Les casseroles du Brésil

Ils se battaient sur les plateaux de télévisions à coup d’insultes ou de piques, ils se retrouvent aujourd’hui à partager une cellule dans une des plus dangereuses prisons de Rio: Bangu. Bienvenus! ont crié les détenus… Accueillis sous les effusions de joie, les deux nouveaux pensionnaires ne sont pas n’importe qui… Deux ex-Gouverneurs de Rio de Janeiro, deux anciens alliés aujourd’hui ennemis politiques, Anthony Garotinho (PR) et Sergio Cabral (PMDB).

Coup de théâtre judiciaire dans un état en plein naufrage financier, qui révèle la décadence de Rio de Janeiro, passé du centre de toutes les attentions du monde entier en aout dernier à la faillite. L’Etat est aujourd’hui au bord du gouffre financier, rongé par la corruption.

À la fin de son mandat, d’un côté les alliés de Cabral saluaient à grand renfort médiatique son administration et les alliances tissées avec l’ancien président Ignacio Lula et la présidente déchue Dilma Roussef, qui avait permis d’apporter des millions de réaux de fonds fédéraux, afin de financer la politique de pacification dans les favelas et de séduire les investisseurs étrangers en vue de la Coupe du monde et des Jeux Olympiques.

D’un autre, objet des plus virulentes critiques et contestations, des centaines de manifestants campaient devant chez lui pour réclamer son départ.

Manifestation devant la maison de Sergio Cabral dans la zone sud de Rio

Les manifestants protestaient devant la maison de Sergio Cabral avant son arrestation.

Aujourd’hui, Sergio Cabral est l’objet d’investigation de l’opération fédérale « lavo-jato », le nettoyage opéré par la justice contre la corruption qui gangrène le pays, pour avoir mis en place un système de corruption impliquant plusieurs entreprises de travaux publics (Odebrecht, Andrade Gutierrez, Queiroz Galvão), à l’occasion des chantiers du Maracanã, du programme de développement des favelas (PAC), de la construction de l’arc métropolitain, du chantier du complexe pétrochimique Comperj. 5% des valeurs de contrats auraient été reversés à l’ancien gouverneur ainsi que des mensualités variant entre 350 000 et 500 000 réaux (environ 100 000 euros), que Sergio Cabral nommait « son oxygène ». Il faut croire qu’on ne respire pas le même air.

L’épouse de Sergio Cabral, Adriana Ancelmo, est également accusée d’avoir utilisé son cabinet d’avocat pour recevoir des pots de vin. Parmi les dix plus importants contrats du cabinet de l’ex-Première Dame (entre 2008 et 2015), sept ont été signés avec des entreprises bénéficiant d’exemptions fiscales du gouvernement de Rio. Les enquêteurs soupçonnent une relation entre les bénéfices fiscaux attribués par le Gouverneur Cabral (près de 140 milliards de réaux entre 2008 et 2013) et ces contrats. 

Son voisin de cellule n’est pas en reste.

Anthony Garotinho est accusé par le parquet d’avoir pratiqué près de 15 000 actes de corruption électorale. Il a été escorté contre son gré hier soir de l’hôpital Souza Aguiar (où il a eu soudainement « un malaise ») à la prison de Bangu. La plupart des journaux reprennent ce matin des images de Garotinho, allongé sur une civière, tentant violemment d’empêcher son transfert.

L'ex-gouverneur de Rio, Anthony Garotinho est transféré de l'hôpital municipal Souza Aguiar jusqu'à la prison de Bangu

L'ex-gouverneur de Rio, Anthony Garotinho est transféré de l'hôpital municipal Souza Aguiar jusqu'à la prison de Bangu.

Selon l’éditorialiste, Eliane Cantanhêde du journal O Estado, « avec la prison de Cabral et Garotinho, les hommes politiques du Nord au Sud du Brésil sont en attente ». Le parti PMDB ainsi que le Président Michel Temer (PMDB) tentent de prendre leur distance par rapport à Cabral en rappelant avec insistance que ce dernier était beaucoup plus proche de l’ex-Président Lula que des leaders du parti.

 

Fanny Lothaire