Alors que l’Allemagne est en train de devenir une terre d’immigration et que de plus en plus de personnes apprennent la langue de Goethe dans le monde entier, les réformes proposées par la ministre française de l’Éducation, Najat Vallaud-Belkacem, ne provoquent pas uniquement la colère des parlementaires germanophiles, des familles franco-allemandes ou des professeurs d’allemand. Elles sont aussi vues avec beaucoup d’inquiétude par le gouvernement allemand, pas franchement ravi d'entendre que l’apprentissage de sa langue serait trop élitiste...
En effet, et malgré les promesses de la ministre française, Berlin redoute une forte baisse du nombre des élèves qui apprennent l’allemand. « Ce sont des nouvelles douloureuses pour tous ceux qui se sentent investis dans l’amitié franco-allemande », a réagi la secrétaire d’État aux Affaires Étrangères, Maria Böhmer. Elle a fait appel au président Hollande pour revenir sur ce projet de loi. « L’allemand doit être encore plus présent en France, et non pas perdre en importance ».
L’ambassadrice d'Allemagne à Paris, Susanne Wasum-Rainer, va encore plus loin : « à nos yeux, ce projet de réforme menace nos accords bilatéraux. » Un ton plutôt menaçant et pas très diplomate qui montre à quel point le sujet est pris au sérieux à Berlin.
D’autres encore, comme Joachim Umlauf, le directeur de l’Institut Goethe à Paris, y voient un symptôme de la crise européenne. Pour lui, l’amitié franco-allemande doit rester le moteur de l’Europe, « mais cela requiert une connaissance de la langue du partenaire. »
En France, on compte près d’un million de collégiens en cours d’allemand, soit 15 % des élèves. La majorité est en classes bilangues, ces classes qui seraient touchées par la réforme du gouvernement français. En Allemagne, ils sont environ 1,7 million (20 % des élèves) à apprendre la langue de Molière. Or, comme le constate une professeur d’allemand à Paris, le niveau des élèves français reste déjà bien en-dessous de celui de leurs camarades germaniques. « Quand nous sommes en échange chez nos voisins, » raconte Sylvie Kühner au quotidien Die Welt, un peu embarrassée, « les Allemands savent s’exprimer au bout de deux ou trois ans d’apprentissage. Les nôtres ne sortent que quelques mots. Mais deux ou trois heures de cours par semaine ne suffisent pas ! »
A l'avenir, ce comparatif pourrait ne plus avoir lieu. Et les jumelages et autres projets promus par l’Office Franco-Allemand pour la Jeunesse (OFAJ) pourraient bien voir leur nombre diminuer. Dommage ! Car beaucoup d’entreprises allemandes cherchent aujourd'hui à lutter contre la pénurie de main d’œuvre qualifiée… en recrutant en France. Une des compétences requises ? La connaissance de l'allemand...
Par Julien Clin