Il est, dans la capitale de l’Émilie-Romagne, un surnom marqué au fer rouge : Bologne la Docte. Il s’agit du troisième sobriquet de la petite ville médiévale, allant de pair avec Bologne la Rouge et Bologne la Grasse, hérité du parcours politique, des briques ocre et de la riche gastronomie de ce bastion historique de la gauche italienne. Ce surnom de Savante, Bologne l’a gagné il y a mille ans, en devenant la première ville du monde occidental où des maîtres donnaient des cours à des élèves ; d’abord chez eux puis, dès 1563, dans le Palais de l’Archiginnasio, qu’il serait juste de qualifier de premier campus universitaire si ses salles de cours ne nous impressionnaient pas autant.
Au plafond, des fresques colossales, des sculptures boisées d’anges, des milliers de blasons multicolores fièrement peints par des élèves venus de France, de Navarre, mais aussi de plus loin, comme le premier étudiant Sud-américain d’Europe, venu du Pérou. De 1 088 à la Renaissance, qu’ils aient disserté dans les rues, à l’Archiginnasio ou dans l’actuel siège de l’Université – le somptueux Palazzo Poggi – les érudits attirés par le prestige de Bologne sont légion : Dante, Pétrarque, Copernic, Erasme, Goldoni, une armée de papes, Pasolini, Antonioni, Ferrari, Armani… et on en oublie.
A certains, on doit encore beaucoup : « Le berceau du projet Erasmus, c’est Bologne. Le nom-même vient d’Erasme, grand humaniste de Rotterdam venu ici se confronter à d’autres grands penseurs humanistes avant de partager la réputation de Bologne dans son pays » explique Marco Bazzocchi, fin connaisseur des lieux.
Des dissections sous l’œil de l’Eglise
Au fil des salles de l’Archiginnasio, des millions de livres antiques témoignent de l’évolution de l’astronomie, du droit, des maths ou de la médecine. Mais aussi de « l’histoire profane » et de « l’histoire sacrée », qu’on enseignait forcément dans une ville catholique aussi liée à l’autorité papale.
Les couloirs que nous arpentons ont vu les livres s’échanger, les idées fuser et les professeurs défiler. Mais une salle, plus que d’autres, a vu les élèves s’ébahir. C’est celle du théâtre d’anatomie antique, berceau des premiers cours de dissections, alors ouverts aux citoyens de la ville. L’ombre du pape continue cependant de planer ; on ne découpe les corps qu’en hiver, loin des fêtes religieuses et sous contrôle de l’Eglise.
Dans l’enfilade d’arcades, au hasard des colonnes, les murs continuent à parler. A 15 minutes à pied de l'Archiginnasio devenu aujourd'hui une prestigieuse bibliothèque, l'Université de Bologne reste la mère des écoles européennes. Elle accueille au total 100 000 étudiants (un quart de la population de la ville) et presque 3 000 professeurs, ce qui en fait l'une des plus grandes d'Europe. Reportage d’Alban Mikoczy, Anne Donadini, Manuel Chiarello, Lou Florentin, Valérie Parent.
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Anne Donadini