Après l'affaire de l'Aquarius, le travail des Organisations Non Gouvernementales (ONG) au cœur de la Méditerranée est à l'arrêt. La fermeture des ports italiens par le ministre de l'intérieur, Matteo Salvini, oblige désormais l'Europe à revoir sa gestion des migrants.
L'épisode de l'Aquarius a trouvé son épilogue dimanche après-midi. Après plus d'une semaine où les pays européens se sont déchirés sur leur sort, les 630 migrants ont foulé la terre ferme du port de Valence, en Espagne. Une annonce qui a ravi le nouvel homme fort du gouvernement italien, Matteo Salvini.
"Pour la première fois, un bateau parti de Libye et à destination de l'Italie a finalement jeté l'ancre dans un autre pays. C'est un signe que quelque chose est en train de changer en Europe", a-t-il tweeté sur son compte officiel. Une réaction qui n'a pas découragé la présidente de SOS Méditerranée, Valeria Calandra, pour qui les ONG "retourneront le plus rapidement à la mer".
La #Aquarius approda in Spagna. Per la prima volta una nave partita dalla Libia e destinata in italia attracca in un Paese diverso: segno che qualcosa sta cambiando, non siamo piú gli zerbini d’Europa.
🔴 LIVE > https://t.co/1r761hEt72 pic.twitter.com/BPpYijA02j— Matteo Salvini (@matteosalvinimi) June 17, 2018
Or, leur activité est au point mort : les navires humanitaires n'ont recueilli aucun des 1495 migrants débarqués en Italie depuis le 9 juin dernier. Les bateaux Sea Watch 3 et Lifeline ont dû se contenter de fournir une assistance au navire militaire américain Trenton, aux prises avec 42 rescapés et 12 morts dont les corps ont abandonnés en mer.
Le sauvetage des migrants menacé ?
Si le situation perdurait, les conséquences seraient considérables pour le sauvetage des migrants en Méditerranée si le situation perdurait. Sur les 114.286 personnes secourues en mer puis débarquées en Italie en 2017, 46.601 l'ont été grâce au travail des associations humanitaires. "S'il n'y avait pas eu les ONG et les bateaux de marchandises au cours des dernières années, on aurait eu des milliers de morts en plus", ne cesse de répéter le commandement des gardes-côtes italiens.
Dénoncés comme les "taxis de la mer", les ONG ont pourtant un rôle fondamental par le centre de coordination du sauvetage maritime (MRCC) basé à Rome. Ce commandement reçoit les messages d'alerte en mer et ordonne aux navires présents à proximité d'effectuer les opérations de sauvetage. Les ONG sont donc de simples exécutants des opérations de secours en vertu du code de la mer.
La fermeture des ports aurait pour conséquence l'allongement coûteux de la durée de transports des migrants pour les bateaux d'ONG. Seules celles ayant les moyens les plus conséquents pourront continuer à faire leur travail.
Le déroute de l'Aquarius vers l'Espagne n'est pas non plus sans effet pour le contribuable italien. Deux bateaux des gardes-côtes et de la marine marchande ont dû l'accompagner, pour un coût estimé à deux millions d'euros.
Giuseppe Conte se rapproche de la France et de l'Allemagne pour modifier les règles du traité de Dublin
L'annonce spectaculaire et critiquée de Matteo Salvini semble répondre avant tout à une logique de politique intérieure. 87% des électeurs de la Ligue et 71% issus du mouvement 5 étoiles sont favorables à la fermeture des ports italiens aux ONG selon un sondage publié lundi dans la Repubblica. 58% des italiens sondés y sont également favorables.
Cette agitation politique et médiatique vise également un autre but : mettre la pression sur l'Union Européenne et sur ses membres pour faire évoluer les règles du traité de Dublin, avant le sommet des chefs d'Etats du 28 et 29 juin prochain.
Les Italiens exigent une meilleure répartition des migrants entre les pays européens. "Je souhaite que l'Espagne accueille encore 66.000 autres migrants. J'espère que les Portuguais et les Maltais en feront de même prochainement", a déclaré, lundi, le leader de la Ligue.
Giuseppe Conte, le président du Conseil italien, se rend ce lundi auprès de la chancelière allemande Angela Merkel pour trouver des solutions sur la question des migrants. La proposition italienne d'hotspots européens au sein des pays d'origine des migrants séduit les dirigeants européens, mais elle demeure difficilement réalisable.