Incendies en Californie : les clichés avant/après le passage des flammes

Depuis dimanche soir, une douzaine d'incendies ravagent les terres viticoles du nord de la Californie. Des milliers d'habitations ont été réduites en cendres, et 25 000 personnes ont été contraintes de fuir le nord-ouest de l'État.

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La quartier de Coffey Park, dans la ville de Santa Rosa est méconnaissable. © The New York Times/Reuters.

Huit comtés américains ont été traversés par les flammes, notamment les régions de Napa et Sonoma, à peine trois fois plus grandes que la ville de Washington DC, comme le souligne CNN. Pour l'heure, le Département des forêts et de la protection des incendies recense 1500 logements et commerces brûlés, mais ce bilan matériel n'est que provisoire et pourrait s'alourdir d'heure en heure.

Depuis dimanche dernier, plus de 50 000 hectares - notamment des parcelles de terres viticoles - sont partis en fumée. La sécheresse de la végétation et du sol favorise la progression des flammes. Les pompiers ont profité des températures plus fraîches et de la baisse des vents ce mardi matin pour se frayer un chemin parmi les brasiers.

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Cette grange construite en 1899 à Santa Rosa n'est plus qu'un amas de cendres. © The New York Times/Kent Porter/The Press Democrat.

À ce jour, 15 personnes ont perdu la vie dans les incendies. Les autorités craignent de retrouver des corps pris au piège dans les maisons. En trois jours, 25 000 habitants ont dû fuir vers l'est et le sud de la Californie. Certains ont tout perdu. Deux hôpitaux de Sonoma County ont également été évacués.

Le gouverneur, Jerry Brown, a déclaré l'état d'urgence pour les régions de Napa et Sonoma, ainsi que cinq autres comtés. Il a aussi demandé au président Donald Trump de déclencher l'état de catastrophe naturelle, afin de débloquer des aides fédérales.

Yelen Bonhomme-Allard

Pourquoi un contrôle des armes à feu est difficilement envisageable aux États-Unis

Columbine, Virginia Tech, Newtown, Orlando, Las Vegas... À chaque nouvelle tuerie de masse, le débat sur le contrôle des armes à feu est relancé aux États-unis, notamment par le camp des Démocrates. Mais le mouvement contestataire se heurte à plusieurs obstacles d'ordre politiques, historiques et culturels. Pourquoi les armes sont-elles mises sur un piédestal ?

Un droit protégé par la Constitution 

La Constitution américaine est, selon ses propres termes, la "loi suprême du pays". Depuis sa mise en vigueur en 1789, cette ordonnance a approuvé 27 amendements. Les 10 premiers sont collectivement connus sous le nom de la "Déclaration des Droits". Et c'est justement vers le Deuxième amendement que tous les regards sont tournés. Celui-ci autorise chaque citoyen américain à détenir et à porter une arme : "Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d'un État libre, le droit qu'a le peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas transgressé".

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Ce droit constitutionnel a été légitimé par la Cour suprême en juin 2008, en "invalidant l'interdiction des armes de poing en vigueur depuis 1976 dans la ville de Washington", comme le rappelle le journal Le Monde. Le Deuxième amendement semble être entouré d'une aura sacrée, si bien que les débats quant au contrôle du port d'armes demeurent, jusque-là, vains.

"Personne n'a jamais demandé l'abrogation du Deuxième amendement qui serait impossible, c'est pourquoi le débat n'a porté que sur l'interprétation du texte, explique Didier Combeau, spécialiste des États-Unis et auteur de l'ouvrage Des Américains et des armes à feu. Même s'il n'existait pas, le gouvernement fédéral ne pourrait pas facilement réglementer la détention et le port d'armes, car c'est une prérogative des États fédérés en raison du Dixième amendement. Il pourrait seulement réglementer le commerce (par exemples, l'interdiction de fabrication ou d'importation, contrôle des antécédents psychiatriques et judiciaires lors d'un achat), ce qui laisserait entier le problème des armes déjà en circulation". 

Un droit défendu par le lobby des armes 

Le droit de porter une arme est défendu par la National Riffle Association (NRA). Cette association pro-armement soutient les fabricants d'armes et promeut le libre commerce de celles-ci. La NRA comptait 5 millions d'adhérents en 2013 et ne cesse de séduire de nouveaux membres à travers le pays. Cet organisme, au comportement extrême, est réfractaire à toute forme de négociation et refuse toute communication avec les médias.

"La NRA a commencé à faire pression sur les mesures de contrôle des armes à feu au début des années 1930. Elle était novatrice pour l'époque, dans sa façon de mobiliser ses adhérents pour inonder de lettres les membres du Congrès", développe l'historienne Pamela Haag, auteure du livre The Gunning of America.

Le lobby pro-armes influence la sphère politique, en soutenant financièrement les campagnes des candidats favorables à ses idées. Cet élément explique donc l'absence de décisions des présidents quant à un éventuel contrôle de la vente d'armes dans le territoire. "Comme à l'école, elle attribue des notes de A à F à tous les candidats en se fondant sur leurs prises de position sur les armes. C'est redoutable car une minorité d'électeurs se décident sur ce seul critère, qui peut faire perdre une élection", met en garde Didier Combeau.

Un culte sacralisé par Hollywood 

Le cinéma hollywoodien influence indéniablement la société. Les exemples de films mettant en scène la violence et les armes ne manquent pas. "Hollywood est la capitale symbolique de la culture des armes à feu en Amérique. À travers d'innombrables émissions de télévision et de films, l'arme a atteint des pouvoirs mythiques en tant qu'agent de justice, de violence, de peur et de rédemption", confirme William Doyle, auteur d'American Gun : A History of the US in Ten Firearms.

Suite à la fusillade de Las Vegas, la plateforme de streaming Netflix et les studios Marvel ont suspendu la campagne de promotion de la série "The Punisher", la jugeant inappropriée. Frank Castle alias The Punisher (le Punisseur en français) incarne l’esprit de vengeance et de justice personnelle. Impitoyable, il préfère tuer ses adversaires plutôt que de les livrer à la justice.

Yelen Bonhomme-Allard

Loterie de la Green Card 2019 : le compte à rebours est lancé

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La "green card", qu'est ce que c'est ?

Chaque année, la loterie de la "green card" (carte verte en français) est attendue par des millions de personnes. Elle offre la possibilité à 50 000 chanceux - résidants à l'étranger ou aux États-Unis sous un visa - de s'installer et de travailler légalement aux États-Unis.

Les droits et les devoirs des porteurs de la carte sont identiques à ceux des citoyens américains, à l'exception du droit de vote et de servir en tant que juré.

Les limites de la carte verte

Cette carte de résidence permanente se diffère de l'obtention de la citoyenneté. Le détenteur de la carte verte doit obéir aux lois américaines et payer ses impôts aux États-Unis, mais n'est pas pour autant considéré comme un citoyen américain. Dans ce cas, il est possible de faire une demande de naturalisation, après avoir été détenteur de la carte verte depuis 5 ans au minimum.

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Conditions d'obtention par la loterie

L'attribution de la carte verte résulte d'un tirage au sort électronique aléatoire. Pour s'inscrire à la loterie, il est impératif d'être natif d'un pays éligible. Pour l’année DV-2019, les candidats nés dans les pays suivants n’ont pas le droit d'y participer (dans la mesure où plus de 50 000 personnes originaires de ces pays ont immigré aux États Unis au cours des 5 dernières années) :

Le Bangladesh, le Brésil, le Canada, la Chine (continentale), la Colombie, la Corée du Sud, le Guatemala, l’Haïti, l’Inde, la Jamaïque, le Mexique, le Nigéria, le Pakistan, le Pérou, les Philippines, la République Dominicaine, le Royaume-Uni (sauf l’Irlande du Nord) et ses territoires d’outre-mer, le Salvador, et le Viêt-Nam.

Pour être admissible à ce tirage au sort, chaque candidat doit avoir le baccalauréat (ou son équivalent), ou justifier de 2 ans d’expérience au cours des 5 dernières années dans un domaine de travail qui nécessite 2 années de formation ou d’expérience professionnelle.

L'inscription à la loterie, entièrement gratuite, a débuté le mardi 3 octobre 2017 et s'achèvera le mardi 7 novembre 2017. Attention, les candidatures enregistrées en 2017 concernent l'attribution des cartes vertes en 2019.

Autres conditions d'obtention 

Outre la participation à la loterie, il existe d'autres possibilités pour obtenir le fameux sésame : être sponsorisé par un employeur, mais seul ce dernier peut être à l'origine de la demande (un processus complexe et coûteux qui nécessite le recours à un avocat), être sponsorisé par un parent ou par sa famille (conjoint(e)), justifier de compétences exceptionnelles bénéfiques au pays, être demandeur d'asile ou encore investir dans une entreprise qui générerait la création d'emplois aux États-Unis.

Yelen Bonhomme-Allard

Las Vegas : 58 morts et 515 blessés, le bilan continue de s'alourdir

Au lendemain de la fusillade à Las Vegas, le bilan provisoire fait état de 58 morts et de 515 blessés. Depuis Orlando, cette attaque est la plus meurtrière de l'histoire récente des États-Unis.

Le déroulement des faits

L'Amérique se réveille sous le choc. Dimanche 1 octobre, aux alentours de 22h00 (heure locale), un homme a ouvert le feu sur la foule, pendant un concert à Las Vegas (Nevada). Quelques 22 000 spectateurs étaient venus assister au festival Route 91 Harvest, près de l'hôtel-casino Mandalay Bay, situé sur l'artère principale de la ville.

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Chacun tente de se mettre à l'abri, sous une pluie de balles. © David Becker / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Au moment des premières détonations, une confusion s'installe parmi le public. Beaucoup de spectateurs pensent qu'il s'agit de pétards. Sur scène, le chanteur Jason Aldean poursuit son concert avant de se mettre à l'abri en compagnie de ses musiciens.

Dans la fosse, c'est la panique. Face au corps qui s'effondrent, les festivaliers se jettent par terre ou se mettent à courir et à crier. Depuis hier soir, le bilan humain provisoire ne cesse de s'alourdir. Les autorités recensent au moins 58 morts et 515 blessés à la mi-journée.

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Policiers et sauveteurs sont venus en aide aux victimes toute la soirée. © Chase Stevens / AP / SIPA

L'identité du tireur 

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On ne connait pas encore les motivations de Stephen Paddock.

La chaîne NBC News, puis les autorités ont dévoilé l'identité du suspect : un certain Stephen Paddock, âgé de 64 ans, habitant de de Mesquite, une ville dans le désert située à 130 kilomètres au nord-ouest de Las Vegas. Il était jusqu'ici inconnu des services de police.

Le sexagénaire se trouvait dans une chambre au 32e étage de l'hôtel-casino Mandalay Bay, à proximité duquel se déroulait le concert en plein air. C'est depuis ce point de vue en hauteur qu'il a tiré sur une foule à découvert. L'assaillant se serait suicidé dans sa chambre avant l'arrivée des policiers. Plusieurs armes automatiques auraient été retrouvées sur les lieux. Le shérif de Las Vegas, Joseph Lombardo, avait déclaré dans un premier temps que les forces de l'ordre avaient abattu le suspect.

L'homme aurait vraisemblablement agit seul au moment de son passage à l'acte, mais les enquêteurs tentent d'établir des connexions avec des complices éventuels. Dans les heures suivant la tuerie, sa compagne Marilou Danley était activement recherchée par la police. Elle a finalement été localisée à l’étranger. "Nous lui avons parlé et nous ne pensons pas qu’elle soit impliquée", confiait le shérif Lombardo. 

Une attaque terroriste ?

Selon le SITE, qui relaie l'organe de propagande de l'Etat Islamique Amaq, Stephen Paddock auteur de la fusillade était un "soldat de l'EI" et s'était converti à l'islam il y a quelques mois, assure l'organisation terroriste. De son côté, le Federal Bureau of Investigation (FBI) réfute toute connexion entre cette attaque et l'Etat Islamique. Aucun élément ne permet pour le moment d'étayer cette revendication.

Yelen Bonhomme-Allard 

Les dessous du manoir Playboy, temple de la dépravation assumée

Hugh Hefner, le fondateur du magazine érotique Playboy, reconnaissable par son logo en forme de lapin, s'est éteint mercredi à l'orée de ses 91 printemps. Il aura vécu 46 ans dans son manoir Playboy, entouré d'un harem de jeunes femmes dénudées, et à la plastique de rêve. 

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Cette propriété de Los Angeles était le refuge de Hugh Hefner et de ses nombreuses "bunnies" blondes, comme il aimait les appeler. De jeunes et jolies créatures, soumises aux caprices sexuels du fondateur de la presse érotique masculine. Ce dernier a acquis le manoir au style gothique en 1971, pour la modique somme de 1,2 millions de dollars. Le domaine construit sur 12 hectares, comprend une maison de 30 pièces dont 22 chambres, une salle de jeu, une piscine façonnée dans la pierre à l'image d'une grotte, un court de tennis, mais surtout un zoo privé où sont hébergés des oiseaux exotiques, des flamants roses et des singes.

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La première couverture de Playboy avec Marilyn Monroe (1953).

En 2016, Playboy Entreprises avait mis en vente la Playboy Mansion au prix de 200 millions de dollars (170 millions d'euros). Ce n'est autre que le voisin, Daren Metropoulos, homme d'affaires et fils d'un milliardaire, qui a racheté la propriété.

Néanmoins, une clause annotée dans le contrat de vente autorisait Hugh Hefner à y habiter jusqu'à sa mort. C'est chose faite. Il sera prochainement enterré aux côtés de Marilyn Monroe dans le cimetière de Westwood Village Memorial Park, à Los Angeles. Seule ombre au tableau : que vont advenir les playmates sans leur mentor ?

Le temple de la dépravation

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Seul ou accompagné, Hefner ne quittait jamais son peignoir en satin rouge.

Le manoir Playboy est le lieu de tous les fantasmes. Pendant pratiquement un demi-siècle, la demeure a accueilli des milliers d'invités aux moeurs légères. Parmi celles-ci, de riches célébrités triées sur le volet, - Pamela Anderson était une habituée - mais également de nombreuses playmates, déguisées en lapines afin de distraire les convives masculins.

Hugh Hefner aimait organiser des soirées toutes aussi érotiques qu'extravagantes. Et forcément les anecdotes ne manquent pas. Comme le rappelle Le Figaro, on raconte qu'Elvis Presley aurait eu une relation sexuelle avec huit "bunnies" simultanément, tandis que John Lennon aurait accidentellement brulé un tableau de Matisse avec une cigarette.

Déclin de l'empire face aux scandales 

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Holly Madison (à droite), est l'ex-copine de Hugh Hefner. © AFP

Même si Hugh Hefner ne pratiquait ses activités libertines qu'entre les murs de la Playboy Mansion, le milliardaire a souvent fait l'objet de scandales. Holly Madison (de son vrai nom Holly Cullen), ancienne petite amie du Patron et ex-playmate, a révélé son calvaire dans les pages de Down the Rabbit Hole, publié en 2015. Dans cet ouvrage autobiographique, elle retrace les humiliations subies pendant 7 ans, de la part de ses rivales mais aussi par le propriétaire des lieux.

Plus récemment, en mai 2016, la mannequin Chloe Goins avait poursuivi Bill Cosby pour agression sexuelle. Invitée à l'une des fêtes de Hefner alors qu'elle était encore mineure à l'époque, la jeune femme avait accusé le père de Playboy de complicité. Une attaque réfutée par ce dernier. Contrairement au côté glamour qu'Hefner revendiquait, les témoignages dressent l'image d'un sanctuaire libertin où le sexe, la drogue et l'alcool étaient banalisés et consommés sans modération.

Yelen Bonhomme-Allard

Main sur le cœur ou genou à terre, que doivent faire les Américains pendant l'hymne national ?

Le week-end dernier, plus d'une centaine de sportifs américains se sont agenouillés durant l'hymne national pour protester contre les propos désobligeants de Donald Trump, à l'égard du quaterback Colin Kaepernick. La vison de ces athlètes, le genou fléchi, tranche avec la posture solennelle, adoptée par tous les citoyens américains lors de la diffusion de l'hymne.

La genèse de l'hymne américain

L'hymne national des États-Unis, nommé "Star Spangled Banner" (La Bannière étoilée en français), a été écrit par Francis Scott Key en 1814. Cet avocat et poète amateur a rédigé ce texte après avoir assisté au bombardement du fort McHenry à Baltimore (Maryland) par des navires britanniques, durant la guerre anglo-américaine de 1812. Le chant, composé de quatre strophes, rend hommage à la résistance héroïque de ceux qui ont défendu le fort et sont parvenus à faire flotter le drapeau américain à son sommet.

La mélodie qui accompagne ce poème était à l'origine destinée à une musique populaire baptisée "To Anacreon in Heaven". Reconnue par la marine américaine en 1889 et par la Maison-Blanche en 1916, la chanson a finalement été adoptée comme hymne national le 3 mars 1931.

"La première diffusion de l'hymne était lors d'un match de baseball en 1862 à Brooklyn, affirme l'écrivain Marc Ferris, auteur de l'ouvrage Star-Spangler Banner : The unlikely story of America's National Authem. Ce n'est sans doute pas sa première utilisation, mais c'est le plus ancien document archivé que nous possédons". 

Une gestuelle institutionnalisée

Lorsque les premières notes de l'hymne raisonnent dans les stades, joueurs, entraineurs et spectateurs se lèvent d'un seul mouvement. Tous placent alors la main droite sur le cœur, le regard tourné vers le drapeau américain, pour entonner les premiers mots. Mais cette gestuelle, propre à l'hymne américain, a évolué au fil du temps.

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Des écoliers américains exécutent le salut Bellamy en septembre 1915.

En 1892, le pasteur Francis J. Bellamy instaura dans les écoles le "salut Bellamy" pour accompagner le Serment d'allégeance envers le drapeau des États-Unis. Durant l'hymne, les enfants levaient le bas au-dessus de la tête, en tendant la main vers l'avant. Mais durant les années 1930, les fascistes italiens, puis Hitler adoptèrent un salut similaire, créant une controverse sur l'usage du salut Bellamy au pays de l'Oncle Sam. Afin d'éviter toute association avec le parti nazi, le président Franklin Roosevelt remplaça ce geste par la main sur le cœur en 1942.

Inscription dans le Code du drapeau 

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Depuis son institution, cette posture patriotique est juridiquement encadrée. Selon l'article 36 du Code des Lois américain, "tout citoyen doit faire face au drapeau et se tenir debout, la main droite posée au niveau du cœur. S'il est vêtu d'un couvre-chef, il doit le placer au-dessus de l'épaule gauche, de sorte que sa main droite soit sur le cœur". Dans l'éventualité où le drapeau ne serait pas déployé, "tous les citoyens doivent faire face à la musique et agir de la même manière qu'ils le feraient en présence du drapeau".

Toutefois, si un individu refuse de se soumettre à cette tradition, il ne sera pas poursuivi pénalement. "Mettre la main sur le coeur fait partie du Code du drapeau des États-Unis, qui est une série de lignes directrices sur l'utilisation correcte du drapeau. Même si ce Code fait partie de la loi fédérale, il n'y a pas de pénalités pour les actions à son encontre" souligne Marc Leepson, historien et auteur de l'ouvrage What so proudly we hailed. Car selon la Cour suprême, une punition serait en contradiction avec le Premier amendement de la Constitution des États-Unis, qui défend le droit à la liberté d'expression.

Le genou à terre, une forme d'irrespect contre l'hymne américain ? 

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Depuis samedi dernier, cette cohésion patriotique est mise à mal dans le pays. Le monde du sport, généralement préservé des opinions politiques, s'oppose à celui de la politique. Pour comprendre, il faut remontrer au 22 septembre. Lors d'un déplacement en Alabama, Donald Trump a pris pour cible le quaterback Colin Kaepernick, sans équipe depuis l'expiration de son contrat. Ce dernier avait posé le genou au sol en 2016 pour protester contre les violences policières envers la communauté noire et les tensions raciales. Un geste symbolique qui avait divisé les États-Unis.

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Les Redskins de Washington défient Trump. © Brad Mills

Au cours de son allocution publique, l'actuel président américain incitait la NFL (championnat de football américain) "à virer" les joueurs qui ne respectent pas l'hymne national, à l'instar de Colin Kaepernick, le qualifiant de "fils de pu**". En réaction à ces propos vulgaires, plus de 150 athlètes de la NFL se sont agenouillés, et se sont tenus par les bras durant l’hymne américain, au cours des quatorze matchs disputés dimanche 23 septembre. Certaines équipes ont même boycotté la minute patriotique en restant dans les vestiaires. Du jamais vu sur les terrains américains, si bien que la question se pose quant au manque de respect, ou non, des joueurs envers l'hymne et les valeurs qu'il défend.

"La principale interrogation est de savoir si c'est un manque de respect ou une question de liberté d'expression, questionne l'écrivain Marc Leepson. Cela peut être les deux. Leur geste se soumet à la condamnation de ceux qui estiment que c'est antipatriotique et irrespectueux dans ce pays. Pour autant, ces joueurs ne mettent pas en danger leur emploi, puisqu'ils évoluent à un niveau professionnel élevé". Un avis partagé par son confrère Marc Ferris : "L'hymne a toujours eu une dimension politique. Les joueurs tirent avantage de la publicité et de leur couverture médiatique pour prendre position dans le silence. C'est une opposition mesurée et pour moi, parfaitement acceptable".

 Yelen Bonhomme-Allard 

La Trump-mania ou quand le président devient une marque

Le luxueux Trump International Hotel a ouvert ses portes en septembre 2016, au coeur de la capitale américaine. L'établissement accueille les clients les plus aisés, mais voit également défiler de nombreux touristes chaque jour. Symbole de la fortune du président, la maison Trump est devenue une attraction des plus tendances à Washington.

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Difficile de le manquer. De hauts murs, une toiture pointue et une imposante tour au centre de l'édifice. De loin, la ressemblance de la bâtisse avec un château est à s'y méprendre. Seules les lettres dorées à l'effigie de l'établissement tranchent avec le charme de l'ancien, et attestent d'un luxe assumé.

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Aux pieds du Trump International Hotel, les touristes sont nombreux à poser fièrement le temps d'une séance photo. L'immeuble est devenu un passage incontournable de la ville, à l'instar des lieux conseillés dans les guides de voyage. Vue de l'extérieur, l'édifice s'apparente davantage à un musée, qu'à un lieu où l'on dort.

Parmi les voyageurs, il y a les timides qui n'osent pas franchir la porte de l'établissement, et les curieux qui au contraire veulent absolument découvrir l'intérieur de chez Trump. Pour Justine (19 ans) et Diane (22 ans), deux soeurs en vacances, l'arrêt au 1100 Pennsylvania Avenue est obligatoire. Leur père, resté en Belgique, est impatient de recueillir leurs impressions. "C'est très beau à l'intérieur, mais en tant que jeunes on n'y séjournerait pas car c'est un peu trop clinquant." admettent-elles.

Des rénovations critiquée

Cheryl et son mari ont interrompu leur balade à vélo pour y jeter un coup d'oeil eux aussi. "On avait des souvenirs du lieu lorsque c'était encore la vieille poste. On voulait se rendre compte à quel point il avait changé depuis les rénovations, explique l'Américaine, originaire du Minnesota. C'est très chic à l'intérieur, il y a des chandeliers en cristal et le bar est spectaculaire". Les prix affichés sur la carte sont tout aussi spectaculaires : 18$ la sangria et 15$ le cocktail. "Est-ce que le tarif en valait peine ? Probablement pas", confie Cheryl dubitative.

La transformation de l'immeuble ne fait pas l'unanimité auprès des vacanciers. En sortant de l'hôtel, un couple originaire de Seattle ne cache pas sa déception. "Je connaissais très bien le lieu avant les travaux. C'était un bâtiment historique utilisé en bureau de poste. Puis plusieurs bureaux et magasins s'y sont installés" se souvient la retraitée. Même si cette dernière reconnaît la beauté contemporaine de l'hôtel, elle n'en démord pas  : "J'aurais préféré qu'il reste dans son état d'origine".

De l'or du sol au plafond 

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À l'approche des grosses berlines noires, un groupe de valets accoure pour escorter des nouveaux arrivants. Au vu du prix de la nuitée, 382$ minimum (320€), les clients de l'hôtel sont manifestement aisés. Ceux-ci accèdent directement au salon, l'écrin central de l'établissement. Une arcade en acier, sorte de vertèbres architecturales, traverse de part et d'autre l'édifice, créant l'illusion d'un squelette soutenant la fondation. Huit lustres en crystal scintillent sous un puit de lumière naturelle, qui traverse le parfond entièrement vitré. 

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Le sol en marbre brun est recouvert par endroit de tapis qui semblent infinis. Le mobilier est soigné, selon des tons bleu roi, bleu nuit et beige. La couleur or est rappelée par petites touches sur les rampes d'escaliers, les pieds des fauteuils ou encore les quelques vases déposés de-ci de-là. Les toilettes non plus n'y ont pas échappé, poussant l'effet tape-à-l'oeil jusqu'à son paroxysme.

Outre l'espace esthétique baptisé Ivanka - à l'image de la fille du président américain - l'hôtel possède un seul magasin : Brioni, une enseigne italienne de prêt-à-porter, uniquement réservée à la gente masculine. À deux pas, le bar exhibe une collection de bouteilles, comparable au rayon d'un supermarché. Plusieurs magnums sont fièrement exposés. Au dessus de cette caverne d'alcool est érigé un gigantesque drapeau américain, mettant en relief l'omniprésence et la puissance du président Donald Trump.

Si le décor est soigné, le service, lui, ne semble pas à la hauteur de l'exigence attendue. Sur les conseils d'un proche, deux amies se sont arrêtées prendre un verre. Une perte de temps et d'argent, selon l'un d'elle, venue de Croatie :  "Nous avons pris un seul verre et c'était horrible. Le service était mauvais et les boissons super chères : 16$ pour une verre de Prosecco ! En plus, ils avaient besoin d'une carte de crédit pour ouvrir un compte, alors qu'on voulait payer en liquide. On leur a dit qu'on était étrangères, donc sans aucun document américain mais ils ont insisté".

De la vieille poste à l'hôtel 

Cette démonstration du luxe est très récente. Le Trump International Hotel était autrefois un bureau de poste, connu sous le nom de Old Post Office Pavillon. Sur ordre du Congrès des États-Unis en 1880, l'architecte Edbrooke débuta la construction de l'édifice en 1892, et ce, durant sept années. "La poste était en activité de 1899 jusque dans les années 1930, avant de déménager, précise Robert Healy, guide au National Park Service (en charge des visites de monuments à Washington) depuis 1999. Plusieurs bureaux fédéraux et magasins s'y sont successivement installés, jusqu'à la rénovation de l'immeuble en l'hôtel".

Soucieuse de préserver le bâtiment, l'Administration des services généraux a décidé en 2013 de le mettre en location pour une durée de soixante ans, contre 3 millions de dollars de loyer annuel. Toutefois, le contrat prévoit qu'aucun "membre du Congrès ou du gouvernement des États-Unis ne peut détenir une participation à ce contrat ou en bénéficier de quelque sorte". Or, les murs sont loués par une société dont l'actuel président américain est l'actionnaire majoritaire, ce qui entraîne un conflit d'intérêts. Contacté à ce sujet, le National Park Service a refusé de répondre à nos questions.

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Qu'adviendra-t-il de l'établissement au terme des soixante prochaines années ? Son avenir est incertain. "Le contrat de location pourrait être prolongé, renouvelé ou mis en compétition avec d'autres sociétés. Je ne peux pas me prononcer sur soixante ans", admet Robert Healy. J'imagine que l'objectif de l'Administration des services généraux est de tout mettre en oeuvre pour préserver ce patrimoine".

Texte de Yelen Bonhomme-Allard, et vidéo par Emmanuelle Rouillon

Ouragan, tempête, typhon : pourquoi leur donne-t-on un prénom ?

Alors que la saison des ouragans bat son plein, deux interrogations surgissent : qui baptise ces dépressions climatiques et pourquoi ? Retour sur une tradition très codifiée, datant de la moitié du XXe siècle.

Tout d'abord, les dépressions climatiques accompagnées de vents d'au moins 118 km/h sont désignées par le terme "ouragan", uniquement si elles se forment dans l'Atlantique-nord et le Pacifique nord-est. Si elles se créent dans le Pacifique nord-ouest, elles prennent alors le nom de "typhon", ou bien "cyclone tropical" dans l'Océan Indien. Concernant le bassin Atlantique nord, les ouragans portent des noms anglais, espagnols ou français en référence aux pays qui bordent l'océan.

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L'intensité des vents est mesuré de 1 à 5 sur l'échelle de Saffir-Simpson. En dessous de 118km/h, les dépressions climatiques sont catégorisées en tant que tempêtes tropicales.

Une tradition du XXe siècle 

Les météorologues ont commencé à baptiser les ouragans en 1953. Avant cette date, ces catastrophes climatiques étaient nommées selon le Saint du jour où elles dévastées un pays. Par exemple, si un ouragan frappait le jour de la Saint Nicolas, il était par conséquent appelé l'ouragan Nicolas. Mais ce processus se heurtait à une limite : dans le cas - bien que très rare - où deux ouragans se formaient le même jour, sur deux années différentes, il était alors difficile de les distinguer.

Des patronymes recyclés tous les 6 ans 

Depuis 1953, l'attribution des prénoms des ouragans est dirigée par l'Organisation météorologique mondiale (OMM). Les appellations sont assignées par ordre alphabétique, suivant une rotation de six listes, chacune composée de 21 prénoms. La première tempête de l'année en cours hérite d'un patronyme commençant par la lettre A, la seconde par un nom en B, et ainsi de suite. Ainsi, en suivant cette logique, la liste de 2017 sera de nouveau utilisée en 2023.

Après Harvey, Irma, Jose et Katia, les prochaines dépressions s'appellent donc Lee et Maria. Née samedi, Lee ne représente aucune menace pour les Antilles. Cependant, Maria classée en catégorie 5, a frappé hier la Dominique et la Martinique - cette deuxième île a été relativement épargnée - avant de s'abattre aujourd'hui sur la Guadeloupe, privant 80 000 foyers d'électricité.

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Liste des noms d’ouragans de 2017 à 2023 dans l’océan Atlantique.

Quelques exceptions

Entre 1954 et 2016, 84 noms ont été bannis de ce tableau. Lorsque la catastrophe naturelle a été particulièrement dévastatrice et/ou meurtrière, l'appellation n'est jamais réemployée afin d'éviter tout traumatisme supplémentaire. C'est notamment le cas de l'ouragan Katrina qui a ravagé la Nouvelle-Orléans (Louisiane) en 2005, tuant 1833 personnes. Harvey et Irma, survenus respectivement au Texas le 25 août et en Floride le 10 septembre, pourraient connaître le même sort.

En revanche, les lettres Q, U, X, Y et Z, trop pauvres en choix d'appellations, ont été exclues du catalogue des propositions.

Rare irrégularité 

Dans l'éventualité d'une saison record qui comptabiliserait plus de 21 tempêtes - un fait exceptionnel - celles-ci seront alors nommées selon l'alphabet grec : Alpha, Bêta, Gamma, Delta etc.

La parité des prénoms...

Pendant 26 années, seuls des prénoms féminins étaient utilisés. Mais en 1979, les mouvements féministes se sont opposés à cette tradition, jugeant néfaste l'association des prénoms féminins à des éléments climatiques souvent meurtriers. Depuis cette date, les prénoms masculins ont donc été introduits, favorisant une alternance genrée des patronymes. Il faut également préciser que les années paires débutent par un prénom masculin, tandis que les années impaires commencent par un prénom féminin. Le 20 avril 2017, la tempête tropicale Arlene a lancé la valse des vents.

... source de préjugés

Selon une étude menée en 2014 par des chercheurs de l'université de l'Illinois, les ouragans portant un prénom féminin seraient plus mortels que ceux portant un prénom masculin. Les scientifiques ont répertorié tous les ouragans qui ont secoué les États-Unis entre 1950 et 2012, soit 94 événements climatiques, en excluant Katrina (1833 morts en 2005) et Audrey (416 morts en 1957). Après avoir additionné le nombre de victimes, ils ont comptabilisé 1473 morts lorsque le cyclone portait un nom féminin, alors que ceux portant un prénom masculin comptent 427 décès.

En conclusion de leur enquête, les chercheurs présument qu'à l'approche d'un ouragan portant le nom d'une femme, les habitants prendraient moins de mesures pour se protéger, le jugeant moins dangereux. Les préjugés homme/femme seraient donc la source d'un taux de mortalité plus ou moins important.

Yelen Bonhomme-Allard

Where is Bryan ? Portrait d’un Dreamer

Bryan Torres Rosa est arrivé aux Etats-Unis à l’âge de 12 ans, en 2006. Originaire du Salvador, il bénéficiait du programme Daca, institué en 2012 par Barack Obama. Cette mesure permettait à quelque 800 000 jeunes immigrés – appelés les Dreamers –, arrivés enfants aux Etats-Unis, d’obtenir un permis de travail. Aujourd’hui, le jeune homme âgé de 23 ans est très en colère contre la décision de Donald Trump d’enterrer cette mesure.

La semaine dernière, Bryan a relayé cette vidéo sur son profil Facebook :

Bryan vit actuellement à Northampton, dans le Massachusetts. C'est en 2006, après avoir voyagé trois semaines avec d'autres immigrants, qu'il arrive aux Etats-Unis pour la première fois, dans le petit village texan d'Eagle Pass. Il s'y installe provisoirement avec son oncle et sa grand-mère, avant de pouvoir rejoindre sa mère et le reste de sa famille, déjà installés dans le Massachusetts.

« Je n’étais pas avec ma famille parce que ma mère a dû aller aux Etats-Unis seule quand j’avais 17 mois, pour ramener de l’argent pour que nous ayons un meilleur avenir », explique Bryan. « Quant à mon frère et ma soeur, ils ont immigrés six ans avant moi. » Quand il arrive à Northampton quelques mois après son arrivée aux Etats-Unis, Bryan fait sa rentrée au collège John Fitzgerald Kennedy, une épreuve pour ce jeune homme qui découvre un nouveau pays. « Je ne parlais pas un mot d’anglais, et c’était très dur de m’habituer à cette culture. Et c’était même difficile de m’habituer à ma famille, parce que je n’avais pas vraiment de souvenir de ma mère, non plus de mon frère et de ma sœur que je n'avais plus vus depuis six ans. »

« Je me sentais comme un Américain, plus comme un alien »  

Après le lycée, le jeune salvadorien se retrouve dos au mur. Il rêve de faire des études supérieures mais comme de nombreux autres jeunes sans-papiers, il ne peut s'inscrire à l'université publique. « À 18 ans, je ne savais pas trop quoi faire de ma vie, parce que je n’avais pas de papiers mais je voulais vraiment aller à l’université », se remémore Bryan. Une seule solution s’offre alors au jeune homme : aller dans une université privée et payer les frais de scolarité –  5000 dollars –, en tant qu’étudiant étranger. « Toutes mes économies y sont passées, raconte-t-il, et en plus c’était très dur, parce que j’enchaînais avec trois petits boulots après les cours. » Il étudie les arts au Holyoke Community College, dont il sort diplômé en 2014.

Entre temps, Barack Obama instaure le programme Daca, qui lui permet d’obtenir son permis de conduire et de faire une demande de bourse pour ses études. « C’était un soulagement, parce qu’en plus d’avoir un permis de travail, je pouvais enfin ne plus vivre avec la peur d’être déporté à n’importe quel moment. Pour la première fois, je me sentais comme un Américain et plus comme un alien. »

Le jeune homme quitte son université d’Holyoke avec une licence en poche, et les félicitations du jury. Une distinction qui lui permet de postuler pour un master dans une université très réputée, Amherst College (Massachusetts), classée troisième meilleure université des Etats-Unis par le magazine Forbes, en 2010. Il y étudie la sociologie et la communication, et part même étudier six mois à la Sorbonne à Paris.

Bryan a passé 6 mois à Paris en 2016. Crédits : Bryan Torres Rosa / Facebook

Bryan a passé 6 mois à Paris en 2016. Crédits : Bryan Torres Rosa / Facebook

« Je continuerai à me battre pour mes droits »

« J’étais drôlement sous le choc quand j’ai appris que le programme Daca allait être arrêté », explique Bryan. C’était le 5 septembre dernier, Donald Trump et le congrès américain déclarent la fin de ce programme. « Nous ne pouvons accepter tous ceux qui aimeraient venir ici. Les Dreamers [les jeunes qui bénéficient du programme] prennent les emplois des Américains » déclarait Jeff Sessions, le ministre de la Justice américain.

« Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement s’acharne contre les étudiants, s’interroge Bryan. Les gens qui comme moi sont arrivés aux Etats-Unis enfants, sont comme des Américains normaux, qui vont à l’école et ne commettent pas de crimes. » Le jeune homme n’a cependant pas peur d’être renvoyé dans son pays. « Je continuerai à me battre pour mes droits, et pour ceux des gens dans mon cas. Et si jamais je dois être expulsé des Etats-Unis, je ferai tout mon possible pour aller en France. » Depuis la fermeture de Daca, les Dreamers comme Bryan ne pourront plus bénéficier d'un numéro de sécurité sociale, qui aux Etats-Unis, est nécessaire pour effectuer tout un tas de démarches administratives (ouvrir un compte en banque, se faire soigner, payer ses impôts, passer son permis de conduire...) « Pour moi, comme pour tous les autres qui sont dans mon cas, notre avenir est incertain. »

Emmanuelle Rouillon 

Aux Etats-Unis, les assassins homophobes américains peuvent plaider la légitime défense "anti gay et trans"

En devenant le 2e Etat à abolir la "gay-panic defence" (après la Californie en 2014), l'Illinois rappelle que dans la majorité des Etats américains, il est encore possible de plaider la légitime défense pour justifier le meurtre d'une personne issue de la communauté LBGT. 

En août 2013, James Dixon, un habitant de Harlem (New York) de 22 ans, fait du charme à Islan Nettles, une jeune femme transgenre de 21 ans. Mais quand les amis du jeune homme se moquent de lui pour avoir flirté avec une transsexuelle, James s’emporte et massacre Islan à coups de poings, la laissant giser, inconsciente, sur le trottoir. Sept jours plus tard, Islan décède à l'hôpital. James se rend à la police et reconnait les faits. Mais une fois appelé à la barre trois ans plus tard, il plaide non coupable. Ses arguments : sa « virilité » était mise en péril par le genre sexuel de sa victime. Il sera donc jugé pour homicide involontaire et écopera d’une peine très indulgente de 12 ans de prison, au lieu des 17 ans demandés par les procureurs de justice.

Dans l’Illinois, la décision d’abolir le « gay-panic defense » a été adoptée à l’unanimité par les deux chambres du Parlement. Un pas de plus pour la protection des droits des personnes LGBT, dans un pays où une personne transgenre ou homosexuelle est tuée tous les six jours, selon la Coalition nationale des programmes anti-violence (NCAVP). Entre janvier et août 2017, 33 meurtres homophobes ont été commis aux Etats-Unis.

Nicolas Gachon, consultant média spécialiste des Etats-Unis et maître de conférences à l'université Montpellier 3, explique ce phénomène.

3 questions à Nicolas Gachon, consultant média, spécialiste des Etats-Unis, maître de conférence à l’université Montpellier 3.

Comment expliquer que le « gay-panic defense » existe encore aux Etats-Unis, notamment dans des Etats développés et cosmopolites, comme Washington ou New York ?

N. G. : Il faut du temps pour que les mœurs évoluent, et pour que cette évolution soit entérinée par le législateur dans un contexte politique donné. Cela ne concerne pas uniquement les Etats-Unis, un pays comme l’Australie est également concerné. Le terme « mainstream » est ici éclairant, car tout ce qui n’est pas « mainstream » est par conséquent déviant, donc menaçant. L’être humain a peur de ce qu’il ne connait pas, peur également de sa propre image, et la marche de la civilisation est généralement chaotique et très lente. Faut-il rapper qu’un amendement visant à garantir l’égalité des droits entre les sexes a été introduit dans les années 1920 et qu’il n’a toujours pas pu être ratifié (Equal Rights Amendment) ? Il s’agissait alors, et s’agit toujours, d’égalité entre hommes et femmes.

Est-ce que l’arrivée de Donald Trump au pouvoir risque d’augmenter les crimes envers les personnes issues de la communauté LGBT ?

N. G. : L’arrivée au pouvoir de Donald Trump ne multiplie pas mécaniquement, directement le nombre de crimes envers la communauté LGBT. Cela étant, les dommages collatéraux liés à la propagation, dès la campagne électorale, d’un discours d’exclusion, à portée tantôt racisante, tantôt misogyne est extrêmement anxiogène et propice à toutes sortes de dérives. Le sort de la communauté LGBT est extrêmement représentatif du malaise existentiel qui gagne nos sociétés, sans que cela ait nécessairement toujours à voir avec des questions d’orientation sexuelle. On sait ainsi, par exemple, que les agressions homophobes au Royaume-Uni ont augmenté de 147% dans les trois mois qui ont suivi le vote sur le Brexit. Aux Etats-Unis, par conséquent, la colère et la frustration contre les élites, ce qu’on a qualifié de "backlash" et de "whitelash" peut trouver une expression soudain décomplexée dans le contexte du discours offensif et souvent offensant du 45e président des Etats-Unis. L’augmentation des crimes envers la communauté LGBT est indissociable de l’augmentation de crimes envers d’autres minorités, au premier rang desquels les Africains Américains.

Comment expliquer que ces crimes soient plus visibles aux Etats-Unis qu’en France ? 

N. G. : Comme toutes les victimes ne portent pas plainte, et que la médiatisation est moindre en France par rapport aux Etats-Unis, il est difficile de comparer. Les contextes historiques sont différents, avec des implications idéologiques très marquées aux Etats-Unis puisque la défense des droits de la communauté homosexuelle s’est inscrite à la fin des années 1960. Il y a là un marqueur idéologique très fort pour le Parti républicain, qui a longtemps parlé de « culture wars ». Cela contribue notamment à expliquer le retard pris dans la lutte contre l’épidémie du sida sous l’administration Reagan. Curieusement, d’un point de vue franco-français, les deux catégories, celle des droits civiques et celle des droits de la communauté LGBT, sont historiquement liées aux Etats-Unis. Les Américains utilisent d’ailleurs le terme « hate crimes » pour qualifier les crimes à l’encontre des minorités, qu’il s’agisse d’ethnicité ou d’orientation sexuelle, ce qui rend certaines statistiques moins directement exploitables. Les violences sont en hausse dans les deux pays, de l’ordre de 25% dans les grandes villes américaines en 2017. Les positions de Trump sur le recrutement de soldats transgenres dans l’armée américaine, ainsi que la bataille lancée sur la question des toilettes pour les personnes transgenres compliquent inutilement la situation. S’agissant de l’armée américaine, le « don’t ask, don’t tell » préconisé en son temps par Bill Clinton était bien plus pacifiant.

Emmanuelle Rouillon