Les cinq anciens présidents américains appellent aux dons pour les sinistrés de Houston

Dans une vidéo publiée le 7 septembre sur YouTube, cinq anciens président des États-Unis se sont unis dans une campagne d'appel aux dons, pour soutenir les victimes de Houston suite au passage de la tempête tropicale Harvey.

Les premières secondes de la vidéo s'ouvrent sur la déclaration de Bill Clinton, 42eme président des États-Unis : "L'ouragan Harvey a entrainé de terribles destructions, mais il a aussi révélé le meilleur de l'humanité". Puis Barack Obama, Jimmy Carter, George W. Bush et George H. W. Bush prennent successivement la parole.

Tous sollicitent la générosité des Américains pour aider le Texas à se reconstruire après le passage de la tempête tropicale Harvey le 25 août dernier et le week-end qui a suivi. Dans sa course, le phénomène métrologique a détruit des milliers de foyers, tué soixante personnes et causé des milliards de dégâts. Harvey avait ensuite soufflé en direction de la Louisiane.

Les dons récoltés par le biais de la plateforme en ligne OneAmericaAppeal permettront également de venir en aide à la Floride, touchée depuis dimanche par l'ouragan Irma classé en catégorie 5. À ce jour, trois millions de foyers sont sans électricité et des millions d'habitants ont été contraints de s'exiler sur les routes du nord. Irma se dirige désormais vers l'État de la Georgie où les vents resteront forts, mais perdront légèrement de leur intensité.

Donald Trump prend part à l'initiative après coup 

Dans un tweet publié sur Twitter le 7 septembre en début de soirée, Donald Trump a emboîté le pas à ses cinq prédécesseurs. "Nous ferons face à N'IMPORTE QUEL défi, peu importe la violence des vents ou la hauteur de l'eau. Je suis fier de me battre avec les présidents en faveur de One American Appeal" a rédigé l'actuel locataire de la Maison-Blanche.

L'absence de Donald Trump au sein de la vidéo a suscité de nombreuses moqueries de la part des internautes, qui saluent toutefois l'action solidaire des anciens présidents américains.

Yelen Bonhomme-Allard 

Ouragan Irma : une famille française craint de perdre son restaurant, l'œuvre d'une vie

Pendant plusieurs jours, la famille Labi, originaire de Marseille, a attendu fébrilement l'arrivée de l'ouragan Irma. Déterminés à faire face au monstre climatique, les Français sont restés près de Miami Beach, censée être directement touchée par la tempête. Elle craint cependant pour la survie de son restaurant, le fruit de plus d'une décennie de travail. Récit.

FullSizeRender

Anaëlle et ses parents vivent en Floride depuis 2007.

Hier, Anaëlle s'est accordée, pour la première fois, un moment de répit en fin d'après-midi. La journée a été longue et stressante. Depuis 7h30 du matin, la Française de 25 ans aide ses parents, Claude et Eva, à servir une poignée de clients matinaux. Une journée banale en apparence au restaurant Café Vert de Surfside, situé à une dizaine de kilomètres de Miami Beach. En apparence seulement.

Le service est constamment perturbé par un concert de sonneries de téléphones. Les autorités de la ville ordonnent aux habitants de quitter la région de Miami, directement visée par l'ouragan Irma, le plus rapidement possible. "La ville nous  répétait que les pompiers ne pourraient pas nous secourir pendant la tempête. Si on restait, c'était à nos risques et périls", raconte Anaëlle dont l'accent chantant du sud de la France est encore distinct.

Organiser l'évacuation au plus vite

IMG_4243

La ville de Surfside est désertée par ses habitants.

Depuis mercredi, la ville se vide des habitants qui tentent de trouver refuge vers le nord de la Floride. Café Vert est l'un des derniers points de restauration encore ouverts dans le secteur. Les locaux engloutissent un dernier repas avant de prendre la route, tandis que les touristes font quelques réserves de nourriture, en attendant de pouvoir embarquer dans les avions dont le départ est souvent retardé, voire annulé.

Il est 14h00 lorsque les propriétaires du restaurant à la façade banche et verte décident de fermer la boutique. "Les gens paniquaient et ne faisaient que parler de l'ouragan. Le stresse montait, c'était trop pour nous" se souvient Anaëlle, l'ainée du couple Labi. Avant de quitter les lieux, la famille charge la voiture de provisions et distribuent aux employés quelques vivres telles que des oeufs, des croissants ou encore des baguettes. Ils font également don de leurs douze bouteilles d'eau, pourtant longtemps recherchées.

Depuis plusieurs jours, les supermarchés sont pris d'assault par les habitants. Les rayons sont dévalisés et non réapprovisionnés, à tel point que certaines denrées de première nécessité sont devenues introuvables à Miami. "Mardi et mercredi, j'avais envoyé mon mari à travers toute la ville en quête d'eau mais impossible de s'en procurer. Finalement on avait fini par en trouver dans une enseigne réservée aux restaurateurs", poursuit Anaëlle.

Système D comme débrouille 

FullSizeRender-3

De la litière pour chat à la place du sable pour freiner les inondations.

En prévention de futures inondations, la jeune femme place plusieurs sacs poubelles devant les portes du bâtiment. À l'intérieur, la litière pour chat remplace le sable généralement utilisé. "Contrairement aux villes voisines, la nôtre ne distribuait pas de sable. Et je ne pouvais pas en obtenir dans une autre agglomération car les autorités vérifient le lieu de résidence sur le permis de conduire."

Comme beaucoup d'habitants, Anaëlle s'est rendue à la plage pour s'approvisionner en sable. Mais les 500 dollars de contravention annoncés par les policiers ont vite freiné son élan. "Comme dernière solution, j'ai donc évoqué l'idée de la litière. Mon père s'est mis à rire en disant qu'on allait attirer tous les chats du quartier", s'esclaffe-t-elle.

"Je préfère être entourée de mes proches"

Café Vert est plongé dans le noir.

Pendant que les voisins barricadent les fenêtres du restaurant avec des planches de bois - achetées avec les propres deniers des restaurateurs - Anaëlle et ses parents regagnent leurs domiciles respectifs, situés à Aventura, à quelques kilomètres au nord sur la côte. À la hâte, la jeune expatriée entrepose dans son salon tous les objets initialement installés sur le balcon et éloigne le mobilier des fenêtres. Elle regroupe aussi ses documents importants tels que son passeport, son certificat de mariage, ou encore ses diplômes universitaires. Sur les conseils de son mari américain, elle avait pris le soin, quelques jours plus tôt, de consigner d'autres papiers dans un coffre fort de la banque.

Le soir même, Anaëlle et son époux rejoignent le reste de sa famille. Ils feront face à la tempête ensemble. "Dans une telle situation, je préfère être entourée de mes proches", confie-t-elle angoissée. Tous redoutent les prochains jours qu'ils devront passer confinés à l'intérieur de l'immeuble. Pour tuer l'ennui, les Labi ont déjà tout prévu : jeux de cartes, Monopoly marseillais, films - tant que l'électricité fonctionne encore - et conversations via Skype avec les deux autres enfants du couple, étudiants à Montréal. Commence alors le début d'une longue incertitude avant l'arrivée des premiers vents. "Maintenant, on attend."

Yelen Bonhomme-Allard 

Ouragan Harvey : quatre histoires insolites pendant l'horreur

Depuis vendredi 25 août, l'État du Texas fait face aux assauts de l'ouragan Harvey, rétrogradé en tempête tropicale. Dans les inondations, trois personnes ont trouvé la mort, mais, selon le gouverneur Greg Abbott, il est encore trop tôt pour dresser un bilan humain officiel. De nombreux quartiers sont encore inaccessibles aux sauveteurs. 

Un prête embarque sur un kayak pour acheter du vin de messe

Dimanche 27 août, David Bergeron, prêtre Canadien Français, est devenu le héros de sa communauté. Interrogé au micro de la chaîne ABC 13 sur son embarcation, le religieux a expliqué qu'il voulait remonter le moral aux habitants en officiant la messe. À bord de son kayak, il s'était donc donné pour mission d'acheter du vin de messe. Malheureusement, une fois amarré à l'épicerie, il a réalisé que la vente d'alcool est interdite le dimanche matin avant midi à Houston. "Je ne suis pas habitué à acheter de l'alcool si tôt le matin" a-t-il raconté au journaliste en riant.

Une maison de retraite évacuée grâce à un tweet

Capture d’écran 2017-08-28 à 16.25.19

© Compte Twitter de Timothy McIntosh

Le cliché a été relayé 4 500 fois sur Twitter. Dimanche 27 août, Timothy McIntosh a publié sur le réseau social une photo à la demande de sa belle-mère, gérante de la maison de retraite Vita Bella, située à Dickinson (Texas). Plusieurs personnes âgées - 18 au total - y apparaissent prisonnières des eaux, immergées jusqu'à la taille, dans l'attente des secours. Au premier plan, l'une des résidentes semble prendre son mal en patience en s'adonnant au tricot.

Suite à la publication de cette image, les internautes ont été sceptiques tant la scène est surréaliste. Interrogé par le Daily News, David Popoff, coordinateur des urgences de la ville, a cependant confirmé la prise en charge de tous les retraités : "Nous avons évacué des grands-mères et des grands-pères". Le lendemain, Timothy McIntosh a de nouveau publié un message indiquant que les pensionnaires, ainsi que les chats de l'établissement, étaient tous sains et saufs. Il a également tenu à remercier les internautes pour le partage de l'information.

Un homme pêche à domicile, dans son salon inondé 

Comme des milliers d'habitations, la maison de cette famille texane n'a pas été épargnée par la tempête tropicale. Mais au lieu de s'apitoyer sur son sort, cette famille a fait de ce tragique événement un moment de rigolade. Viviana Saldaña a publié sur Facebook, dimanche, une vidéo de son père en train de pêcher à mains nues dans le salon. Après quelques plongeons ratés, l'homme est parvenu à attraper sa proie sous les exclamations hilares de sa famille. 

Un journaliste reçoit des bières à l'antenne

Vendredi 25 août, Casey Stegall, reporter de la chaîne de télévision FOX News est apparu en direct le visage fouetté par les trombes d'eau. Devant la caméra et les téléspectateurs, il a lutté de longues minutes face à des conditions météorologiques particulièrement violentes. Quand soudain, le journaliste s'est fait interrompre par une habitante du Texas - elle aussi trempée jusqu'aux os - venue lui offrir des canettes de bière.

Une attention manifestement très apprécié par le professionnel : "Ce sera très sympa après ce direct sur la tempête" a-t-il déclaré en prenant dans ses bras sa bienfaitrice. Quelques heures plus tard, Casey Stegall a tenu personnellement à remercier le geste de cette femme sur son compte Twitter. "Voilà ce que j'appelle un CHOUETTE photobomb ! Elle a été vraiment adorable et m'a pris dans ses bras…Un moment de légèreté dans un reportage sur un sujet grave".

Yelen Bonhomme-Allard

"Les extrémistes ont promis qu'ils reviendraient. Ils le feront j'en suis sûr"

vincent-michelot-4

© Photo : Laurent Cerino / ADE 

Vincent Michelot est spécialiste des institutions américaines et ancien directeur de l'Institut d'études politiques de Lyon. Il partage son temps entre l'université de Virginie à Charlottesville et la France, où il enseigne la politique et les relations France/États-Unis. Il nous donne son ressenti à la suite des récentes manifestations qui ont opposé des suprémacistes blancs à des protestants antiracistes à Charlottesville.

Au moment des manifestations à Charlottesville, vous étiez en France. Avez-vous été surpris par la tournure des événements ?

M. V. : Ce n'est pas la première fois que le campus connaît des mouvements d'opposition, mais d'ordinaire ils sont beaucoup plus pacifiques. Le niveau de violence démontré le 12 aout dernier est sans précédent.

La venue de Tom Garrett (représentant républicain de la 5ème circonscription de Virginie), le 31 mars dernier, avait entraîné une grande mobilisation de la part des étudiants. Des membres de Black Lives Matter et autres organisations antiracistes ou progressistes du campus avaient fait irruption pendant le discours du politique, en déployant une banderole sur laquelle on pouvait lire : "No Dialogue With White Supremacy" ("Pas de dialogue avec la suprématie blanche" en français). Face à eux, il y avait des miliciens habillés en treillis militaire et munis d'armes de poing. C'était frappant une telle démonstration sur un campus universitaire.

IMG_2403

Des étudiants antiracistes interrompent le discours de Tom Garrett. © Photo : Vincent Michelot

La dernière manifestation de Charlottesville m'a laissé une forme de blessure profonde et un traumatisme. J'ai des valeurs qui sont à l'opposé de cette haine mise en scène les 12 et 13 août derniers. Tout ceci est une forme d'insulte à tout ce que je pense être essentiel à la démocratie américaine. Lorsque que l'on voit apparaître les prémices de l'Allemagne nazie dans un lieu qui nous est cher, on se sent sali. Cela a fait naître un désir de mobilisation pour protéger ce lieu auquel je suis humainement très attaché.

Le choix de Charlottesville comme point de rassemblement des idées extrémistes n'est donc pas surprenant ?

M. V. : Charlottesville n'a pas été choisie au hasard. Plusieurs leaders d'extrême droite tels que Richard Spencer et Jason Kessler ont été diplômés de la faculté de Virginie. Cet État incarne la contradiction de ce sud qui change à vitesse croissante. Jusque dans les années 60, cette université était seulement réservée aux étudiants blancs et masculins. C'était le bastion des élites. Peu à peu, l'État est devenu plus progressiste et donc par conséquent moins conservateur.

Le changement de nom du jardin public Emancipation park, anciennement baptisé Lee Park, et plus récemment le déboulonnement de la statue de Robert E Lee étaient des occasions parfaites pour les groupuscules racistes d'attirer l'attention. En organisant la manifestation à Charlottesville, ils savaient qu'ils auraient de nombreux opposants et que les médias seraient présents. Ils cherchaient l'affrontement. Ils l'ont eu.

L'intervention de la police a renforcé le discours des groupes d'extrême droite selon lequel leur liberté d'expression a été atteinte. Celle-ci est protégée par le premier amendement de la Constitution américaine mise en place en 1789. Thomas Jefferson, troisième président des États-Unis, est l'auteur de la Déclaration d'indépendance des États-Unis en 1776, mais également le fondateur de l'université de Virginie en 1819. Manifester sur le campus de la liberté d'expression a donc une dimension hautement symbolique. Malmenés, les extrémistes ont promis qu'ils reviendraient. Ils le feront j'en suis sûr.

Quelle est la différence entre les conceptions françaises et américaines de la liberté d'expression au sein de l'espace public ? 

M. V. : Au États-Unis, il existe depuis sa ratification en 1791, un débat passionnant sur la signification du Premier amendement et le type de discours qu'il protège. De manière très simple, il faut faire la distinction entre discours et incitation à la haine ou à la violence. On peut dire ouvertement son mépris pour tel groupe de personnes, telle religion ou culture, mais l'appel au meurtre ou à la violence n'est évidemment pas protégé. Tout n'est donc pas permis, mais il y a une plus grande tolérance qu'en France. Aux États-Unis, nos lois mémorielles, antinégationnistes seraient frappées d'inconstitutionnalité car elles seraient contraires au Premier amendement.

La police française dispose d'une marge de manoeuvre beaucoup plus forte pour interdire ce genre de manifestations (comme celles de Charlottesville, ndlr) et réprimer des actes violents. Dans l'état actuel du droit français, on n'entendra jamais des manifestants d'extrême droite scander ouvertement des slogans antisémites ou racistes.

Comment imaginez-vous l'avenir sur le campus après le passage des suprémacistes ?

M. V. : À l'université de Virginie, on a longtemps eu le sentiment de vivre dans une espèce de bulle protégée des agressions les plus violentes de la société, ce qui était normal dans une communauté universitaire très fortement éduquée. Les 12-13 août représentent donc l'irruption dans cette communauté de tout ce qu'elle abhorre et combat.

Paradoxalement, les événements sont plutôt rassembleurs pour la communauté. Avant les 12-13 août, celle-ci était divisée sur le fait de savoir si la manifestation aurait dû être interdite, si la municipalité avait fait assez pour l'empêcher ou en limiter le danger. Aujourd'hui ces débats continuent avec plus d'acuité entre tenants de l'absolutisme du Premier Amendement et ceux qui estiment que la protection de la liberté d'expression ne s’applique pas aux groupes violents.

Les heurts ont sans aucun doute provoqué ou accentué une prise de conscience sur plusieurs questions politiques. Depuis l'élection de Donald Trump, le campus est devenu en partie un lieu de résistance où la nécessité de transmettre les valeurs démocratiques ou de les inculquer s'avère être vitale et urgente. On le voit en particulier dans la protection des minorités (raciales, religieuses, sexuelles, nationales...) qui semblent particulièrement menacées.

Yelen Bonhomme-Allard

En 1991, Vincent Michelot a obtenu la bourse Fulbright lui permettant de réaliser sa thèse sur les nominations à la Cour suprême des États-Unis, et ce, sur le campus de l'université de Virginie à Charlottesville.

Le nombre de mouvements d’extrême droite a doublé en 17 ans

Selon l'association Southern Poverty Law Center (SPLC), chargée de recenser et d'analyser l'évolution des groupes extrémistes aux États-Unis, ceux-ci connaitraient un regain important depuis le début du XXIe siècle. Tous défendent un but commun : imposer la suprématie de la "race blanche" dans le pays.

Augmentation des groupes haineux entre 1999 et 2016 

917 : c'est le nombre de groupes extrémistes répertoriés à travers les États-Unis en 2016, contre 457 en 1999. Leur effectif a donc été multiplié par deux en 17 ans. Comme en témoigne la carte intéractive réalisée par SPLC, ces mouvements racistes sont davantage concentrés sur les côtes littorales du territoire.

Capture d’écran 2017-08-15 à 15.47.43

Voici le classement des cinq États américains qui concentrent le plus d'extrémistes :

  1. 79 groupes en Californie
  2. 63 groupes en Floride
  3. 55 groupes au Texas
  4. 47 groupes à New-York (État)
  5. 42 groupes en Virginie

Cependant, bien que le nombre de ces organisations ait doublé en 17 ans, il a atteint son maximum en 2011 avec 1018 réseaux identitaires. "L'augmentation s'est accélérée en 2009, année où le président Barack Obama a pris ses fonctions. Puis elle a diminué en partie car un grand nombre d'extrémistes utilisaient internet pour partager leurs idées et s'éloignaient donc des activités sur le terrain", explique sur son site l'association SPLC.

ir_162_hate_groups_line_graph

L'arrivée au pouvoir de Donald Trump aurait alors permis à ces mouvements de trouver un ambassadeur qui  incarnerait l'idéologie suprémaciste.

Les divers groupes extrémistes rassemblés par catégories

IMG_5361

L'association SPLC a également réparti les 917 groupes extrémistes recensés sur le territoire, selon leur appartenance idéologique. Dix catégories ont pu être identifiées, dont voici le classement des cinq entités les plus importantes :

  1. Les Séparatistes Noirs (193 groupes)
  2. Le Ku Klux Klan (130 groupes)
  3. Les Anti-Musulmans (101 groupes)
  4. Les Nationalistes Blancs (100 groupes)
  5. Les Néo-nazistes (99 groupes)

Les corporations incluant les Néo-confédérés, les anti-LGBT (Lesbiennes, gays, bisexuels et trans) et les racistes "skinhead" seraient les moins influentes, toujours selon l'étude menée par Southern Poverty Law Center.

Yelen Bonhomme-Allard 

Le retrait d'une statue controversée libère la parole suprémaciste

Depuis le début de l'été, Charlottesville dans l'État de Virginie est devenue le lieu de rassemblement des mouvements d'extrême-droite les plus radicaux. Ces derniers s'opposent au déboulonnement de la statue de Robert E. Lee située dans l'un des parcs de la ville. Pourquoi ce personnage historique, mort depuis 147 ans, fait-il encore tant polémique 

Depuis 1924, la statue équestre de Robert Edward Lee domine Emancipation Park, anciennement Lee Park, l'un des jardins publics de Charlottesville. Le général est représenté digne sur son cheval, avec un chapeau à la main et une barbe généreuse qui lui donne un air impérieux.

6207998629_e5206c9872_z

Ce militaire (1807-1870) a dirigé les troupes confédérées des États esclavagistes durant la Guerre de Sécession de 1861 à 1865. Cette guerre civile a opposé les États-Unis d'Amérique "l'Union" (au nord), menés par Abraham Lincoln, aux États confédérés d'Amérique, "la Confédération" (au sud), dirigés par Jefferson Davis. Le pays était alors divisé en deux : les défenseurs des droits des Noirs au nord, face aux partisans de l'esclavagisme au sud. 

Lorsque les États esclavagistes sudistes ont déclaré la guerre en 1861, le général Lee est resté fidèle au président Abraham Lincoln. Mais à partir du moment où son État d’origine, la Virginie, a quitté l’Union, il a décidé de rejoindre à son tour les États confédérés.

Une icône historique controversée 

Robert Lee a longtemps été présenté comme un héros de guerre et un fervent opposant de l'esclavagisme. Selon The Atlantic, le général aurait écrit une lettre à son épouse en 1856 dans laquelle il confiait : "L'esclavage est un mal moral et politique". Mais cette version tronquée, souvent reprise par ses admirateurs, ne dévoile pas la fin du message.

La suite de cette missive explique au contraire les bienfaits de l'asservissement. "Les Noirs sont définitivement mieux ici [États-Unis] qu'en Afrique, moralement, socialement et physiquement, décrivait le militaire à sa femme. L'éprouvante discipline qu'on leur apprend est nécessaire pour leur éducation et leur race (...)". Robert Lee possédait d'ailleurs plusieurs domestiques sur sa propriété. 

Un modèle de la suprématie blanche 

En protestant contre le retrait de la statue à Charlottesville, l'extrême-droite tente de certifier la supériorité du peuple blanc, et exprime sa nostalgie quant au passé esclavagiste du pays. Cette reconnaissance de l'Histoire est d'ailleurs partagée à l'échelle nationale, dans la mesure où plusieurs établissements scolaires et places publiques portent le nom de Robert Lee. À la fin de la Guerre de Sécession et jusqu'à sa mort (de 1865 à 1870), l'ancien militaire a été le directeur de la Washington and Lee University, le campus artistique de Lexington en Virginie.

lead_960

La Nouvelle-Orléans a, quand à elle, décidé de prôner la tolérance ethnique et de tourner le dos à son héritage raciste. Le 19 mai 2015, quatre statues à l'effigie de personnalités controversées, dont celle de Robert Lee, ont été déboulonnées. Durant la manœuvre, les applaudissements approbateurs s'étaient alors heurtés aux marques hostiles des opposants.

Cette décision avait été prise après l'assassinat de neuf personnes noires dans une église de Caroline du Sud, à Charleston. L'auteur de cette tuerie, Dylann Roof, un jeune blanc de 21 ans, voulait déclencher "une guerre raciale". Il a été condamné à mort en janvier 2017.

Vers une montée du nationalisme blanc ?

Les manifestations des groupes radicaux reflètent le désir d'un retour vers cet héritage patriotique. Cette volonté s'est notamment affirmée à travers l'élection du président américain Donald Trump. "Il ne fait aucun doute que l'élection de 2016 a servi à bien des égards à une reconnaissance publique du nationalisme blanc américain marginalisé depuis les années 1960. Les défenseurs de la suprématie blanche ont toujours été présents aux États-Unis. Mais le sentiment est qu'ils ont maintenant une légitimité en tant que défenseurs de l'État américain blanc", explique David Billings auteur de l'ouvrage Deep Denial, The Persistence of White Supremacy in United States History and Life.

Yelen Bonhomme-Allard 

De la ségrégation raciale à la mixité démographique, dans les rues de Washington D.C

Depuis les années 50, certains quartiers de Washington D.C subissent une transformation urbaine et démographique. La rue U, située dans le nord-ouest de la capitale, en est un exemple. 

Dans les années 1950, la ségrégation sévissait dans le pays, séparant les communautés blanche et noire. La capitale américaine était organisée de sorte que les Noirs habitaient en banlieue, notamment dans le nord-est de Washington D.C. U street était l'un des quartiers emblématiques de la communauté afro-américaine. Aujourd'hui, cette rue connaît une hétérogénéité démographique.

Un quartier mondain pour la communauté noire  

La famille Lee en est un des visages. Depuis 1945, quatre générations se sont succédées dans l'unique boutique de fleurs de la rue. Elle a connu les grands moments de l'Histoire pour l'égalité des droits des personnes noires, depuis la fin de la ségrégation en 1964 à l'élection du premier président noir des États-Unis en 2009, en passant par l'assassinat de Martin Luther King, le 4 avril 1968.

20747112_10214163388738929_1688282717_o

De gauche à droite : Kristie Lee, Chase Tyler, le neveu, et Stacie Lee Banks. Les deux soeurs sont les propriétaires du Lee's FlowerShop depuis 2012

"U street était une frontière. Les personnes noires n'avaient pas le droit de se rendre en centre-ville, habité par les Blancs, raconte Stacie Lee, 54 ans, petite-fille du premier propriétaire de la boutique 'Flower Shop'. Dans les années 1950, il y avait une sorte d'effervescence qui animait le quartier, où la classe moyenne fréquentait les restaurants, les clubs de jazz et les trois cinémas du quartier." U street était alors surnommé le Black Broadway.

En 1945, ses grands-parents, William P. Lee et Winnifred Lee, achètent le bâtiment où ils y établissent leur boutique de fleurs. Leur affaire prospère jusqu'en avril 1968, date de l'assassinat de Martin Luther King. Durant trois nuits, plusieurs magasins sont brûlés suite aux affrontements entre des policiers blancs et les activistes des droits des Noirs. "On a dû mettre un panneau sur la porte pour dire que c'était un magasin tenu par des Noirs...", se souvient Stacie, alors âgée de 5 ans. Après cet épisode, les activités commerciales de la rue ont été abandonnées sous les cendres.

1968, l'année du basculement 

À partir de cette date, les classes moyennes et riches s'exilent, laissant le quartier entre les mains des vendeurs de drogue et des prostituées. Jusqu'à la fin des années 1980, la violence règne sur le quartier, faisant de Washington D.C l'une des villes les plus dangereuses du pays.

Seuls trois établissements ont survécu au déclin : l'Industrial Bank, la banque de la communauté noire, installée en 1938, le Lee's FlowerShop et le Ben's Chili Bowl crée en 1958. Ce célèbre restaurant de hot-dogs, reconnaissable à sa devanture jaune, est un lieu prisé par les personnalités de la communauté afro-américaine. De Martin Luther King à Barack Obama en passant par Usher, ils ont tous goûté au fameux hot-dog à la sauce piquante.

Extérieur du Ben's Chili Bowl sur U street

Extérieur du Ben's Chili Bowl sur U street

Virginia Ali est propriétaire du restaurant avec son mari (décédé en 2009) depuis sa création en 1958. Aujourd'hui âgée de 83 ans, elle raconte avec précision la fin de la ségrégation et le début de l'intégration des Noirs dans la société américaine. Un souvenir en particulier lui revient en mémoire : "Pendant les trois jours d'altercations entre les autorités et le peuple noir, nous étions le seul restaurant à rester ouvert jusqu'à 3 heures du matin, malgré le couvre-feu imposé (de 21h à 7h du matin). À l'époque, nous étions déjà très populaires."

20751144_1365802510206383_1086189608_n

A droite, Virginia Ali, propriétaire du Ben's Chili Bowl depuis 1958

La période des années 1968 à 1988 ont été particulièrement difficiles pour le restaurant. La population du quartier ayant changée, les clients respectables ont laissé place aux délinquants. "Après la mort de Martin Luther King, le quartier est devenu un ghetto, un couloir pour la drogue. C'était très effrayant", décrit-elle.

L'arrivée du métro, un nouveau souffle pour le quartier

Stacie est formelle, ce qui a sauvé le voisinage c'est l'arrivée du transport en commun souterrain : "Avec l'installation du métro, les prix immobiliers se sont envolés, de nouvelles personnes issues de diverses communautés culturelles sont arrivées." Une information confirmée par Virginia : "En 1958, on ne voyait pas d'étrangers ici." Les nouveaux habitants ont permis une re-dynamisation des rues autour du U street en lançant de nouveaux commerces.

20773378_10214163388698928_118582429_o

Julian Everett, coiffeur-barbier pour hommes de la rue U street

Quelques mètres plus loin sur le même trottoir, Julian Everett est l'un de ces nouveaux visages. Il a ouvert son commerce en tant que coiffeur-barbier pour hommes, il y a un an. Lui-même remarque un changement démographique, encore perceptible aujourd'hui. "De plus de plus de personnes aisées, de tous horizons, investissent dans le quartier, ce qui est bon pour mon business. Je voulais, moi aussi, faire partie de cette nouvelle croissance économique."

Yelen Bonhomme-Allard & Aliénor Vinçotte

 

Les recherches sur le suicide en plein boom depuis la sortie de "13 Reasons Why"

La série très controversée 13 Reasons Why aurait entraîné une augmentation des recherches sur le suicide sur Google depuis sa diffusion sur Netflix. 

"Comment mettre fin à ses jours ?" Depuis la sortie de la série télévisée 13 Reasons Why (13 Raisons Pourquoi en français) sur Netflix, - dont l'héroïne raconte, à travers des cassettes audio, comment et pour quels motifs elle s'est donnée la mort - les recherches sur les manières de s'enlever la vie ont augmenté de 26% sur Google.

Une étude publiée le lundi 31 juillet, dans le Journal of the American Medical Association, Internal Medicine dévoile un constat alarmant : durant les 19 jours qui ont suivi la diffusion de la série, les recherches sur le net incluant les mots clés "se suicider" ont augmenté de 19%, soit 900 000 à 1,5 million d'intérêts de plus que d'ordinaire. Si l'expression "Comment mettre fin à ses jours" a connu une hausse de 9%, la formule "Comment se suicider" bat tous les records avec un bond de 26%.

Capture d’écran 2017-08-01 à 17.16.29

Estimations des renseignements sur le suicide entre le 31 mars et 18 avril 2017.

Dans la présentation de son étude, l'équipe de chercheurs explique n'avoir conservé que les données engendrées entre le 31 mars, premier jour de diffusion, et le 18 avril : "La date de fin a été choisie dans le but de précéder le suicide du joueur de football américain Aaron Hernandez le 19 avril 2017, de sorte que nos estimations ne soient pas erronées".

Quand la réalité rattrape la fiction 

Dès sa sortie, la série avait rencontré un énorme succès auprès des moins de 18 ans. Ses détracteurs l'avaient accusé de glorifier et de banaliser le suicide à l'égard des adolescents. Toutefois, les chercheurs n'ont pas pu confirmer si ces derniers étaient à l'origine de l'augmentation des recherches sur internet, ni de démontrer une hausse des suicides depuis la diffusion des épisodes. Les supporters de la série soutenaient quant à eux qu'elle aurait mis la lumière sur l'intimidation et le harcèlement sexuel, fléaux au sein des établissements scolaires.

Des incidents ont cependant laissé croire que 13 Reasons Why aurait eu une influence négative sur certains jeunes. En juin dernier, Franco Alonso Lazo Medrano, un Péruvien de 23 ans, s'était défenestré depuis le quatrième étage de son immeuble. Un chagrin d'amour avait motivé le jeune homme à mettre fin à ses jours. La police avait alors découvert deux lettres dans son  appartement, l'une adressée à une certaine Claudia dont il était amoureux ; l'autre contenait des instructions et des noms de personnes pour lesquelles des cassettes audio avaient été préalablement enregistrées.

Yelen BONHOMME-ALLARD


À la recherche des perles bleues, trésor colonial de Saint-Eustache

Cette semaine, nous vous emmenons au coeur des Caraïbes, sur l'île volcanique de Saint-Eustache, petit territoire néerlandais. Très peu connue des touristes, l'île cache en ses eaux claires de petites perles bleues, symbole de la liberté retrouvée après l'abolition de l'esclavage. 

Saint-Eustache est une île des Caraïbes, territoire néerlandais d'outre-mer, qui fait partie des petites Antilles. Elle est située au sud de Saint-Martin et au nord-ouest de la Guadeloupe. Ce petit bout de terre, aperçu par Christophe Colomb en 1493, a changé 22 fois de puissance coloniale au cours des 150 années qui ont suivi.

map_caraibe

Depuis 1784, Saint-Eustache appartient aux Pays-Bas. Le néerlandais et l'anglais y sont reconnus comme langues officielles. Selon un recensement effectué en 2010, 2 886 habitants peuplaient l'îlot volcanique contre 3 300 en 2007. La majorité de la population est composée de descendants d'esclaves noirs africains.

Contrairement aux Antilles françaises, le tourisme est très peu développé à Saint-Eustache. Le lieu est surtout connu des plongeurs en quête des légendaires perles bleues, dispersées dans les profondeurs des eaux turquoises.

Au XVIIIe siècle, et ce durant 200 ans, ces petites billes bleues à cinq facettes ont servi de monnaie d'échange entre les esclaves. Plus un esclave était important, plus il en possédait. Après l'abolition de l'esclavage, prononcée au XIXe siècle, les domestiques - achetés pour la majorité en Afrique - ont jeté ces pierres à la mer en guise de symbole de leur libération.

Aujourd'hui, les perles se font rares car le gouvernement néerlandais autorise ceux qui en trouvent à les garder. Mais l'espoir de mettre un jour la main dessus séduit encore les amateurs de plongée.

Reportage de Jacques Cardoze, Régis Massini et Andréane Williams

"Ma transsexualité n'a pas déterminé mon choix de carrière"

Darla Lannert, transsexuelle de 64 ans, a porté son ancien prénom d'homme durant 49 années, dont 3 pendant son service dans la marine américaine. Depuis l'annonce de Donald Trump, mercredi, interdisant l'accès aux personnes transgenres dans l'armée, l'ancienne militaire du Wisconsin ne décolère pas. 

IMG_5146

Lors de son entrée dans la marine en 1970, Darla portait encore son nom de garçon, Rick.

Comment avez-vous reçu l'annonce de Donald Trump ? 

J'étais sous le choc car cette déclaration n'est rien de plus qu'un acte discriminatoire contre une population déjà marginalisée.

Etre transgenre n'a aucun rapport avec notre travail. Si je me suis engagée dans la marine, c'était par amour pour mon pays. Je voulais me rendre utile en le protégeant. Ma transsexualité n'a pas déterminé mon choix de carrière.

Publier ce dossier sur Twitter était-il un acte approprié ?

Outre l'annonce elle-même, c'est la façon dont le président l'a communiquée qui me scandalise le plus. Trois tweets sur internet... j'ai l'impression de voir mon petit-fils de 8 ans derrière son ordinateur en train d'écrire des sottises, sans même penser aux conséquences de ses actes. Le comportement insensé de Donald Trump donne l'impression qu'il s'est réveillé un matin en se disant : "Je vais twitter quelque chose de stupide et on verra bien les réactions que cela va susciter". C'est le président des Etats-Unis tout de même ! Son attitude est vraiment irrespectueuse envers le peuple américain et, en particulier, la communauté transsexuelle.

Capture d’écran 2017-07-28 à 10.44.48

En 2002, Darla a jeté ses affaires d'homme et assumé au grand jour son identité de femme.

Le principal motif évoqué par Donald Trump est le coût financier, cela vous semble justifié ? 

Mon dieu, non ! Officiellement, il y aurait actuellement environ 15 000 personnes transgenres en service dans l'armée. Le coût de leurs traitements hormonaux s'élève à 8 millions de dollars par an. Cette somme ne représente qu'un faible pourcentage du budget de l'armée.

Chacun vit différemment sa transition. La plupart des transgenres n'ont pas recours au changement de sexe, possible grâce à une opération chirurgicale. Il faut compter entre 25 000 et 30 000 dollars (21 000 à 25 000 euros) sans prise en charge de la part des assurances. Un tel montant freine forcément les petits porte-monnaie.

La Marine est un monde réputé viril, comment y avez-vous vécu votre transsexualité ? 

J'ai servi mon pays dans le silence et le secret. Je me suis engagée à 17 ans, en janvier 1970, pendant trois ans dont 20 mois au Vietnam. Je n'ai jamais parlé de ma transsexualité à qui que ce soit jusqu'en 2002. J'avais peur pour ma vie, d'être tuée, mais également d'être exclue de la Marine sans ménagement. J'ai aussi été victime de maltraitance et d'abus sexuels en exercice.

De mon temps, le sujet était tabou et méconnu. Je n'avais pas les mots pour décrire ce que je ressentais. J'avais ce sentiment d'être la seule personne dans ce cas et que personne ne pouvait me comprendre. J'ai peut-être rencontré des personnes transgenres pendant mon service. Je ne sais pas. Elles ont gardé le silence, comme moi.

Yelen BONHOMME-ALLARD