A mon arrivée à Helsinki, j'ai rencontré Katri Vallaste, chercheuse spécialiste de l'euroscepticisme qui connaît bien Perussuomalaiset (le "PS"), les "Vrais Finlandais". Elle m'a aidée à mieux cerner le parti, dont beaucoup de caractéristiques m'ont paru étrangement familières.
Un parti porté par son chef et très présent dans les médias
Perussuomalaiset est un parti très centré sur son leader, Timo Soini. "Si vous demandez aux gens dans la rue qui ils connaissent de tel ou tel parti, ils vous répondront des noms différents, dans un ordre différent. Si vous leur demandez qui ils connaissent des 'Vrais Finlandais', ils vous citeront systématiquement et en premier Timo Soini", explique Katri Vallaste.
Le leader sait s'y prendre avec les médias : "Quand il est à la télévision, il occupe l'espace, il explique les choses de manière très terre à terre, il est un tempérament fort, il n'est pas ennuyeux", résume la chercheuse.
Comme en France, les journalistes ont un rapport compliqué avec les "Vrais Finlandais". Un sondage réalisé il y a deux ans montrait que Perussuomalaiset était le parti pour lequel les journalistes étaient le moins enclins à voter. Alors qu'ils adorent en raconter les petites histoires. "Ils sont moins prompts à pardonner aux personnalités 'PS' qu'aux autres", confirme Katri Vallaste.
Une ligne populiste et anti-européenne
Le parti revendique son populisme. Timo Soini a d'ailleurs écrit sa thèse de master sur le sujet. Pour lui, être populiste veut dire s'occuper des gens ordinaires, défendre la protection des travailleurs contre les élites qui bénéficient de leur travail injustement. "Ils affirment dire tout haut ce que les Finlandais pensent tout bas", note la spécialiste, pour qui "ce n'est pas complètement faux". Mais selon elle, "les Finlandais aiment trop se définir comme ouverts d'esprit, libéraux et progressistes pour le reconnaître".
Défenseur du Finlandais "ordinaire", le "PS" prône le renforcement de l'Etat providence, essentiellement pour ceux qui le méritent. Il y a quelques semaines, le parti a par exemple proposé d'avancer l'âge de départ à la retraite pour les parents de familles nombreuses, à condition qu'au moins l'un des deux soit finlandais. Histoire d'exclure les familles notamment somaliennes, principaux immigrés en Finlande.
Perussuomalaiset a clairement un positionnement anti-Bruxelles, il définit le projet européen comme "un projet des élites", qui ne bénéficie qu'aux élites au détriment des "honnêtes travailleurs". "Ils réclament plus de pouvoirs pour les Etats-nations", explique Katri Vallaste. Et de préciser : "C'est plus un discours abstrait : ils ne sont pas spécifiques sur quels pouvoirs ils veulent récupérer."
Du côté de l'électorat, "les cadres ne votent pas pour Perussuomalaiset, ni les jeunes libéraux, les plus pauvres non plus d'ailleurs", énumère Katri Vallaste. L'électeur type du "PS" est masculin, la cinquantaine, employé ou patron de PME, "le travailleur honnête qui gagne assez pour nourrir sa famille, mais pas beaucoup plus", résume-t-elle.
Quelques spécificités locales
Le parallèle avec le Front national français a ses limites. Le parti, créé en 1997 sur les ruines du Parti rural de Finlande, a connu une croissance explosive. Il passe la barre des 10% pour la première fois en 2010 et obtient plus de 19% des votes l'année suivante. Il n'a pas eu besoin de passer par une phase de "dédiabolisation". D'autant moins que nombre de ses élus, et notamment son patron, sont sincèrement modérés. Catholique, Timo Soini bénéficie même d'une image de tolérance au pays du protestantisme rigoureux. Le spectre des opinions y est plus large qu'au FN, même si une dizaine de responsables sont coutumiers des sorties racistes tonitruantes.
De plus, les "PS" ne prônent pas la sortie de l'euro. La monnaie unique est considérée comme un acquis solide, dont personne n'exige la sortie à l'exception du Parti pour l'Indépendance, qui plafonne à 2%.
Contrairement à la France, où le FN se dispute la critique de l'Union européenne avec la gauche de la gauche notamment, les "Vrais Finlandais" sont seuls sur ce créneau. En effet, la défiance historique des Finlandais envers la Russie empêche tout mouvement apparenté communiste de prendre de l'ampleur, ce qui permet aux "Vrais Finlandais" d'occuper toute la niche.
Bonus : Plus que "Vrais Finlandais", la traduction littérale de Perussuomalaiset s'approche du "Finlandais commun", "Finlandais ordinaire". Rapidement devenu "Finlandais basique" avec tout ce que cela comporte de négatif, le parti s'est choisi un nom officiel en anglais (pour le Parlement européen notamment) : les Finlandais, tout simplement, puisqu'il considère qu'il représente l'intérêt de tous les citoyens du pays.