La barre du thermomètre est figée dans les profondeurs, elle avoisine les – 6°, tandis que la musique, elle, monte. Monte à n'en plus finir, s'étire dans des aigus glacés, puis oscille dans les graves comme une plainte. Des rais de lumière bleue, verte, puis pourpre irisent les instruments translucides. Nous ne le savons pas, mais à chaque seconde, les notes changent. Les guitares, xylophones et violoncelles de glace fondent doucement et un fa joué par chacun des musiciens n'est déjà plus tout à fait un fa, cinq minutes plus tard. Autour de cet orchestre, en représentation tout l'hiver dans un igloo de Presena au milieu des Alpes italiennes, 300 curieux écoutent, attentifs.
6 jours pour construire une mandoline
Ce festival de musique de glace auxquels ils assistent est unique au monde. Pour fabriquer chacun de ces instruments diaphanes, l’artiste américain Tim Linhart, qui sculpte mais ne joue pas, a sué sang et eau. L’épreuve demande patience, doigté, précision ; un faux mouvement de quelques millimètres et le violon peut exploser. « Plus vous allez lentement, plus vite vous finissez » résume Tim dans un adage avisé.
Les ingrédients sont élémentaires : un mélange de neige et d’eau - le jour de notre visite, Tim tente un violon à l’eau gazeuse (il paraît que le son est différent). Puis des cordes et un support classique sont ajoutés pour accueillir les doigts des musiciens. Il faut ensuite accorder très souvent ces diamants de la plus belle eau, car la chaleur humaine les fait fondre plus ou moins vite. Au terme de leur vie, Tim ou son jeune fils brisent littéralement la glace en achevant les pièces à coups de marteau. Immersion et reportage d’Alban Mikoczy, Laura Tositti, Anne Donadini et Florence Crimon.
L’info en + : le record du concert le plus haut du monde se situe bien, bien au-dessus des Alpes italiennes. Il est détenu depuis 2012 par le groupe Music4Children, qui joua à but caritatif à 6 476 mètres, sur le Mera Peak, au Népal. De quoi couper le souffle également !
Anne Donadini