Le film Samba : un exemple de « burn-out »

Samba

Je suis allé au cinéma voir le film Samba (réalisé par O. Nakache et E. Toledano), dont l’un des personnages est victime d’un « burn-out ». Dans une interview de L’Obs, les cinéastes reconnaissent d’ailleurs que leur « première envie était de faire un film sur le burn-out ». Même si ce très bon film ne traite finalement pas explicitement de ce sujet, c’est tout de même l’occasion de faire un point sur ce fameux « burn-out ».

Le « burn-out », c’est quoi ?

Le terme « burn-out » est devenu suffisamment populaire pour que chacun d’entre vous puisse avoir une vague idée de sa définition. Mais ce que vous ne savez peut-être pas encore, c’est que le « burn-out » n’a de validité ni en psychologie ni en psychiatrie. Le « burn-out » ou « syndrome d’épuisement professionnel » en français, n’apparaît en effet dans aucune classification psychiatrique ou médicale : il n’existe pas de recherche clinique permettant de faire ressortir les critères diagnostics fiables d’un « burn-out ». Aux yeux des professionnels en santé mentale, le « burn-out » n’a donc pas plus d’existence objective que d’autres troubles « inventés » comme la phobie administrative par exemple.

Existe-il un trouble reconnu en lien avec la souffrance au travail ?

Les cliniciens et médecins ne peuvent donc pas poser de diagnostic de « burn-out » étant donné l’absence de validité dans sa construction diagnostique. Aujourd’hui, le seul diagnostic avéré en lien avec une souffrance relevant d’une activité professionnelle est le trouble de l’adaptation. Ce diagnostic s’appuie sur certains critères et symptômes déterminés par une méthodologie de recherche bien précise. Par exemple, le patient doit présenter une humeur dépressive (pleurs, sentiments de désespoir, etc.), une anxiété marquée (nervosité, inquiétude, etc.), ou encore une perturbation de ses conduites (violation des droits d’autrui, violation des règles sociales, etc.). Ensuite, le clinicien et le patient doivent être en mesure d’identifier un facteur de stress (ou stresseur) relevant d’un caractère socioprofessionnel (par exemple, un nombre d’objectifs au travail trop important).

Le trouble de l’adaptation

« La caractéristique essentielle d'un trouble de l'adaptation est une réponse psychologique à un ou à des facteurs de stress indentifiables (stresseurs) qui conduit au développement de symptômes dans les registres émotionnels ou comportementaux cliniquement significatifs. » (American Psychiatric Association). La culture est également prise en compte pour juger de la présence du trouble : « Pour juger cliniquement qu'une réaction à un facteur de stress est inadaptée ou que la souffrance qui en résulte est plus marquée que celle qui était attendue, il faut tenir compte du contexte culturel propre au sujet. Autant la nature, la signification et la façon de ressentir les facteurs de stress que la manière d'évaluer une réaction à ces facteurs de stress peuvent varier selon les cultures ».

Enfin, le trouble de l’adaptation est à prendre très au sérieux puisque le risque de suicide lié au trouble est augmenté.

« Burn-out » ou trouble de l’adaptation ?

En début d’année, Le Monde publiait un article au titre suggestif : « plus de 3 millions de français au bord du burn-out ». Puisqu’il n’existe aucun critère valide pouvant rendre compte de ce qu’est un « burn-out », on était en droit de remettre en question cette information. En lisant un peu plus loin, on constate d’ailleurs sans surprises que la méthodologie utilisée pour arriver à ce nombre est contestable.

En réalité, bien que les troubles de l'adaptation soient apparemment fréquents, « les données épidémiologiques varient dans de grandes proportions selon la population étudiée et la méthode d'évaluation utilisée » (entre 2 et 8% de la population générale).

L’utilisation du terme « burn-out » peut donc avoir l’inconvénient de manquer de précision et de nous donner une idée erronée des conséquences du stress au travail. La notion de « burn-out » renvoie également plus à une réflexion philosophique ou sociologique qu’à une conception en santé mental. Pour certains auteurs, le « burn-out » serait vu par exemple comme le résultat d’un malaise de la civilisation.

Quant au trouble de l’adaptation, sa définition ne tient pas compte de la spécificité du stresseur : qu’il s’agisse d’une difficulté professionnelle, sentimentale, sociale, familiale, ou d’un choc culturel, c’est en effet la souffrance de la personne qui est prise en compte, bien plus que l’événement stressant en lui-même. Dans le trouble de l’adaptation, la souffrance d’une personne serait plus vue comme le résultat d’une interaction entre cette personne et l’événement de vie stressant, sa culture, le contexte de vie, les facteurs de vulnérabilité propres cet individu, etc. En d'autres termes, l’activité professionnelle en elle-même n’est ni nécessaire ni suffisante pour expliquer la survenue du trouble. Cette vision du travail est donc bien différente de celle évoquée par le « burn-out ».