis de recoller les morceaux d’une Amérique déchirée lors de la campagne électorale.

 

Une capacité à tenir ses promesses saluée

Le président réussit tout de même à marquer quelques points quand il s'agit de... tenir ses promesses. Soixante pourcent des individus interrogés saluent la capacité de Trump à honorer ses engagements, un score supérieur à ses prédécesseurs. L'homme d'affaires avait en effet choisi de mettre en application un certain nombre de ses promesses de campagne dès la première semaine en signant de nombreux décrets.

 

Une meilleure perception de l’état de l’économie… et de la diversité

Ils sont 42% à considérer que les conditions économiques sont « excellentes ou bonnes », un taux qui a augmenté de 11 points en deux mois. Cette augmentation est due en large partie au changement d’opinion des républicains qui sont désormais 40% à percevoir les conditions économiques positivement – contre 14% en décembre.

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64% des personnes interrogées pensent que la diversité ethnique profite aux Etats-Unis. Pew Research Center

En outre, les américains sont plus nombreux à penser que la diversité ethnique profite au pays : 64% partagent cette opinion alors qu’ils n’étaient que 56% en août. Un chiffre rassurant dans une atmosphère anxiogène pour les immigrés, alors que s’organisait hier la « journée sans immigrés ».

Victoria David

Trump relance la construction d'un oléoduc contesté dans le Dakota du Nord

Deux semaines après la signature d'un décret encourageant sa réalisation par Donald J. Trump, l'oléoduc tant contesté du Dakota du Nord va pouvoir être terminé... à moins qu'une bataille judiciaire vienne encore une fois modifier les plans du nouveau Président.

1900 kilomètres et 3,8 milliards de dollars

En 2014, l’entreprise Energy Transfer Partners rend publics les plans de son projet d’oléoduc reliant le Dakota du Nord à l’Illinois.

Longue de 1900 kilomètres, traversant quatre états - outre le Dakota du Nord et l’Illinois, l'oléoduc passe par le Dakota du Sud et l’Iowa -, la structure représente un coût total d'environ 3,8 milliards de dollars.

Le but ? Relier le Dakota du Nord, où se trouvent le gaz et le pétrole de schiste, à un centre de distribution dans l’Illinois afin de réduire les coûts de transport et concurrencer les entreprises canadiennes du secteur. Energy Transfer Partners met également en avant la création d'emplois suscitée par une construction d'une telle ampleur.

Risques de pollution 

Mais les voix se sont vite élevées contre ce projet, notamment celles de membres de la tribu Sioux de Standing Rock. Cette dernière, comptant près de 10 000 membres et établie entre le Dakota du Nord et le Dakota du Sud, dénonce le risque de pollution du lac Oahe, sa principale source d’approvisionnement en eau, ainsi que le fait qu'il passe sur des lieux sacrés où sont enterrés de nombreux ancêtres. Plus largement, les activistes dénoncent l'impact environnemental d’une telle infrastructure dont le but premier est d'utiliser des énergies fossiles - contribuant au réchauffement climatique.

Une contestation devenue virale  

En avril 2016, LaDonna Brave Bull Allard, l'aînée de la tribu, rejoint son campement, déterminée à occuper le territoire menacé par l'oléoduc. Alors que le début des travaux est imminent, elle appelle à l'aide sur Facebook en juillet. Des dizaines puis des centaines de manifestants se joignent à elle. Parmi eux, de nombreux membres d'autres tribus amérindiennes, solidaires de Standing Rock.

C’est en septembre que la contestation prend un tournant médiatique et devient virale sur les réseaux sociaux. Alors que le chantier atteint une partie de la terre sacrée, certains manifestants décident de franchir la zone de construction. Ils sont repoussés par des agents de sécurité qui gazent les manifestants et utilisent des chiens d’attaque. Filmé puis mis en ligne, l'incident ne fait que renforcer le mécontentement. La contestation grossit, les manifestants se rassemblent à travers le pays et défilent dans plusieurs états.

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Manifestation contre l'oléoduc à St Paul, Minnesota, le 13 septembre 2016. Fibonacci Blue. 

À Standing Rock, des arrestations massives de manifestants ont lieu en octobre avant que la police n'utilise des canons à eau – par des températures négatives – fin novembre. Au fil des mois, certains membres de la tribu se lassent cependant de cette mobilisation de grande ampleur.

Reuters, Jason, 2 novembre 2016

La police repousse les manifestants sur le site de Standing Rock le 2 novembre 2016. REUTERS/ Jason

Le 4 décembre, sous l’administration Obama, le Corps des Ingénieurs de l’Armée américaine refuse de donner l’autorisation de construction sous la rivière du Missouri, empêchant ainsi le projet d'arriver à son terme. L’administration Obama recommande par ailleurs d’étudier un tracé alternatif, ce qui permet d'apaiser momentanément les tensions.

L’administration Trump donne finalement son feu vert

Un repos qui sera de courte durée. A contre-courant des positions de la précédente administration, Donald J. Trump, nouvellement investi, s'empresse de signer un décret demandant l'accélération de la construction de cet oléoduc. Deux semaines plus tard, le mardi 7 février, le Corps des Ingénieurs donne son autorisation. L’entreprise va pouvoir terminer de construire l’oléoduc en passant sous le lac en question.

Trevor Brine, CBC

David Archambault II, chef de la tribu Sioux Standing Rock. Trevor Brine, CBC. 

Le chef de Standing Rock, David Archambault II, avait justement rendez-vous à la Maison Blanche ce mardi afin de poursuivre les discussions avec la Maison Blanche. Il a cependant appris à son arrivée à l’aéroport que l'on ne l'avait pas attendu pour prendre une décision. « J’ai l’impression que l’on m’a manqué de respect, » a-t-il confié au Washington Post.  

La promesse d'une bataille judiciaire

La tribu a par la suite fait part de ses intentions d’entamer un combat judiciaire. Elle a déposé une demande dans un tribunal fédéral le 9 février afin de faire cesser la construction. Selon elle, la procédure d’étude de l’impact environnemental de l'oléoduc n’a pas été conduite à son terme.

M. Archambault a demandé aux manifestants de ne pas se rendre à Standing Rock mais de faire connaître leur cause auprès de leurs parlementaires respectifs. Certains sont cependant déjà retournés sur le site où ils ont de nouveau eu à faire à la police. La chambre des représentants du Dakota du Nord a, dans le même temps, voté quatre lois anti-manifestants.

La nouvelle administration se penche déjà sur un autre oléoduc, le Keystone XL, qui devrait s’étendre sur plus de 1900 kilomètres, traverser six états et coûter huit milliards de dollars. Barack Obama avait rejeté le projet en novembre 2015 pour des motifs environnementaux.

Les décrets signés par Donald Trump donnent un nouvel élan au Keystone XL et en disent long sur les positions du nouveau Président sur les problématiques environnementales.

 

Victoria David

Le décret anti-immigration a alarmé le monde entier ce week-end

Le décret anti-immigration signé vendredi 27 janvier par le nouveau Président a fait réagir le pays et les citoyens du monde entier ce weekend. Visant, selon Donald J. Trump, à «maintenir les terroristes radicaux hors des Etats-Unis», la mesure interdit l’accès aux Etats-Unis des ressortissants de sept pays (Yémen, Soudan, Irak, Iran, Syrie, Libye et Somalie) pendant 90 jours – à l’exception de la Syrie pour laquelle la période est indéfinie.

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Manifestants contre le décret anti-immigration de Donald Trump à Washington DC, dimanche 29 janvier. Getty.

Colère et manifestations

Dès l’application du décret vendredi soir, des voyageurs se sont retrouvés bloqués dans les aéroports américains. Sur les réseaux sociaux, les histoires de ces voyageurs pris au piège ont vite été partagées, l’opportunité pour des milliers d’internautes de s’indigner.

Dès samedi, des centaines de manifestants ont rejoint les aéroports pour faire entendre leur colère. Alors que les accusations d’inconstitutionnalité se sont rapidement multipliées, l’ACLU, l’association de défense des libertés civiles, a saisi samedi matin la juge fédérale de New York, Ann Donnelly.

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Manifestants à l'aéroport JFK de New York, samedi 28 janvier. Getty Images.  

La justice comme ultime recours

Cette dernière a jugé que les autorités n’avaient pas le droit d’expulser les individus originaires des pays en question, estimant que cela leur causerait un « tort irréparable ». Cette décision n’est cependant que temporaire – dans l’attente d’un jugement sur le fond du décret – et ne remet pas en cause le décret en lui-même. Néanmoins, elle s’applique à l’ensemble du pays et constitue une première victoire pour les opposants au décret et à la nouvelle administration.

Dans le même temps, nombreuses sont les personnalités, en particulier de la Sillicon Valley, à avoir pris position contre cette nouvelle décision du Président Trump, avec Mark Zuckerberg, président de Facebook, en tête de file. Les pressions internationales ne se sont pas fait attendre. La France a par exemple condamné la mesure et Justin Trudeau, Premier Ministre du Canada, n'a pas hésité à réagir sur Twitter samedi 28 janvier:

« À ceux qui fuient la persécution, la terreur et la guerre, sachez que le Canada vous accueillera indépendamment de votre foi. La diversité fait notre force. »

 

Justin Trudeau twitte en réaction à la mesure prise par le Président Trump, samedi 28 janvier. Compte twitter de Justin Trudeau.

Donald Trump ne tremble pas

Des réactions massives qui n’ont pas fait peur au Président, qui ne recule pas. Donald Trump, accusé de faire le tri entre les religions en visant les musulmans – les réfugiés syriens étant interdits de territoire à l’exception des réfugiés chrétiens –, nie toute discrimination. Selon lui, il s’agit seulement de sécuriser les Etats-Unis en empêchant l’entrée de citoyens de pays considérés comme dangereux. Le nouveau Président a précisé dimanche 29 janvier que le pays, étant « une fière nation d’immigrants, (…) continuera de montrer de la compassion pour ceux qui fuient l’oppression tout en protégeant [ses] propres citoyens et [sa] frontière ».

« Peut-être que l’on doit étendre la mesure »

Le chef de cabinet de la Maison Blanche, Reince Priebus, interviewé le même jour sur CBS, a lui aussi défendu la mesure, en répondant à ceux qui critiquent un choix de pays surprenant.

« Ce n’est pas une interdiction visant les musulmans. Il s’agit seulement d’identifier les sept pays ayant été jugés par le Congrès et l’Administration Obama comme étant ceux dans lesquels le terrorisme dangereux sévit le plus. D’autres pays ont des problèmes similaires, peut-être que l’on doit étendre la mesure. Mais pour l’instant nous nous concentrons sur ces sept pays. »

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Reince Priebus, chef de cabinet de la Maison Blanche, lors de la Conference CPAC, 2014. Gage Skidmore. 

Priebus a cependant ajouté une précision majeure au texte. « Si vous êtes détenteurs d’une carte verte et que vous faites des allers-retours au Yémen, il est normal que l’on vous interroge d’avantage », a-t-il clarifié, sans parler d’expulsion. En d’autres mots, les détenteurs d’une carte verte originaires des pays en question pourraient tout de même entrer aux Etats-Unis.

 

Victoria David