Depuis un mois, le 27 juin exactement, Washington D.C est devenue la première ville américaine à autoriser les cartes d'identité neutres, autrement dit sans marque genrée. Une semaine plus tard, l'État de l'Oregon lui a emboîté le pas. Nic Sakurai, habitant de la capitale, en a été le premier bénéficiaire aux États-Unis. Rencontre.
Une lettre peut changer une vie. C'est l'expérience que vit Nic Sakurai depuis un mois. Sur sa future carte d'identité, la lettre intiale « M » pour masculin, va se transformer en un « X » impersonnel. Une modification simple en apparence, mais synonyme de victoire pour cet Américain de 36 ans. « Je suis vraiment excité à l'idée que le gouvernement me reconnaisse tel que je suis. Mais surtout qu'il prenne en considération l'existence de plusieurs genres », confie ce directeur du bureau Lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) à l'Université du Maryland.
Pour l'instant, seule une feuille de papier délivrée par le Département des véhicules à moteur (DMV) de Washington D.C, atteste officiellement de son identité neutre - cela prend généralement plusieurs semaines avant de recevoir la carte en plastique - mais Nic possède d'autres documents prouvant son ancienne identité d'homme, si besoin.
La dépersonnalisation de tout identifieur genré découle d'une longue réflexion personnelle, dont les racines se forment dès son jeune âge. L'évocation de cette période laisse Nic songeur.
Ni un homme, ni une femme
Adolescent, Nic fréquente un lycée catholique pour garçons dans l'Ohio. Les interrogations quant à sa masculanité prennent de plus en plus d'importance, au point que l'Américain annonce publiquement son homosexualité après son baccalauréat dans les années 90. « J'ai très vite compris que mon rapport au genre était différent mais je n'avais pas les mots appropriés pour en parler. J'utilisais le mot « genderqueer » (terme qui signifie ni masculin ni féminin) pour qualifier ma sexualité et mon genre, car mon identité est la combinaison de ces deux éléments », se souvient le trentenaire, au style vestimentaire soigné.
Nic emprunte par la suite le terme « genre variant », avant de découvrir l'expression « genre non-binaire », adoptée et popularisée par la communauté. « Je ne me suis pas réveillé un jour en me disant : je suis ça, explique ce défenseur des droits LGBT. Lorsque le sujet était abordé dans les conversations, je disais 'je ne suis pas un homme, mais je ne suis pas une femme non plus'. En fait, je sais ce que je ne suis pas ».
Dans la lignée de cette pensée, Nic n'utilise désormais plus les pronoms «il » ou « son » pour parler de sa personne mais « ille » et « san », issus du langage neutre . De la même façon, cet habitant de la capitale américaine a banni le titre « Mr » au profit de « Mixte » représenté par « Mx » sur certains formulaires sur internet. « Parfois, même si les gens doivent choisir, ils ont le choix de ne rien sélectionner. C'est bien mieux que de choisir quelque chose qui n'est pas vrai », déplore Nic.
Le troisième genre intégré au sein des sociétés
Le troisième genre occupe une place importante dans le monde contemporain. Et bien que la société thaïlandaise soit connue pour sa tolérance envers le troisième sexe, elle ne fait pas figure d'exception. En 2011, l'Australie a autorisé l'alternative de la lettre X sur les passeports des personnes transgenres ou transsexuelles, suivie de près par la Nouvelle-Zélande, en 2012, et Malte, l'année suivante.
Au début de l'été, Washington D.C et l'Oregon - et peut-être bientôt la Californie - sont devenus les premières administrations américaines à reconnaître l'existence de plusieurs genres. En s'acquittant de la somme de 20 dollars - frais liés au processus de renouvellement - les habitants peuvent désormais modifier leur carte d'identité sans fournir aucune justification. Nic espère étendre cette modification à tous ses documents officiels : "Ils deviendront enfin authentiques et reflèteront qui je suis vraiment. Pour le moment, mon identité n'est qu'un mensonge".
Yelen BONHOMME-ALLARD