Ce vendredi 18 janvier à Washington, les manifestants « pro-vie » et anti-avortement ont défilé dans les rues de la capitale fédérale américaine. La date est symbolique : elle correspond, à quelques jours près, au jour anniversaire de la décision historique rendue par la Cour suprême sur l’affaire « Roe v. Wade », rendant légal l'avortement dans tout le pays.
Des milliers de personnes ont défilé dans les rues de Washington DC pour exprimer leur désaccord avec le droit à l'avortement. Retour, en photos, sur cette manifestation.
Suprématie de la Cour Suprême
Le 22 janvier 1973, Norma McCorvey remportait son long combat contre l’État du Texas. Après trois ans face aux tribunaux, la Cour suprême déclarait inconstitutionnelle la restriction du droit à l’avortement. Quarante-six ans plus tard, en pleine administration Trump, il est aujourd’hui menacé.
La Cour suprême est composée de neuf juges, nommés à vie, et fait partie des institutions les plus élevées du pays. Elle veille à ce que les lois soient en conformité avec la Constitution. Pour la plupart des décisions, il faut avoir la majorité des votes des juges. Elle fonctionne comme une cour d’appel, c’est-à-dire qu’elle intervient en seconde instance et on ne peut pas faire appel de sa décision.
En 2017, la Cour suprême est devenue à majorité conservatrice avec la nomination de Neil Gorsuch par Donald Trump. Avec la nomination controversée de Brett Kavanaugh l'année suivante, la Cour suprême est passée à cinq juges conservateurs et quatre juges progressistes. Il suffit d’un seul juge pour faire pencher la majorité dans un sens ou dans l’autre. C'était souvent le cas d'Anthony Kennedy, considéré comme le juge “pivot” de la Cour suprême depuis plus d'une décennie, celui qui faisait la décision entre ses quatre collègues progressistes et ses quatre collègues conservateurs.
Le droit à l’avortement peut-il être remis en question ?
Une dizaine d'États a déjà voté des « Trigger laws » (des lois à déclenchement ndlr) interdisant l'avortement. Ces lois sont en l'état inconstitutionnelles, mais le deviendraient à la minute où la Cour suprême annulerait l'arrêt « Roe v. Wade ». Ces régulations compliquent l'accès à l'avortement, puisqu'elles instaurent notamment des délais de réflexion, des échographies et des consultations obligatoires données par des médecins pro-vie, partageant souvent avec leurs patientes des informations inexactes sur les risques encourus.
A l'annonce de la retraite d'Anthony Kennedy, le National Right to Life, l'une des principales organisations dite “pro-life”, a déjà exprimé son espoir de voir Trump “bien” choisir, tandis que Students for Life, un groupe d'étudiants anti-avortement, s'était largement enthousiasmé : “S'il y a eu un moment dans l'histoire pour croire que nous abolirons l'avortement de notre vivant, c'est maintenant”.
Dans des États comme L'Arkansas, le Mississippi ou le Missouri, plus de 95 % des comtés ne compteraient plus aucune clinique pratiquant l'IVG. Si Roe v. Wade devait être déjugé et les États libres d'autoriser ou non l'avortement, 21 pourraient de nouveau le bannir. Depuis 2017, au Texas, les avortements sont exclus des remboursement de l'assurances maladie. En mars 2018, un projet de loi ("House Bill 565"), visant à élargir la notion de "personne" à "tout humain à naître", est déposé à la chambre des représentants de l'Ohio. Celui-ci rendrait l'avortement équivalent de facto à un homicide, et les personnes le pratiquant deviendraient donc passibles de la peine de mort.
Un accès déjà très difficile dans certains États
Il existe des disparités importantes entre les états en terme d’accès aux cliniques pratiquant l’avortement. Dans l'État du Kentucky, une seule clinique propose maintenant cet acte médical. Dans l'Oklahoma, le sénateur républicain Joseph Silk a déposé un projet de loi incluant l’avortement dans la définition de l’homicide criminel, potentiellement répréhensible d’une peine de prison à vie. Ses chances d'aboutir sont incertaines, mais les législateurs ont approuvé un projet de loi qui interdirait l'avortement et imposerait des peines de prison pouvant aller jusqu'à trois ans fermes.
D'autres États sont en danger si la décision "Roe v. Wade" devait être retoquée : l'Iowa, l'Ohio, le Kentucky, le Missouri, la Caroline du Sud, la Louisiane et l'Indiana.