Le Premier Ministre Israélien Benyamin Netanyahou se trouvait hier à Washington pour prononcer un discours devant les deux chambres réunies du Congrès contre l'accord négocié en ce moment entre les 5 membres du conseil de Sécurité, l'Allemagne et l'Iran.
Ce discours était hautement controversé, dénoncé par Barack Obama lui-même. Le président n'apprécie guère qu'un des plus grands alliés du pays viennent dénoncer sa politique étrangère sur le sol américain, d'autant plus que Netanyahou utilise le Congrès américain comme tribune en plein milieu d'une campagne électorale.
En réponse, de nombreux représentants démocrates ont boycotté le discours, et Barack Obama lui-même a déclaré ne pas l'avoir suivi, préférant une transcription.
• « Je serais toujours reconnaissant au président Obama pour son soutien. »
Le début du discours du Premier Ministre était placé sous le signe de l'apaisement. Il a soigneusement souligné les liens qu'entretiennent les Etats-Unis et rappelé les nombreuses occasions durant lesquelles il a reçu l'aide du président Obama (y compris durant l'offensive de Gaza, pendant laquelle les USA avaient fourni plus d'armements à Tsahal).
Evidemment, Netanyahou s'est fait de plus en plus offensif à mesure que son discours avançait. Mais il n'est pas le seul à maîtriser cette petite valse hésitation, la réponse démocrate est venue de Nancy Pelosi: « En tant que personne qui apprécie notre relation et qui aime Israël, j'étais au bord des larmes pendant le discours du Premier Ministre, qui insulte notre intelligence [...] et est plein de condescendance pour notre connaissance de l'Iran. »
• «Les nervis de l'Iran à Gaza, ses laquais au Liban, ses gardiens de la Révolution sur le plateau du Golan enserrent Israel avec trois tentacules de terreur. »
Les « tentacules de terreur » ont beau avoir leur place dans un film de série B, elles illustrent bien la haine fondamentale qui existe entre Netanyahou et le pays perse. Durant tout son discours, l'israélien n'a cessé de peindre un tableau apocalyptique du Moyen-Orient, avec l'Iran comme force du mal absolu.
C'est la que se trouve la mésentente cruciale entre Obama et Nétanyahou. Le président américain traite l'Iran comme un pays « normal », qu'il est possible de ramener dans le rang international avec un régime du bâton (les sanctions) et de la carotte (un accord international). Pour l'israélien, « l'Iran a prouvé qu'on ne pouvait jamais lui faire confiance. » A plusieurs reprises, il a fait allusion à la Shoah, ce qui met implicitement l'Iran au rang du régime nazi...Et Obama dans le rôle de Neville Chamberlain?
A historic day today! The Israeli Prime Minister will educate Neville Chamberlain Obama about the nature of evil in our time. Must see TV!
— Sean Hannity (@seanhannity) March 3, 2015
• « L'Iran et l'Etat Islamique ce disputent la couronne de l'Islam militant. Dans ce jeu des trônes mortel, il n'y a pas de place pour Israël ou l'Amérique. »
Dans un discours politique, réussir à citer la série télévisée la plus populaire du moment, faire buzzer Twitter, taper sur l'Iran et l'Etat islamique et tout ça sans paraître ridicule, c'est du grand art. Mais au delà de ces considérations, Benyamin Netanyahou fait savoir que l'engagement de l'Iran contre l'Etat Islamique ne l'émeut guère, alors qu'il est considéré comme un signe encourageant par l'administration Obama.
pic.twitter.com/Kd9eg2HcpB— darth™ (@darth) March 3, 2015
• « Cet accord ne bloque pas l'accès à la bombe à l'Iran, il pave la voie de l'Iran vers la bombe. »
Le cœur du discours se trouve ici. Benyamin Netanyahou n'est pas venu aux Etats-Unis pour critiquer l'Iran ou suggérer une politique différente. Il est venu pour torpiller l'accord négocié en Suisse.Le premier ministre a dessiné un tableau à deux issues.
Soit les iraniens se moquent de l'accord et obtiennent la bombe grâce à un allègement des sanctions. Soit ils attendent l'expiration des mesures de contrôle du traiter pour construire «190 000 centrifugeuses » (le chiffre est, de l'avis de nombreux experts, parfaitement fantaisistes) et obtenir la bombe.
Les réactions contre Netanyahou se sont concentrées sur deux fronts. Premièrement, le premier ministre israélien tient plus ou moins le même discours depuis longtemps. « Cela fait vingt ans que Bibi dit que l'Iran et à un an d'avoir la bombe » a par exemple commenté un officiel de la Maison Blanche. Barack Obama lui a été particulièrement sec dans un entretien accordé à AP, reprochant notamment à son allié israélien de « ne proposer aucune alternative
• « Israel peut lutter tout seul. »
La fin de cette citation est « mais je sais que les Etats-Unis lutteront avec nous », il n'empêche, cette déclaration pour conclure un discours n'est pas une phrase de rassemblement anodine. Dans la rhétorique du Premier Ministre, les choix qui s'offrent aux Etats-Unis et à Israël sont un Iran nucléaire ou une lutte constante contre la République Islamique. De ça à suggérée une intervention armée contre les sites nucléaires iraniens, la distance n'est pas grande, mais Netanyahou a pris bien soin de ne pas la franchir.