Thierry Breton, nouveau commissaire européen désigné par la France

Thierry Breton, le 14 juin 2019 à Paris. (VINCENT ISORE / MAXPPP)

Deux semaines après le rejet massif de Sylvie Goulard par le Parlement européen, le président de la République a fait son choix. Il propose Thierry Breton comme nouveau candidat de la France à la Commission européenne.

Emmanuel Macron et la future présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen « se sont accordés sur le profil » ; Thierry Breton sera le prochain candidat de la France au poste de commissaire européen. Le Canard enchainé l’annonçait déjà hier, mais la nouvelle a été officialisée en début de matinée par l’Élysée. Une décision très attendue. Depuis le revers cinglant infligé à Sylvie Goulard, il y a deux semaines, la Commission attendait impatiemment un nouveau candidat. Mais Emmanuel Macron a temporisé. Officiellement pour aborder sereinement le sommet européen de la semaine dernière et les négociations de l’accord sur le Brexit. Officieusement, il a attendu qu’Ursula von der Leyen garantisse au nouveau candidat hexagonal l’intégralité du portefeuille un temps promis à Sylvie Goulard. Thierry Breton devrait donc être en charge du marché intérieur, mais aussi de l’industrie, du digital, de la défense, de l’espace et de la culture.

Un portefeuille dans les cordes de Thierry Breton

Thierry Breton est un soutien majeur d’Emmanuel Macron, qu’il a aidé durant sa campagne présidentielle. Rien de surprenant donc à sa nomination. Mais surtout, « Thierry Breton a des compétences fortes dans tous les domaines couverts par le portefeuille, compte tenu de son expérience en tant que PDG de grands groupes, et il a une légitimité forte en tant qu’ancien ministre des finances » assure l’Élysée.

Car le commissaire désigné est, à 64 ans, l’actuel PDG du groupe informatique Atos. Il a auparavant été ministre de l’Économie de Jacques Chirac entre 2005 et 2007. Dans le secteur privé, Thierry Breton a dirigé d’autres grands groupes industriels, comme Thomson ou France Télécom. Il a d’ailleurs redressé la dette de 70 milliards d’euros et assuré la privatisation de l’opérateur français.

L’ancien ministre connait en outre relativement bien Ursula von der Leyen. Il se sont côtoyés dans le cadre de leurs fonctions passées ; lui en tant que chef d’entreprise, elle comme ministre allemande des armées. Les compétences hybrides du commissaire pressenti, dans le domaine public et privé, devraient être décisives pour remporter l’adhésion des eurodéputés. Elles seront examinées par les édiles lors d’une audition au Parlement européen. Mais comme l’a démontré le « cas Sylvie Goulard », la candidature de l’ancien ministre n’est pas assurée d’aboutir.

Une candidature passée au crible

Les députés de la commission des affaires juridiques du Parlement européen sont chargés, en préalable des auditions, d’étudier les potentiels conflits d’intérêt des commissaires pressentis. Ancien chef de grandes firmes industrielles et actuel PDG d’Atos, ceux de Thierry Breton sont d’emblée multiples.

L’une des filiales d’Atos, Amesys, est notamment mise en cause par plusieurs États, comme l’Égypte, pour des activités d’espionnage. Le manager a aussi été mis en cause et sujet à perquisitions, dans l’affaire Rhodia, entreprise dont il a été l’un des responsables. Le fond du litige repose sur un délit d’initié, qui avait également éclaboussé la Commission européenne, et pour lequel le Parlement européen avait souhaité l’instauration d’une commission qu’enquête. La demande n’avait jamais abouti ; de quoi alimenter le ressentiment des eurodéputés vis-à-vis du candidat et de la Commission européenne. Les questions en suspens pourraient ressurgir à l’occasion de l’audition de Thierry Breton et promettent déjà des échanges mouvementés.

Thierry Breton, la seule option de Macron

La nomination de Thierry Breton, malgré les mises en causes, s’explique aussi par la difficulté d’Emmanuel Macron de trouver une candidature alternative à celle de Sylvie Goulard. Les différentes pistes explorées par l’Élysée soulevaient toutes un certain nombre de réticences du coté de Paris. Michel Barnier, plusieurs fois pressenti, n’a pas retenu les considérations du Président de la République. Il n’aurait pas apprécié que le négociateur en chef du Brexit appelle à voter pour Les Républicains lors des élections européennes. Ce matin sur France Inter, Stanislas Guerini prétextait, lui, qu’il s’agissait plutôt de permettre à Michel Barnier de mener les négociations sur le Brexit à leur terme.

Bruno Le Maire quant à lui, a plusieurs fois nié avoir des velléités européennes. Et sa nomination aurait obligé l’exécutif à opérer un remaniement gouvernemental. De même pour une potentielle candidature de Aurélie de Montchalin, qui, en outre, ne dispose pas d’une ancienneté suffisante dans ses fonctions de secrétaire d’État aux affaires européennes.

Plusieurs autres candidatures figuraient dans les papiers de L’Élysée, mais aucune ne pouvaient permettre à la France de revendiquer le maintien de l’ensemble des compétences du portefeuille du Marché Intérieur. Et surtout, le temps accordé à la décision était compté. Un délai a déjà été consenti à la France, la Roumanie et la Hongrie pour qu’ils puissent, chacun, nommer un nouveau commissaire. Obligeant ainsi la nouvelle Commission à retarder d’un mois son installation. Si ces trois nouveaux candidats recueillent l’approbation des députés européens, la Commission d’Ursula von der Leyen prendra ses fonctions le 1 décembre prochain.

Luca Campisi et Valéry Lerouge