C'est un joli spectacle pour les amateurs d'Offenbach, par des interprètes peu connus mais pleins de talent: "Offenbach'Ademy" où le parodieur du Second Empire est joliment parodié: les airs d'opérette fameux retrouvent une modernité, les voix sont belles et les textes sont drôles. Une petite heure apéritive à ne pas bouder.
Offenbach par de très jolies voix
Ils s'appellent Mathide Rogé (soprano), Sophie Hanne (mezzo), Guillaume Durand (baryton, rien à voir avec...) Et leur pianiste Katia Weimann. Ils jouent dans une de ces salles improbables où de petites compagnies essaient d'attirer le public, ces salles, on s'en méfie, mais elles sont parfois l'occasion de bonnes surprises...
C'est le cas avec cette "Offenbach'Ademy" qui a d'abord la qualité de mettre en scène de très jolies voix. Mais les chanteurs, deux d'entre eux en tout cas (Rogé et Durand) ont aussi de vrais talents d'écriture. Le scénario est prétexte. Dans le lieu d'auditions d'une émission de télé-réalité, "Le jeu de l'amour et du bazar", trois candidats sont reçus par une gentille réceptionniste (il est probable que les vraies sont plus hautaines) Il y a Melissa, bimbo esthéticienne et coeur (ou corps) à prendre... tous les soirs après sa sortie de boîte de nuit! Il y a Ingrid, si bien mariée à un homme plus âgé qui la délaisse avec tellement de panache, mais il lui a offert en voyage de noces la place St-Marc à Venise où ils ont atterri en hélico: comment, après ça, lui en vouloir? Et il y a Gontran, fils à papa et... euh! on ne sait pas bien. Tête à claque?
On passe en revue les grandes opérettes
Ils se découvrent, ils se chamaillent, ils s'écoutent, ou pas, ils jouent à chat à coups de griffes et de ronrons et Offenbach est le prétexte à leurs états d'âme, à leurs crises de tristesse ou de triomphe, à la mise en scène (très "télé-réelle") de leurs bobos. Les grandes opérettes y passent toutes: "Orphée aux Enfers", "La grande-duchesse de Gerolstein", "La vie parisienne", "La belle Hélène". Soit l'air est respecté à la lettre (la Barcarolle des "Contes d' Hoffmann"), soit, le plus souvent, un texte exquisement parodique déclenche les rires.
Offenbach à l'heure des portables
C'est ainsi que Mélissa-Mathilde Rogé ("C'est pour la télé. J'ai mis mon plus beau string". Elle a tout compris, Mélissa...), sur l'air d'Oreste dans "Orphée aux Enfers", hésite entre "Karim et Jean-François". Que le bourdonnement de la mouche, dans le duo du même nom entre Eurydice et Jupiter (toujours "Orphée aux Enfers"), devient le bourdonnement d'un vibreur, la séduction passant aujourd'hui par la messagerie d'un portable. Et l'on s'amuse franchement quand Gontran se lance, à la place des militaires de la Grande-Duchesse, dans un "Ah! que j'aime l'humanitaire!", partant, lui, soigner les petits Afghans orphelins.
Une bimbo la nuit du 4 août
Le talent des auteurs va plus loin, jusqu'à de jolis mots profonds ("Le meilleur moyen de séduire une femme, c'est de la rassurer") ou loufoques ("Mon mari, c'est mon socle, ma base, mon tabouret") Mélissa, elle, multiplie les bourdes par son ignorance, comme les bimbos de certains programmes qui nous fascinent autant que nous les méprisons. "On n'a pas fait pour rien la nuit du 4 août - Ah! oui, je m'en souviens, j'ai dansé à Ibiza, jusqu'au lendemain matin" ou encore, quand Ingrid conte son voyage de noces: "Nous sommes arrivés à Venise -Ce doit être tellement beau, la Grèce"
Une heure joyeusement apéritive
Evidemment le décor est pauvret, la mise en scène un peu minimaliste, les chanteurs-acteurs n'ont pas toujours le ton juste. Mais de répliques assez vachardes ("Je sais parler aux illettrées" s'extasie Gontran, très grand bourgeois des beaux quartiers, comme si c'était un exploit) en blagues à deux balles mais qui font rire (une des candidates retenues s'appelle Aude Javel), on goûte, en compagnie du joyeux et tendre Offenbach, cette heure joyeusement apéritive, à laquelle pourtant on fera un vrai reproche (qui peut, lui, se résoudre facilement): ne pas déposer, sur nos bancs inconfortables, la liste des airs et des oeuvres que l'on entend, car tout le monde, et c'est peu dire, n'a pas son Offenbach gravé dans la mémoire.
"Offenbach' Ademy" de Guillaume Durand et Mathilde Rogé, avec eux, Sophie Hanne et Katie Weimann, mise en scène "collective avec l'aide de Timothée Pouzet". Comédie Saint-Michel, 95, Bd St-Michel, Paris, tous les vendredis à 21 heures 30 et tous les samedis à 20 heures jusqu'au 5 janvier 2019