C’est une première dans l’histoire de la Commission Européenne, la candidate française a été retoquée par les députés.
La candidature de Sylvie Goulard au poste de commissaire au Marché intérieur a été largement rejetée par le Parlement européen ce jeudi. Les députés des commissions concernées par son portefeuille ont définitivement voté contre sa nomination à 82 voix contre 29. Elle avait déjà été écartée, le 2 octobre, à l’issue d’une première audition parlementaire de trois heures. Les eurodéputés lui avaient donc transmis une liste de questions écrites, dont les 58 pages de réponses n’ont pas suffi à convaincre. Ce jeudi, elle était ainsi de retour au Parlement pour une seconde audition orale. Cette fois-ci, la commissaire candidate disposait seulement d’une heure et demi. L’audition a été encore tendue, et Sylvie Goulard n’a pas caché une forme d’agacement, la moitié des questions ayant encore porté sur les deux affaires qui entachent la candidature de l’ex Ministre de la Défense.
Le déséquilibre entre les compétences et les affaires de Sylvie Goulard
Les compétences européennes de Sylvie Goulard ne sont pas remises en cause. Tous bords confondus, les députés reconnaissent ouvertement son aptitude à exercer techniquement un poste de commissaire européenne. La récusation de Sylvie Goulard s’est faite sur des motifs éthiques. Deux affaires ont orienté les auditions et braqué l’opposition des parlementaires européens. Soupçonnée d’emploi fictif de son assistant parlementaire durant son premier mandat de députée européenne, et accusée de conflit d’intérêt pour avoir perçu, deux ans durant, une rémunération de 10 000€ par mois d’un think-tank américain, elle avait du s’en expliquer dès l’introduction de sa première audition. « I am clean » (« je suis innocente ») avait-elle immédiatement assuré.
Pas de quoi calmer la gronde des eurodéputés. Au risque de la voir constamment se répéter, beaucoup à gauche, comme à droite, l’ont questionnée sur ces affaires qu’ils jugeaient rédhibitoires au poste de commissaire européen. Philippe Lamberts, eurodéputé Vert, expliquait avant les auditions « Nous sommes dans une situation où les institutions européennes ont la réputation de ne pas défendre l’intérêt général. Et tout ce qui peut encourager cette vision doit être combattu ».
Le jeu politique
Le rejet de la candidature de Sylvie Goulard répond également à des logiques politiques et partisanes. Historiquement, la validation des commissaires répond à un équilibre entre les groupes politiques qui constituent ensemble une majorité au Parlement européen. Ainsi, l’éviction de Rovana Plumb, la candidate roumaine du groupe Social démocrate, a provoqué « en représailles » celle du candidat hongrois László Trócsányi, membre du Parti Populaire Européen (droite européenne). Traditionnellement, ces deux piliers de l’hémicycle se neutralisaient ainsi. Mais l’émergence d’un troisième groupe politique important, « Renew » (centriste libéral), au Parlement Européen a poussé S&D et PPE a faire subir aux centristes le même sort qu’à l’un des leurs. Pas de jaloux!
De plus, Sylvie Goulard était la candidate désignée par Emmanuel Macron. En appuyant la nomination de Ursula von der Leyen, le Président de la République avait outrepassé le système cher au Parlement des Spitzenkandidaten. Ce dernier devait garantir au Parlement européen de désigner le président de la Commission européenne. Un casus belli pour les députés européens, qui voient aussi dans la révocation de Sylvie Goulard une vendetta et un moyen de rappeler à Emmanuel Macron le rôle et le poids du Parlement. Le chef de l’État français va devoir rapidement proposer un nouveau candidat, « parlement-compatible »!