Au Théâtre des Champs-Elysées Lea Desandre et l'ensemble Jupiter inaugurent un "Festival de jeunes talents" numérique

Lea Desandre au centre et l'ensemble Jupiter C) Alina Sepp

Le jeune ensemble "Jupiter", réuni autour du luthiste Thomas Dunford, les amateurs de musique baroque commencent à bien le connaître. Il inaugure un "festival de jeunes talents", trois rendez-vous de musique classique et trois de danse, en diffusion sur la web TV du Théâtre des Champs-Elysées et sur les réseaux sociaux de la Caisse des Dépôts.

De belles découvertes autour de Monteverdi

Car c'est la Caisse des Dépôts qui est à l'origine de cette initiative, en ces temps, on le répète, si difficiles en particulier pour les jeunes musiciens et / ou danseurs. Caisse des Dépôts qui fait déjà pas mal d'actions pour apporter la musique là où elle ne vient pas forcément. "Le choix a vraiment été difficile" nous confie Zélia Housset, qui a eu la responsabilité compliquée de ne sélectionner "que" trois ensembles sur la vingtaine qui se sont présentés spontanément.

Et voici donc qu'en ce samedi l'ensemble Jupiter enregistre son programme, airs et pièces instrumentales de l'Italie des années 1600 (et du maître Monteverdi en particulier). Les airs bénéficiant du timbre douloureux et habité de Lea Desandre, la jeune mezzo (27 ans) poursuivant ainsi sa progression vers les sommets.

Heureuse idée aussi pour les musiciens de tourner le dos à la salle, ce qui permettra aux (télé)spectateurs d'admirer le magnifique écrin du Théâtre des Champs-Elysées. Heureuse idée enfin (pour entrer dans le vif du programme) d'intercaler deux airs d'un non-Italien -mais en italien-, le grand Haendel: deux airs fameux, le Lascia la spina du Triomphe du Temps et de la Désillusion et l'Ombra mai fu  du Serse (dit aussi Largo de Xerxès) Desandre les chante avec un art consommé, impeccable de tessiture (avec des graves évidents), riche de nuances, diminuendos parfaits et beau legato.

L'intime douleur de Lea Desandre

Mais si ces deux airs sont un peu des "produits d'appel", c'est pour mieux nous attacher à cette musique italienne du XVIIe siècle dont Monteverdi (qui inaugure ce siècle-là avec ses opéras) est le plus célèbre représentant. Le concert s'ouvre avec le Si dolce è il tormento, mélodie de 1624 qu'accompagne d'abord le beau luth de Thomas Dunford avant qu'entre en scène Cyril Poulet (excellent violoncelliste), Hugo Abraham (qui se débrouille fort bien dans le rôle ingrat du contrebassiste) et les deux violonistes rivalisant de talent, Sophie Gent et Théotime Langlois de Swarte, ce dernier Révélation des Victoires de la Musique de cette année.

La Lettera amorosa du même Monteverdi verra Desandre la chanter assise auprès de Dunford qui est seul à l'accompagner de son luth, telle une Italienne soupirante de ce temps-là confiant sa déploration à son musicien favori.

Thomas Dunford, le luthiste et Lea Desandre, la mezzo C) Julien Benhamou

Deux airs de l'autre maître de l'époque, Frescobaldi, dans un style bien plus populaire, Se l'aura spira, riant, emporté, dansant, puis Cosi mi disprezzate (Comme vous me méprisez), bien plus sombre, plus amer évidemment; et Desandre, qui est à demi italienne, articule et martèle cette langue avec une évidence, une compréhension intime, et aussi des climats, qui vont au-delà de l'apprentissage des chanteuses. Deux airs ensuite du Parmesan Tarquinio Merula, une berceuse inquiète sur deux notes de violoncelle répétées tout au long (les autres instruments entrant peu à peu), puis le Folle è ben che si crede, triste et intense.

Des maîtres italiens peu connus pleins de vigueur et de sentiments

Les pièces instrumentales permettent aussi de passionnantes découvertes, à commencer par nos instrumentistes aussi ardents qu'inspirés, au premier rang un Thomas Dunford dont on se dit que, si les compositeurs d'après 1800 l'avaient connu, ils n'auraient pas rejeté le luth dans les oubliettes des siècles antérieurs. Dunford chef de groupe, dans deux Toccatas de Kapsberger (Vénitien comme son nom ne l'indique pas) d'une écriture minimaliste très étrange. Une Calata ala Spagnola (Descente (!) à l'espagnole) d'un certain Dalza (au luth encore), des Folias du Napolitain Falconieri (variations sur les Folies d'Espagne) où tout le monde se déchaîne en y mettant cette vie intense de Naples, alors une des villes les plus brillantes d'Europe; puis  une Chaconne dynamique de Merula et une Toccata e Bergamasca d'un compositeur du siècle suivant, Tommaso Vitali, où se remarque (encore) le violoncelle de Cyril Poulet.

Un programme qui s'achèvera comme il a commencé, par Monteverdi: le Quel sguardo sdegnosetto (Quel regard bien dédaigneux!) avec Dunford encore seul accompagnateur d'une Desandre qui se montre aussi très brillante dans les vocalises!

La diffusion sur la Web TV du Théâtre des Champs-Elysées commencera ce 8 décembre. Les Jupiter ouvrant la voie au Local Brass Quintet, quintette de cuivres donc qui, outre des créations, joue en les adaptant Debussy et Ravel avec une volonté pédagogique; et puis au plus connu Ensemble Correspondances  de Sébastien Daucé qui proposera un Gala Lully (14 et 21 décembre) , Quant à la danse, un spectacle de Valentine Nagata-Ramos le 17 décembre en direct aussi à 19 heures 30 sur Culture Box. Puis les chorégraphes  Amala Dianor et Tarek Aït Meddour les 5 et 8 janvier 2021)

Concert de l'ensemble Jupiter avec Lea Desandre, mezzo. Oeuvres de Monteverdi, Haendel, Frescobaldi, Kapsberger, Dalza, Falconieri, Merula, Vitali. En diffusion à partir du 8 décembre et pendant un an sur la web TV du Théâtre des Champs-Elysées et aussi sur les réseaux sociaux de la Caisse des Dépôts et Consignations