Le moment est historique. Le grand favori des primaires du parti républicain explique lors d'un débat diffusé dans tout le pays que non seulement il n'a pas des petites mains, mais qu'en plus, son sexe est tout à fait conséquent, je vous le garanti.
Son rival le plus plausible pour la nomination est un sénateur du Texas ultraconservateur, l'homme le plus détesté du Sénat, dont le programme d'extrême-droite tient de l'irresponsabilité fiscale, sociale et internationale. Il a néanmoins reçu le soutien de plusieurs hauts cadres du parti. Tout sauf l'autre! #NeverTrump
Devant son écran, l'un des principaux conseillers du gouverneur du Texas se lamente: "Mon parti est en train de se suicider en direct à la télévision." Pas d'accord. Ce suicide a commencé il y a longtemps déjà.
My party is committing suicide on national television. #GOPDebate
— Jamie Johnson (@JamieJohnsonUSA) 4 mars 2016
Comment en est-on arrivé là?
La réponse la plus simple et la plus utilisée pour expliquer la ruine du Grand Old Party tient en un mot: Trump. Mais la colère, la peur, le sentiment de déclassement qui sont le terreau indispensable du populisme, le parti les a créés.
Dès 2008, le parti républicain faisait une arme de ses franges les plus extrêmes, en choisissant Sarah Palin comme vice-présidente aux côtés de John McCain. Une stratégie reconduite en 2012 (et déjà critiquée) quand tous les candidats courtisaient avec avidité les membres du Tea Party.
Puis il y a eu l'attitude des républicains comme parti d'opposition. Lois, traités internationaux, juges à la Cour Suprême, les républicains bloquent tout et ils s'en vantent. Le compromis devient une défaite. Toutes les réussites d'Obama (un taux de chômage de 4,9%) sont soit des mensonges, soit des échecs. Ils le crient haut et fort: l'Amérique va à la catastrophe!
En polarisant tout ce qui pouvait l'être, les républicains espéraient un mouvement anti-Obama. A la place, ils ont généré une vague contre Washington, contre l'ensemble du système dont il font partie. Trump n'en est pas la cause mais la conséquence. Comme un parasite, il est arrivé au bon moment pour en profiter. Le parti a perdu le contrôle de sa création.
Une bataille pour la forme
Dans une tribune publiée dans le New York Times, le très démocrate Paul Krugman semble surpris d'écrire une éloge de Trump. "L'establishment républicain s'attaque à Trump, le décrit comme un arnaqueur, ce qu'il est. Mais est-il pire que l'establishment qui essaye de l'arrêter? Pas vraiment."
Ce qu'observe Krugman, c'est qu'il y a peu de différences de fond entre les candidats. Que ce soit sur la torture, l'immigration ou la politique fiscale et sociale, Trump n'est pas le seul à utiliser un programme très à droite pour séduire l'électorat. Sur certains points, il est même loin d'être le plus radical.
Mais pour les caciques du parti, les programmes de Rubio et Cruz présentent au moins l'avantage d'être présentés dans les règles. Les sous-entendus nécessaires sont observés, le ton raisonnable est (plus ou moins) respecté. Même quand ils courtisent les extrêmes, ils préservent l'apparence d'un parti de gouvernement.
A l'inverse, chez Trump, la forme correspond au fond. Le magnat se vautre dans la démagogie. Insultes, promesses absurdes, revirements constants, Trump reste à tout moment imprévisible. Quitte à révulser les modérés, il utilise la colère et la peur des électeurs pour promouvoir sa seule solution et son seul programme: Lui-même.
Un révélateur indispensable?
Ce show populiste jette la lumière sur les failles béantes entre les différentes composantes du GOP. Il n'y a plus rien à voir entre les désirs des électeurs de Trump et ceux d'un centriste comme Kasich. Trump a abattu une fiction indispensable: Le parti républicain devait pouvoir rassembler des centristes, des libertariens ou des ultraconservateurs religieux sous la même bannière. C'est devenu presque impossible.
Si Trump l'emporte, il ne laisse aux républicains que le choix du poison. Refuser de le soutenir pourrait briser le parti en plusieurs factions irréconciliables. L'accepter, c'est se résigner à un phagocytage complet par ses franges les plus extrêmes.
L'ascension de Donald Trump au sein du parti républicain.
"Selon moi, nous devrions profiter de l'ascension de Donald Trump." Conclut Paul Krugman. "Oui, c'est un arnaqueur, mais il agit de facto comme un lanceur d'alerte sur les arnaques des autres candidats. Croyez le ou non, c'est un progrès en ces temps troublés."
T.L
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